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 mise à jour du
11 octobre 2000
Lexique
voir schéma anatomique 
A quoi sert le sommeil ?
Hypocrétine et vigilance
Anatomie et rôle physiologique
de la formation réticulaire du tronc cérébral
et du locus coeruleus
 
The neuropharmacology of yawning Argiolas A, Melis MR
Adapté de: anatomie clinique du système nerveux central
M Prades, B Laurent, ML Navez
Edition Masson 
La formation réticulaire du tronc cérébral
La formation réticulaire est la partie centrale de la substance grise du tronc cérébral en continuité en bas avec la zone intermédiaire de la substance grise médullaire, en haut avec les noyaux du thalamus, et l'hypothalamus. Les dendrites des neurones de la formation réticulaire sont perpendiculaires à l'axe du tronc cérébral alors que les axones sont parallèles à cet axe. L'ensemble constitue avec les fibres ascendantes et descendantes un réseau à larges mailles, réalisant un système multisynaptique d'intégration. La formation réticulaire est l'équivalent d'un tamis à trous différents bloquant ou facilitant le passage des influx.
 
Sur le plan morphologique: la formation réticulaire est divisée en trois colonnes longitudinales de noyaux : 1°)une colonne centrale avec les noyaux du raphé, sérotoninergiques; 2°) une colonne médiane, magnocellulaire, faite de grandes cellules; 3°)une colonne latérale, parvocellulaire, faite de petites cellules.
 
Sur le plan fonctionnel la formation réticulaire est organisée en deux systèmes :
- un système polysynaptique réticulaire «descendant», intervient dans le contrôle du tonus musculaire et des réflexes. Le rôle essentiel est dévolu aux noyaux centraux et au noyau rouge, une «inhibition motrice» d'origine réticulaire est observée dans deux circonstances particulières, le sommeil paradoxal (inhibition motrice de la période des rêves) et une grande émotion (sidération due à la peur, par exemple). Ce système réticulaire descendant intervient également dans le contrôle de la douleur : les noyaux paramédians du raphe magnus sont à l'origine d'une voie descendante bulbo-spinale sérotoninergique, agissant sur les interneurones enképhalinergiques de la couche gélatineuse de Rolando, freinant les influx nociceptifs destinés à la corne postérieure de la moelle. Cette voie représente un contrôle suprasegmentaire de la douleur. Elle véhicule également les fibres noradrénergiques provenant du locus cœruleus, qui sont aussi un frein puissant vis-à-vis des influx nociceptifs expliquant l'utilisation antalgique des alpha 2 agonistes de type clonidine;
 
- un système polysynaptique réticulaire «ascendant» joue un rôle dans les phénomènes de veille, de sommeil et d'attention mais aussi de contrôle de la nociception. Les noyaux médians du raphé (projections sérotoninergiques vers le thalamus et l'hypothalamus) sont impliqués, de même que le locus cœruleus, formation grise de la jonction ponto-mésencéphalique, correspondant au centre du sommeil paradoxal. Celui-ci se traduit par une activité corticale cérébrale proche de l'état de veille, une hypotonie, une inhibition motrice, des mouvements oculaires, des phénomènes végétatifs. Cette phase du sommeil correspond à la période des rêves. Ce système réticulaire ascendant intervient également dans la transmission des influx nociceptifs : la voie paléo-réticulo-spino-thalamique est connectée à la substance grise périaqueducale où vont se générer tous les phénomènes de «rétrocontrôle douloureux» descendant, qui vont faire relais soit dans le raphe magnus pour les voies sérotoninergiques, soit dans le locus cœruleus pour les voies noradrénergiques. Cette voie paléo-réticulospino-thalamique est aussi ascendante, se projetant sur les noyaux intralaminaires du thalamus puis le cortex cingulaire (système limbique), frontal, insulaire, mais aussi hypothalamus, et amygdale (système limbique). Cette voie renseigne sur l'intensité du stimulus douloureux, donne sa composante émotionnelle pénible (relais limbique), et produit des réactions végétatives (relais hypothalamique). Cette voie a une finalité de conservation de l'espèce (fuite, stress ... ) mais pas de sensibilité discriminante de la douleur qui dépend du système néo-spinothalamique.
 
Le locus cœruleus et la substance grise péri-aqueducale
Ces deux structures sont fortement connectées avec la formation réticulaire du tronc cérébral. Le locus cœruleus constitue une structure nucléaire complexe, noradrénergique mais aussi cholinergique, à la partie dorsale de la jonction ponto-mésencéphalique dans le plancher du V4. Il représente l'origine essentielle du système limbique noradrénergique, ascendant. Il est un «pacemaker» cérébral participant à l'alternance veille-sommeil. Ses connexions se font surtout avec :
 
1°) les noyaux du raphé (rôle dans le contrôle de la nociception); le noyau sensitif du nerf trijumeau V; 2°) les noyaux paraventriculaires de l'hypothalamus (rôle dans le contrôle de la posthypophyse) et limbique (rôle dans l'émotion); 3°) le néocortex cérébral (rôle majeur dans les processus d'attention et d'éveil orientés dans le sens d'une protection de l'individu : c'est « l'alerte »).
 
La substance grise périaqueducale (SGPA) est constituée d'une très forte densité cellulaire enveloppant l'aqueduc du mésencéphale de Sylvius. Ces cellules présentent une grande hétérogénéité neurobiochimiques (noradrénaline, sérotonine, glutamate ... ) mais sont globalement stimulées par les peptides opiacés. La diversité des connexions de la SGPA explique ses fonctions : 1°) les connexions supérieures proviennent par le faisceau médian du télencéphale surtout de l'hypothalamus, ayant un rôle essentiel d'intégration végétative et limbique; 2°) les connexions inférieures se font avec la moelle et le tronc cérébral vers le locus cœruleus et la formation réticulaire (noyau raphé magnus sérotoninergique en particulier) et jouent un rôle important dans le contrôle inhibiteur descendant de la transmission nociceptive spinale.
 
Le sommeil
Soixante années d'existence d'un Homme se résument en 40 ans d'activité physique et mentale en état d'éveil et 20 ans de sommeil, sans contact conscient avec l'univers ambiant. Trois états de vigilance sont à distinguer : l'éveil, le sommeil lent, le sommeil paradoxal. L'apparition du rêve au cours du sommeil nocturne n'est pas aléatoire mais périodique : chez l'Homme, il survient toutes les 90 minutes, précédé d'une période de sommeil « lent », et il dure 15 à 20 minutes, totalisant en moyenne 100 minutes de rêve par nuit. Il est assimilé à la phase de « sommeil paradoxal » de M. Jouvet dit aussi phase des mouvements oculaires rapides, caractérisée par une activité corticale et sous-corticale rapide, presque identique à celle de l'état de veille, associée à une disparition totale du tonus musculaire, et à des phénomènes phasiques (mouvements oculaires rapides, pauses respiratoires, accélération cardiaque... ). La structure essentielle pour le déclenchement du sommeil paradoxal est le complexe du locus cœruleus et subcœruleus.
 
L'éveil fait intervenir le système noradrénergique, provenant de la partie rostrale du locus cœruleus; le sommeil met en cause pour l'endormissement le système sérotoninergique, provenant de la partie rostrale des noyaux du raphé. Une insomnie totale avec suppression du sommeil paradoxal également est obtenue par inhibition de synthèse de la sérotonine. Éveil et sommeil sont donc sous la dépendance de deux systèmes antagonistes, objets de régulation entre eux : l'inactivation de l'un active l'autre et inversement. Une insomnie peut avoir plusieurs mécanismes, en particulier l'inactivation du système sérotoninergique ou l'activation du système des catécholamines (noradrénaline).
 
La séquence schématique des événements conduisant au rêve se fait en trois étapes successives : une étape sérotoninergique préparatoire de sommeil « lent », une étape cholinergique (certains neurones du locus cœruleus) et une étape catécholaminergique (noradrénaline) dépendant de la partie caudale du locus cœruleus et du locus subcœruleus (rôle d'inhibition du tonus musculaire et obtention de phénomènes phasiques), véritable « pacemaker » cérébral commandant le sommeil paradoxal (activation pyramidale, extrapyrarnidale avec blocage concomitant moteur). La destruction de l'ensemble du complexe du locus cœruleus supprime le rêve (et le sommeil paradoxal) : la destruction de la partie caudale du locus coeruleus chez le chat lève l'inhibition motrice et permet l'extériorisation de l'activité pyramidale et extrapyramidale du rêve : le chat dort et chasse les souris, se défend contre des prédateurs...
 
Il semble que le sommeil paradoxal apparaisse avec l'homéothermie : les Oiseaux et tous les Mammifères rêvent, mais avec des différences quantitatives importantes. Les « grands rêveurs » sont les carnivores dormant en général en sécurité; les « petits rêveurs» sont les herbivores, les rongeurs... n'ayant que peu de place pour le sommeil en sécurité, et quêtant longuement leur nourriture.
 
Rêveurs ou bâilleurs... même comparaison, puisque pas de bâillement sans sommeil paradoxal !