Adapté de: anatomie clinique du
système nerveux central
M Prades, B Laurent, ML Navez
Edition Masson
La
formation réticulaire du tronc
cérébral
La formation réticulaire est la
partie centrale de la substance grise du
tronc cérébral en
continuité en bas avec la zone
intermédiaire de la substance grise
médullaire, en haut avec les noyaux du
thalamus, et l'hypothalamus. Les dendrites
des neurones de la formation
réticulaire sont perpendiculaires
à l'axe du tronc
cérébral alors que les axones
sont parallèles à cet axe.
L'ensemble constitue avec les fibres
ascendantes et descendantes un réseau
à larges mailles, réalisant un
système multisynaptique
d'intégration. La formation
réticulaire est l'équivalent
d'un tamis à trous différents
bloquant ou facilitant le passage des
influx.
Sur le plan morphologique: la
formation réticulaire est
divisée en trois colonnes
longitudinales de noyaux : 1°)une
colonne centrale avec les noyaux du
raphé, sérotoninergiques;
2°) une colonne médiane,
magnocellulaire, faite de grandes cellules;
3°)une colonne latérale,
parvocellulaire, faite de petites
cellules.
Sur le plan fonctionnel la
formation réticulaire est
organisée en deux systèmes
:
- un système polysynaptique
réticulaire «descendant»,
intervient dans le contrôle du tonus
musculaire et des réflexes. Le
rôle essentiel est dévolu aux
noyaux centraux et au noyau rouge, une
«inhibition motrice» d'origine
réticulaire est observée dans
deux circonstances particulières, le
sommeil paradoxal (inhibition motrice de la
période des rêves) et une grande
émotion (sidération due
à la peur, par exemple). Ce
système réticulaire descendant
intervient également dans le
contrôle de la douleur : les noyaux
paramédians du raphe magnus sont
à l'origine d'une voie descendante
bulbo-spinale sérotoninergique,
agissant sur les interneurones
enképhalinergiques de la couche
gélatineuse de Rolando, freinant les
influx nociceptifs destinés à
la corne postérieure de la moelle.
Cette voie représente un
contrôle suprasegmentaire de la
douleur. Elle véhicule
également les fibres
noradrénergiques provenant du locus
cruleus, qui sont aussi un frein
puissant vis-à-vis des influx
nociceptifs expliquant l'utilisation
antalgique des alpha 2 agonistes de type
clonidine;
- un système polysynaptique
réticulaire «ascendant» joue
un rôle dans les
phénomènes de veille, de
sommeil et d'attention mais aussi de
contrôle de la nociception. Les noyaux
médians du raphé (projections
sérotoninergiques vers le thalamus et
l'hypothalamus) sont impliqués, de
même que le locus cruleus,
formation grise de la jonction
ponto-mésencéphalique,
correspondant au centre du sommeil paradoxal.
Celui-ci se traduit par une activité
corticale cérébrale proche de
l'état de veille, une hypotonie, une
inhibition motrice, des mouvements oculaires,
des phénomènes
végétatifs. Cette phase du
sommeil correspond à la période
des rêves. Ce système
réticulaire ascendant intervient
également dans la transmission des
influx nociceptifs : la voie
paléo-réticulo-spino-thalamique
est connectée à la substance
grise périaqueducale où vont se
générer tous les
phénomènes de
«rétrocontrôle
douloureux» descendant, qui vont faire
relais soit dans le raphe magnus pour les
voies sérotoninergiques, soit dans le
locus cruleus pour les voies
noradrénergiques. Cette voie
paléo-réticulospino-thalamique
est aussi ascendante, se projetant sur les
noyaux intralaminaires du thalamus puis le
cortex cingulaire (système limbique),
frontal, insulaire, mais aussi hypothalamus,
et amygdale (système limbique). Cette
voie renseigne sur l'intensité du
stimulus douloureux, donne sa composante
émotionnelle pénible (relais
limbique), et produit des réactions
végétatives (relais
hypothalamique). Cette voie a une
finalité de conservation de
l'espèce (fuite, stress ... ) mais pas
de sensibilité discriminante de la
douleur qui dépend du système
néo-spinothalamique.
Le locus
cruleus et la substance grise
péri-aqueducale
Ces deux structures sont fortement
connectées avec la formation
réticulaire du tronc
cérébral. Le locus
cruleus constitue une structure
nucléaire complexe,
noradrénergique mais aussi
cholinergique, à la partie dorsale de
la jonction
ponto-mésencéphalique dans le
plancher du V4. Il représente
l'origine essentielle du système
limbique noradrénergique, ascendant.
Il est un «pacemaker»
cérébral participant à
l'alternance veille-sommeil. Ses connexions
se font surtout avec :
1°) les noyaux du raphé
(rôle dans le contrôle de la
nociception); le noyau sensitif du nerf
trijumeau V; 2°) les noyaux
paraventriculaires de l'hypothalamus
(rôle dans le contrôle de la
posthypophyse) et limbique (rôle dans
l'émotion); 3°) le
néocortex cérébral
(rôle majeur dans les processus
d'attention et d'éveil orientés
dans le sens d'une protection de l'individu :
c'est « l'alerte »).
La substance grise périaqueducale
(SGPA) est constituée d'une
très forte densité cellulaire
enveloppant l'aqueduc du
mésencéphale de Sylvius. Ces
cellules présentent une grande
hétérogénéité
neurobiochimiques (noradrénaline,
sérotonine, glutamate ... ) mais sont
globalement stimulées par les peptides
opiacés. La diversité des
connexions de la SGPA explique ses fonctions
: 1°) les connexions supérieures
proviennent par le faisceau médian du
télencéphale surtout de
l'hypothalamus, ayant un rôle essentiel
d'intégration végétative
et limbique; 2°) les connexions
inférieures se font avec la moelle et
le tronc cérébral vers le locus
cruleus et la formation
réticulaire (noyau raphé magnus
sérotoninergique en particulier) et
jouent un rôle important dans le
contrôle inhibiteur descendant de la
transmission nociceptive spinale.
Le
sommeil
Soixante années d'existence d'un
Homme se résument en 40 ans
d'activité physique et mentale en
état d'éveil et 20 ans de
sommeil, sans contact conscient avec
l'univers ambiant. Trois états de
vigilance sont à distinguer :
l'éveil, le sommeil lent, le
sommeil paradoxal. L'apparition du
rêve au cours du sommeil nocturne n'est
pas aléatoire mais périodique :
chez l'Homme, il survient toutes les 90
minutes, précédé d'une
période de sommeil « lent »,
et il dure 15 à 20 minutes, totalisant
en moyenne 100 minutes de rêve par
nuit. Il est assimilé à la
phase de « sommeil paradoxal » de
M. Jouvet dit aussi phase des mouvements
oculaires rapides, caractérisée
par une activité corticale et
sous-corticale rapide, presque identique
à celle de l'état de veille,
associée à une disparition
totale du tonus musculaire, et à des
phénomènes phasiques
(mouvements oculaires rapides, pauses
respiratoires, accélération
cardiaque... ). La structure essentielle pour
le déclenchement du sommeil paradoxal
est le complexe du locus cruleus et
subcruleus.
L'éveil fait intervenir le
système noradrénergique,
provenant de la partie rostrale du locus
cruleus; le sommeil met en cause pour
l'endormissement le système
sérotoninergique, provenant de la
partie rostrale des noyaux du raphé.
Une insomnie totale avec suppression du
sommeil paradoxal également est
obtenue par inhibition de synthèse de
la sérotonine. Éveil et sommeil
sont donc sous la dépendance de deux
systèmes antagonistes, objets de
régulation entre eux : l'inactivation
de l'un active l'autre et inversement. Une
insomnie peut avoir plusieurs
mécanismes, en particulier
l'inactivation du système
sérotoninergique ou l'activation du
système des catécholamines
(noradrénaline).
La séquence schématique des
événements conduisant au
rêve se fait en trois étapes
successives : une étape
sérotoninergique préparatoire
de sommeil « lent », une
étape cholinergique (certains neurones
du locus cruleus) et une étape
catécholaminergique
(noradrénaline) dépendant de la
partie caudale du locus cruleus et du
locus subcruleus (rôle
d'inhibition du tonus musculaire et obtention
de phénomènes phasiques),
véritable « pacemaker »
cérébral commandant le sommeil
paradoxal (activation pyramidale,
extrapyrarnidale avec blocage concomitant
moteur). La destruction de l'ensemble du
complexe du locus cruleus supprime le
rêve (et le sommeil paradoxal) : la
destruction de la partie caudale du locus
coeruleus chez le chat lève
l'inhibition motrice et permet
l'extériorisation de l'activité
pyramidale et extrapyramidale du rêve :
le chat dort et chasse les souris, se
défend contre des
prédateurs...
Il semble que le sommeil paradoxal
apparaisse avec l'homéothermie : les
Oiseaux et tous les Mammifères
rêvent, mais avec des
différences quantitatives importantes.
Les « grands rêveurs » sont
les carnivores dormant en
général en
sécurité; les « petits
rêveurs» sont les herbivores, les
rongeurs... n'ayant que peu de place pour le
sommeil en sécurité, et
quêtant longuement leur
nourriture.
Rêveurs ou bâilleurs...
même comparaison, puisque pas de
bâillement sans sommeil paradoxal
!