Si les
mécanismes du sommeil sont bien
connus, on ne sait pas encore
précisément pourquoi nous avons
besoin de sommeil. Selon les différentes
théories, le sommeil serait
nécessaire pour deux types de fonctions:
pour les besoins internes de l'organisme et pour
répondre aux nécessités de
l'environnement.
Aux besoins internes de l'organisme
L'idée que le sommeil sert
à reposer le corps n'a jamais
été prouvée. Le cur
et le diaphragme ne se reposent jamais, le
cerveau non plus (surtout pendant le sommeil
paradoxal où son activité est
intense). Nous ne savons pas encore
répondre à la question suivante:
pourquoi notre corps doit-il rester immobile et
notre esprit s'isoler du monde pendant un tiers
de notre vie ? Le sommeil ne semble pas un
vestige du passé; son absence totale
provoque de graves troubles neuropsychiques et
aboutit à la mort si le
phénomène se prolonge trop
longtemps, Enfin, les mammifères, les
oiseaux et les reptiles dorment tous, ce qui
fait supposer un rôle physiologique
essentiel à cette fonction. Comme il
existe deux sortes de sommeil (lent et
paradoxal) nous pouvons essayer de trouver :
Une explication pour chaque type de
sommeil
Le sommeil lent
« restaure » : le sommeil lent
pourrait servir à restaurer l'organisme
après les fatigues de l'éveil.
L'hormone de croissance (qui joue un rôle
important dans le métabolisme des
protéines et est indispensable à
la croissance de l'enfant et de l'adolescent)
est surtout libérée lors des
premières phases du sommeil à
ondes lentes. Le sommeil à ondes lentes
servirait à restaurer l'activité
(rendue moins efficace par une longue
période d'éveil) des connexions
synaptiques. Il pourrait aussi avoir un
rôle protecteur contre le stress
lié à la privation de sommeil. En
effet, les expériences de privation de
sommeil chez l'homme et chez l'animal ont
montré qu'il existait une diminution de
l'efficacité des comportements et des
troubles neuropsychiques réversibles
lorsque le sujet redort; le sommeil pourrait
donc éviter l'accumulation de toxines
produites pendant l'éveil. Enfin, le
sommeil lent pourrait nous empêcher de
dépenser trop d'énergie. Il serait
dans ce cas assimilé à
l'hibernation. La diminution de la
température corporelle que l'on observe
pendant le sommeil chez tous les
mammifères serait un moyen de conserver
l'énergie en limitant le
métabolisme. Plus un animal a besoin
d'énergie, plus il dort.Cependant, si
cette hypothèse était exacte, les
hommes des contrées
tempérées, où la nourriture
est abondante, ne devraient plus avoir besoin de
dormir; nous échapperions à ce
besoin de sommeil si son rôle
physiologique ne se limitait qu'à cela!
... mais le paradoxal
« développe » :
essentiel au développement du cerveau, le
sommeil paradoxal
est plus important chez le nouveau-né (50
% du temps de sommeil) que chez l'adulte (25
%).Toutes les sensations (sons, images, odeurs)
génèrent des impulsions nerveuses
qui modèlent le cerveau. Les
réseaux nerveux le plus souvent
utilisés se renforcent et ceux qui le
sont rarement sont fragilisés et
disparaissent. On peut supposer que le sommeil
paradoxal procure au cerveau un
entraînement régulier et donc
contribue à son développement tout
au long de la vie.
Une réponse aux
nécessités de l'environnement
L'éveil domine tout car il est
nécessaire à la vie (recherche de
nourriture) et à l'espèce
(reproduction, défense de la
progéniture). La durée du sommeil
peut se trouver de ce fait
considérablement allongée ou
raccourcie. Il existe un sommeil de
nécessité et un sommeil de luxe.
Une grande partie du sommeil du chat est un
sommeil de luxe: il dort parce qu'il n'a rien
d'autre à faire (c'est le cas de beaucoup
d'êtres humains en vacances). Dans ces
conditions, une fonction essentielle du sommeil
serait de préparer l'organisme et le
cerveau à faire face aux besoins et aux
défis de l'éveil. Certains animaux
ont un sommeil localisé: les albatros
(qui volent des milliers de kilomètres)
et les dauphins (qui nagent en permanence) ne
dorment que d'un hémisphère
cérébral à la fois.
Recherche - les
nouveaux objectifs
La recherche clinique et fondamentale
de ces dernières années a permis
de bien connaître les différents
stades de sommeil, les relations entre le
sommeil et la physiologie de l'homme normal, en
particulier la situation du sommeil dans
le rythme des 24 heures. Actuellement,
grâce aux enregistrements
polysomnographiques et aux techniques
numérisées permettant des analyses
automatiques, on peut étudier la
microstructure du sommeil et mieux
appréhender la nature des troubles du
sommeil dont se plaignent les malades. De cette
compréhension devraient découler
de meilleurs médicaments ou techniques
comportementales pour soigner les troubles du
sommeil. Parallèlement, la recherche
fondamentale essaye de trouver les zones
cérébrales qui règlent le
cycle veillesommeil (existe-t-il un centre du
sommeil ?).La découverte de l'hypocrétine
dans l'hypothalamus devrait permettre de mieux
comprendre les neuromédiateurs
impliqués dans la genèse du
sommeil. On peut imaginer un jour avoir des
moyens pharmacologiques pour rétablir un
sommeil organisé ou bien pour le
supprimer sans conséquences
néfastes pour l'organisme mais ce serait
dommage: le sommeil est un besoin physiologique
mais aussi un plaisir! Et lorsqu'on interroge
les sujets qui n'ont pas de problèmes de
sommeil, 90% d'entre eux vous disent qu'ils
adorent dormir...
To sleep,
perchance to learn
Sleep has fascinated humanity for centuries.
Scientists have asked whywe need to sleep, while
mystics have thought that our dreams can tell
uswhat the future holds. The mysteries of the
dream world might still be out of reach, but
researchers are coming closer to unravelling
some of th efunctions of a good night's
sleep.
It seems that while we are sleeping,our
neurons might be busy remodelling the
connections and circuits of the brain. Frank et
al. have now shown that in young cats,
plasticity in the visual cortex is enhanced by
sleep at the critical period for visual system
development. During this critical period, the
visual system of the cat is particularly
sensitive to monocular deprivation. If visual
input through one eye is blocked for a few
hours, subsequent recordings from visual cortex
show a reduction in responses to input through
the deprived eye, and a decrease in the number
of neurons showing binocular responsiveness.
Frank et al. investigated the effects of
sleep on this form of plasticity. If cats were
simply left in a dark room for six hours after
the end of the period ofmonocular deprivation
Ñ and, cats being cats, they spent most
of this time asleep Ñ the changes in
visual cortex responsiveness were much more
marked than if the measurements were taken
immediately after the deprivation. However, if
the cats wereput in a dark room but kept awake
Ñby a combination of movement of the cage
floor and 'meowing' sounds being played whenever
they started to dropoffÑ the enhancement
of plasticity was prevented. It seems that
sleep, rather than time elapsed since the end of
the deprived period or the absence of light, was
responsible for the increase in the effect. In
fact, six hours of sleep was at least as
effective at increasing the changes in cortical
responsiveness as an additional six hours of
monocular deprivation.
Optical imaging confirmed the results. Frank
et al. used optical imaging to map cortical
responses to oriented stimuli presented to
either the deprived eye or the control eye. Once
again, responses to stimuli presented to the
deprived eye were weaker and less selective,
with the cats in the group that had slept
showing the greatest effect. Although rapid eye
movement (REM) sleep has long been thought to be
important for neuronal development in the young
brain, Frank etal. found that the degree of
enhancementof plasticity in the cats
correlatedwith the amount of non-REMsleep during
the six hours after monocular deprivation. This
might tie in with the sharp increase in non-REM
sleep that occurs in cats at the beginning of
the critical period.
So it seems that our suspicionsthat sleep is
essential for consolidation of memories and
development or remodelling of neural pathways
might be correct. Our dreams might still be
amystery, but at least we are starting
tounderstand why sleep is so essential.Rachel
Jones
- Legendre,
R. et Pieron, H. (1912) De la
propriété hypnotoxique des humeurs
développées au cours d'une veille
prolongée
- C.R. Soc. Biol. (Paris), 72: 210-212.
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