- 2006
Le
bâillement son histoire interne ou
neurophysiologie du
bâillement
- Electroneurobiologia
2006 in press
-
- R.
Legendre et H. Piéron ont décrit
en 1910 : « de la
propriété hypnotoxique des humeurs
développée au cours d'une veille
prolongée ». Ayant
échoué à déclencher
le sommeil en injectant, à des chiens
reposés, du sérum d'autres chiens
fatigués, par voie intra-veineuse ou
intra-parenchymateuse, ils réussirent
à déclencher un sommeil d'aspect
physiologique en injectant, en
intrathécal, à un animal sain
vigile du LCR d'un chien fatigué et
conclurent à l'existence d'une subtance
hypnogène, baptisée «
hypnotoxine », présente dans le LCR
et transfèrable. Bien que
méthodologiquement contestées, ces
expériences retrouvent une certaine
acuité en examinant les
découvertes concernant les
prostaglandines et l'adénosine.
-
- Les prostaglandines (PG) appartiennent
à une famille de lipides physiologiques
dérivés d'acides gras
insaturés, surtout l'acide arachidonique.
Présents dans les cellules de tous les
tissus de l'organisme, elles participent de
multiples effets physiologiques ou pathologiques
comme la contraction musculaire, l'inflammation,
l'agrégation plaquettaire, la
fièvre. Elles sont
considérées comme des hormones
locales. PGD2 joue un rôle important
essentiellement au niveau du système
nerveux. PGD2 a un effet inducteur du sommeil,
aux caractéristiques physiologiques et
abaisse la température corporelle. PGE2,
isomère de la PGD2, a des effets
inverses: élévation de la
température corporelle, réduction
de la durée des deux types de sommeil
ainsi que du nombre d'épisodes
ultradiens. O. Hayaishi a montré que PGD2
était produite par les
leptoméninges, libérée dans
le LCR, se liait à des récepteurs
(DPR), présents à la surface des
structures méso-diencéphaliques
périventriculaires, où son action
active les récepteurs A2a de
l'adénosine (transduction, excitation).
Le signal est transmis au travers de neurones
spécifiques au VLPO, centre inducteur du
sommeil, alors que PGE2 semble agir sur les
noyaux TMN éveillants. PGD2 semble jouer
un rôle crucial dans la régulation
homéostasie du sommeil lent profond
(Hayaishi, 2004, 2005).
-
- L'adénosine est directement
lié au métabolisme des cellules.
Au niveau du système nerveux central, une
augmentation de l'activité neuronale
entraîne une augmentation de la
consommation énergétique et de la
concentration extra-cellulaire
d'adénosine. L'ischémie et
l'hypoxie élévent de façon
importante les concentrations extra-cellulaires
d'adénosine. Or, il semble qu'au niveau
des récepteurs A1 à
l'adénosine, une élévation
de ces concentrations extra-cellulaires
d'adénosine provoquent une
réduction de l'activité neuronale,
réalisant comme un effet protecteur ou
d'épargne.
-
- L'élévation progressive des
concentrations d'adénosine, corrolaire de
l'activité neuronale au cours des
périodes d'éveil, induirait une
état de somnolence prémice du
sommeil qui, lui, permettra une
récupération
énergétique. L'adénosine
serait ainsi le facteur somnogène,
inhibiteur de l'activité neuronale
s'accumulant pendant la veille et devenant ainsi
promotteur du sommeil. Alors que l'action
cellulaire de l'adénosine est
brève, la clairance extra-cellulaire de
l'adénosine, accumulée pendant
l'éveil, est lente. L'effet de
restauration du sommeil est
corrélé à un abaissement
des concentrations extra-cellulaires
d'adénosine, faisant de celle-ci un
témoin de l'effet de la régulation
homéostasique du sommeil
(Porkka-Heiskanen, 2002).
-
- Des cytokines tels IL1 et TNF, les
prostaglandines (PGD2) sont des agents
somnogènes comme le prouvent leurs
élévations, au niveau du LCR, lors
de la fièvre et les infections
(méningites, en particulier tuberculeuse)
(Krueger, 2001). Les auteurs anciens,
décrivant les fièvres dans leur
aspects et leurs déroulements, à
défaut d'en connaître les causes,
avaient noté l'importance les
épisodes de somnolence, de sommeil et les
salves de bâillements (Caufapé,
1696). Le parasite de la trypanosomiase ou
maladie du sommeil agirait en produisant de la
PGD2 dans le LCR des malades
parasités.
-
- La caféine et la théophylline
sont des antagonistes des récepteurs
à l'adénosine connus pour stimuler
l'éveil et inhiber l'apparition des
bâillements. Les bâillements peuvent
être expérimentalement
déclenchés par des agents
cholinergiques comme la physostigmine
(inhibiteur de la cholinestérase) et ce
de façon doses dépendantes. A
l'inverse, l'atropine, antagoniste muscarinique
de l'acétylcholine, inhibe les
bâillements. La N6-cyclohexyladenosine est
un agent agoniste des récepteurs à
l'adénosine. Celui-ci réduit
l'effet de la physostigmine, et supprime les
bâillements induits. La
8-phenylthéophylline, antagoniste des
récepteurs A1 à l'adénosine
ne modifie pas la réponse à la
physostigmine mais prévient l'inhibition
des bâillements induits par la N 6
-cyclohexyladenosine. La théophylline,
antagoniste des récepteurs à
l'adénosine, réduit les
bâillements induits pas la physostigmine,
principalement par action sur les
récepteurs A2 (Zarrindast, 1995).
-
- L'apomorphine, agoniste dopaminergique,
injectée en sous-cutanée,
déclenche des bâillements en
stimulant principalement les
récepteurs D3 (et+/-D2) à la
dopamine, au niveau du septum et du striatum.
L'injection
intra-cérébro-ventriculaire
d'agonistes des récepteurs à
l'adénosine
(5-N-éthylcarboxamidoadenosine (NECA) ou
N6-cyclohexyladenosine) réduisent ou
suppriment les bâillements induits par
l'apomorphine. Ces résultats
témoignent d'une interaction entre les
mécanismes d'action de l'adénosine
et de la dopamine comme de l'adénosine et
l'acétylcholine sur les bâillements
et qui diffèrent suivant le type de
récepteur à l'adénosine A1
(inhibiteur de l'adénylcyclase) ou A2
(stimulant de l'adénylcyclase)
(Zarrindast, 1995).
-
- L'échographie et le doppler veineux
permettent d'étudier la physiologie de la
circulation veineuse jugulaire, reflet indirect,
de la circulation des sinus veineux
intra-craniens. Patra (1988) a montré
l'effet de la contraction des muscles
omo-hyoïdiens au cours du bâillement,
confirmant le rôle de compression des
veines jugulaires par les muscles
omo-hyoïdiens et le retentissement
hémodynamique veineux
intracérébral du bâillement.
Cette augmentation de pression veineuse a
été rendue responsable de
l'influence du bâillement sur la
circulation du liquide céphalo-rachidien
LCR (Schroth, 1992). Des travaux récents
contestent, en partie, cette physiologie, en
impliquant l'action conjuguée de forces
osmotiques et hydrostatiques dans la circulation
du LCR (Bergsneider, 2001 ; Oreskovic, 2002). Il
serait intéressant d'apprécier
l'effet des bâillements sur la clairance
de PGD2, PGE2 et de l'adénosine.
L'accélération du flux de LCR
engendrée par les bâillements
réduit-elle l'effet somnogène des
prostaglandines et de l'adénosine ?
- -Legendre
R, Piéron H.
De la propriété
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