- Pourquoi
bâille-t-on ? Ed Claparède
1924
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- LE SOMMEIL
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- Le sommeil est un état d'inaction
périodique, caractérisé par
une perte plus ou moins complète de
contact avec la réalité objective
présente, qu survient plus ou moins
brusquement, et qui, brusquement aussi, peut
être, par une excitation, interrompu et
remplacé par l'état de
veille.
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- Le sommeil, cependant, ne saurait être
défini que par des attributs
négatifs. Nous verrons qu'il comporte
certaines activités sui generis. Il se
distingue donc de la veille non seulement
quanitativement, mais aussi
qualitativement.
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- I. LE BESOIN DE SOMMEIL
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- Conditions et mécanisme du besoin
subjectif.
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- «Besoin» de sommeil peut
s'entendre à deux points de vue
différents objectif et subjectif.
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- Au point de vue objectif, on se demandera :
quand le sommeil est-il, organiquement parlant,
utile ou nécessaire à l'individu ?
Cette question est celle de la valeur
restauratrice et, en général, de
la fonction du sommeil ; nous la retrouverons
plus loin.
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- Nous ne parlerons ici du besoin de sommeil
que dans son sens subjectif. Et notons tout de
suite qu'il n'y a pas de coïncidence
nécessaire entre ces deux aspects du
«besoin». On peut, par exemple,
éprouver vivement le besoin d'un morceau
de sucre dans une tasse de thé, ou de sel
dans un potage sans que l'organisme ait,
chimiquement parlant, besoin de sucre ou de sel
à ce moment-là. De même on
peut éprouver le besoin de sommeil sans
que celui-ci soit à ce moment-là
un besoin réel pour l'organisme.
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- Le besoin subjectif de sommeil ne
précède pas nécessairement
l'acte de s'endormir. On peut tomber endormi
sans en avoir préalablement ressenti le
besoin. C'est le plus souvent le cas lorsque
nous allons nous coucher à l'heure
habituelle, ou lorsque nous nous endormons en
chemin de fer. Cette absence de besoin
s'explique par la loi de la prise de consscience
nous ne prenons pas conscience des
réactions que nous accomplissons d'une
façon automatique. Il n'y a prise de
conscience que si la réaction est
empêchée, est gênée.
Le besoin de sommeil ne surgit dans notre
conscience que lorsque, pour une raison ou pour
une autre, nous sommes pousés à
prolonger l'état de veille quoique notre
organisme incline au sommeil. Il est le
résultat d'un conflit de tendances.
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- Il en est de même pour les autres
besoins : nous ne ressentons pas toujours la
faim avant de manger, ni le besoin d'uriner
avant la miction. Lorsque ces actes sont
régis par l'habitude et peuvent
s'accomplir sans obstacle, ils se passent de
l'avertissement du besoin.
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- Au reste, le mécanisme du besoin de
sommeil peut être calqué, mujatis
muartandis, sur celui des autres fonctions
organo-psychologiques, par exemple la miction.
Dès que surviennent les causes
habituelles qui induisent le sommeil, si
celui-ci doit être momentanément
écarté, on voit apparaître
des réactions antagonistes, et le besoin
de sommeil consiste, subjectivement, dans les
sensations qui témoignent de cette lutte.
Ainsi, le besoin de sommeil se manifeste, en
premier lieu, par la, lourdeur des
paupières ; mais cette lourdeur, nous ne
la sentons vraiment que lorsque nous nous
opposons, si peu que ce soit, à
l'occlusion des yeux. Bientôt surviennent
des sensations de tiraillement dans les muscles
oculaires (au moment de l'endormissement, les
yeux se révulsent en haut et en dehors)
et dans le muscle releveur de la
paupière, de la diplopie, des sensations
vagues dans la nuque et, en
général, dans toute la musculature
du corps. En outre, ainsi qu'on le constate
aisément lorsque, dans une
conférence, on lutte contre le sommeil,
on doit faire effort pour ramener l'attention
qui fuit, et pour rapprocher, en quelque sorte,
la voix de l'orateur qui semble
s'éloigner peu à peu et venir
comme d'un autre monde.
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- Par une série de
«rétablissements», nous
parvenons, si nous sommes victorieux dans cette
lutte, à écarter pour un certain
temps le besoin de sommeil. Nous reprenons alors
pleinement conscience de la situation
présente, du milieu où nous nous
trouvons.
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- Les symptômes du besoin de sommeil
s'aggravent notablement si la veille est
prolongée fort au delà des limites
habituelles. La privation de sommeil pendant
plusieurs jours apparaît comme la plus
abominable des tortures. Elle peut engendrer du
délire et des hallucinations. Au cours
d'expériences d'insomnie
expérimentale (cf plus loin), les sujets
ont noté une irritabilité
particulière, des migraines, des
vertiges, des bourdonnements dans la tête,
une perte du contrôle moteur. Ces
manifestations varient d'ailleurs
considérablement d'une personne à
l'autre (ROBINSON).
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- II ne faut pas confondre la sensation du
besoin de sommeil avec la sensation de fatigue,
bien que ces deux états de conscience
puissent être superposés et
associés. On peut éprouver de la
fatigue sans avoir besoin de dormir ; le cas est
fréquent dans l'insomnie. On peut aussi
éprouver le besoin de dormir, sans
ressentir de la fatigue ainsi en chemin de fer
ou dans une conférence, ou après
le repas de midi, s'il fait chaud.
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- 2. Le bâillement.
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- Le bâillement est
généralement
considéré comme un des signes du
besoin de sommeil, et je pense que c'est
à juste titre, mais à la condition
que, conformément à la conception
esquissée tout à l'heure, on
envisage surtout le besoin de sommeil comme
l'expression psycho-physiologique de la lutte
contre le sommeil.
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- Le bâillement - c'est tout au moins
l'hypothèse qui semble le mieux rendre
compte des faits - nous apparaît comme un
des épisodes de cette lutte.
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- Qu'est-ce que le bâillement ? Les
physiologistes le définissent comme un
acte respiratoire, déclenché d'une
façon réflexe, et
accompagné de la contraction de divers
muscles de la face, acte qui aurait pour
fonction d'augmenter l'oxygénation du
sang. Mais la question qui intéresse le
psychologue est celle de savoir ce que signifie
le bâillement, et quels sont ses rapports
avec le sommeil. Or l'observation nous apprend
que nous ne bâillons pas lorsque nous
pouvons nous abandonner au sommeil. Nous
bâillons au contraire lorsque nous sommes
empêchés de le faire. Aussi
DUMPERT a-t-il
supposé que le bâillement
était une réaction de
défense contre l'inattention qui guette
l'esprit fatigué. Et la fonction de cette
réaction serait de faciliter la
circulation sanguine. Pour en comprendre le
mécanisme, il faut, dit DUMPERT (d'accord
en cela avec HAUPTMANN
et MAYER) regarder le
bâillement comme n'étant que la
portion (isolée par l'éducation)
d'un réflexe plus général :
l'étirement. Souvent d'ailleurs le
bâillement va avec l'étirement. Le
fait est frappant chez les chiens et chez les
chats. Et souvent aussi, le simple acte de
s'étirer provoque le bâillement. Le
réflexe d'étirement a pour
fonction de faciliter la circulation sanguine
dans le corps et spécialement dans le
cerveau, soit en provoquant des contractions qui
compriment les veines
périphériques et poussent le sang
vers le cour, soit en suscitant une inspiration
intense qui exerce aussi une action d'appel sur
la circulation veineuse .
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- Avant DUMPERT,
STEKEL, en 1915, avait déjà
considéré le bâillement
comme une arme contre le sommeil. « Le
bâillement sert, disait-il, à nous
tenir éveillé ».
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- De fait, on bâille aussi le matin,
plus souvent même que le soir ; le
bâillement aide à rétablir
la veille. La conscience du bâillement
appartient aux symptômes subjectifs du
besoin de sommeil; la preuve en est qu'en
bâillant volontairement, même au
début de la matinée, on
éprouve du même coup la sensation
du besoin de dormir.
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- Yawning
cale / Estimation des
bâillements
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