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Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 

 

 
 
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mise à jour du
31 mars 2005
page 104-111
tome II
Essai sur la physiologie
T Bordenave
Elemens de physiologie
Du sommeil 1769
Albrecht von Haller
16 octobre1708 - Berne - 12 décembre1777
traduit du latin par Toussaint Bordenave
voir la version de 1752 traduite par Pierre Tarin

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  haller
 albrecht von haller
On appelle Veille l'aptitude qui se trouve dans les organes pour exercer librement les sensations & les mouvemens volontaires; & on nomme Sommeil, l'inaptitude à ces mêmes exercices, & le repos quoique les organes soient sains.
 
L'ame pendant le sommeil, ou ne pense absolument à rien qui puisse être retenu dans la mémoire, & qui soit connu, où elle est uniquement occupée des espèces reçues dans le sensorium commun, dont les vives représentations produisent alors en elle des perceptions parfaitement semblables à celles que produisent les impressions des objets extérieurs sur les organes des sens. Ces représentations sont nommées Songes, & elles font que tandis que tout le reste du siège principal des sens & des mouvements volontaires est en repos, il reste cependant quelque partie ouverte, qui est arrosée d'esprits & qui veille. Quelquefois ces affections de l'ame sont accompagnées de quelques mouvements volontaires, de sorte que les organes de la parole, & plusieurs membres, ou tous, sont conduits au gré de ces perceptions. C'est par-là qu'on explique les somnanbules.
 
Mais pendant le sommeil le coeur continue à se mouvoir, la distribution des humeurs se fait également dans le corps humain, de même que la circulation, le mouvement péristaltique de l'estomac, des intestins, des sphincters; la respiration enfin s'éxécute de même. Cet arrangement de certaines parties en repos & d'autres en mouvement, a rendu difficile la connoissance de la cause méchanique du sommeil.
 
Ainsi, pour la développer, nous considérons toutes les causes & tous les phénomènes du sommeil & de la veille, & nous les parcourerons dans tous les genres d'animaux; car cette condition produite par les mêmes causes, constante dans toutes, sera cause du sommeil.
 
Le sommeil est une suite naturelle de la veille & du travail. En effet, pendant la veille le mouvement presque continuel des muscles soumis à la volonté, le service des sens, les affections de l'ame, fournissent continuellement de nouveaux aiguillons aux nerfs, aux veines & au coeur. Le sang par ce grand mouvement & ces frottements est irrité & change sa nature douce en pourriture alcalescente; la partie la plus fluide du sang & les esprits mêmes les plus fins se dissipent plutôt qu'ils ne se réparent; c'est pourquoi non seulement le corps s'affoiblit & se fatigue peu à peu, mais encore la trop longue veille cause une certaine ardeur fébrile, l'acrimonie des humeurs & enfin l'accablement. Aux approches de la nuit, on sent peu à peu un engourdissement dans les muscles longs & dans leurs tendons, une inaptitude aux pensées sérieuses & un amour pour le repos de l'esprit et du corps. Alors les forces qui soutenoient le corps, s'abbatent, les yeux se ferment involontairement, la machoire inférieure reste pendante, on est nécessairement forcé à bailler, la tête s'incline en devant, l'action des objets extérieurs nous affecte moins, & enfin les idées & les pensées se troublent, & le délire succède; le passage de cet état au sommeil est peu connu, cependant cet état le précède toujours. Le défaut des esprits que le mouvement musculaire & l'exercice des autres sens a consommé d'une façon quelconque, & dont il est très probable qu'il s'exhale une très grande partie, paroît être la cause naturelle du sommeil naturel, commun à tous les animaux.
 
Le défaut de toute irritation dans la tête & dans le corps, la tranquilité parfaite de l'esprit & des sens extérieurs la nuit enfin concourent beaucoup au sommeil.
 
De plus, tout ce qui affoiblit les forces, les grandes pertes de sang, la saignée, les remèdes rafraichissans, le pavot, le froid même de l'air extérieur, tout ce qui détourne le sang de la tête, comme les bains des jambes, la grande quantité des aliments renfermés dans l'estomac, occasionnent & augmentent le sommeil. D'autres substances par leur force affoiblissent & diminuent tout le mouvement des esprits, non seulement dans le cerveau, mais encore dans l'estomac, dans les intestins, dans le coeur, comme l'opium & peut-être les autres narcotiques.
 
Mais tout tout ce qui est chaud, tout ce qui oblige le sang de se porter plus vîte au cerveau, le vin, les spiritueux de tout genre, surtout leurs vapeurs les particules des aliments qui passent avec peine, les différentes fièvres aigues & malignes, produisent aussi le sommeil, ou l'empêchent de revenir, comme l'embonpoint, toutes ces causes paroissent s'accorder en ce que le sang ramassé dans la tête, comprime le cerveau & intercepte le chemin des esprits dans les nerfs.
 
Il y a aussi des causes méchaniques qui produisent le sommeil, telle que la compression de la dure mère & du cerveau, telle qu'elle puisse être produite par l'épanchement du sang, par quelque pièce d'os, & par la grande quantité d'eau dans les ventricules du cerveau.
 
Le sommeil est donc produit ou par un simple défaut dans la quantité & la mobilité des esprits ou par la compression des nerfs, & toujours par l'affoiblissement des tuyaux nerveux par lesquels les esprits animaux s'écoulent de leur source, du sensorium commun, dans toutes les parties du corps.
 
Les causes de veille confirment cette théorie. Car tout ce qui produit une abondance d'esprits, & surtout les boissons aromatiques, qui envoient à la tête des particules stimulantes, subtiles , & qui excitent un peu le mouvement du sang dans le cerveau, détrempent le sang & font qu'il se sépare plus d'esprits dans un tems donné; toutes ces causes éloignent du sommeil.
 
Les soins pénibles, les méditations attentives & passionnées, les douleurs du corps & de l'esprit & toutes les choses qui ne laissent pas les esprits en repos dans le sensorium commun, & s'opposent à l'affaissement des nerfs, entretiennent la veille. Les premières causes produisent donc l'abondance des esprits, celles-ci en augmentent le mouvement. Ce que nous avons dit, rentre donc dans ceci, c'est à dire, qu'on peut placer la cause du sommeil dans l'affaisssement des nerfs qui viennent du sensorium commun.
 
Le sommeil a-t-il donc son siège dans les ventricules du cerveau ? L'empire plus étendu du sommeil dans les animaux qui n'ont point de ventricules au cerveau, s'opposent à cette opinion. Les fonctions vitales se continuent-elles toujours pendant le sommeil, parce qu'alors le cerveau est le seul affecté, sans que le cervelet le soit pendant ce tems ? Quelle est la cause de cette diversité qui fait que les fonctions animales sont en repos pendant le sommeil, tandis que les vitales ne sont pas interrompues ? Il n'y a pas d'autres causes que celles dont nous vous avons déjà parlé, çavoir que les mouvements sont préservés du repos par des aiguillons perpétuels, & par des causes qui les forcent sans cesse.
 
L'effet du sommeil est de modérer tous les mouvements dans le corps humain. Car alors il n'y a plus que le coeur qui pousse les humeurs; tous les mouvements des muscles, des nerfs sensitifs, produits par les passions de l'ame & par la volonté, qui excitoient avec le coeur, pendant la veille, le cours du sang & des esprits, n'ont plus lieu alors; le coeur passe peu à peu de ses pulsations plus fréquentes & presque fièvreuses au mouvement lent du matin; la respiration devient plus petite & moins fréquente; le mouvement péristaltique de l'estomac & des intestins & en même tems la faim, la coction des alimens, la marche des excrémens, sont ralentis; les humeurs fines sont poussées plus lentement, les humeurs paresseuses s'accumulent; la graisse répandue se réunit; l'humeur visqueuse de la nutrition se colle aux fibres & aux cavités qui lui sont propres; il se perd moins d'esprit, le frottement du sang diminue; la transpiration est moins abondante. Ainsi pendant que d'un côté la sécrétion du liquide nerveux continue à se faire & qu'il ne s'en perd point, ce fluide s'amasse peu à peu dans le cerveau, il distend des nerfs affaissés, il les remplit, & au moindre aiguillon, les sens internes & externes se rétablissent dans leurs fonctions & la veille se rétablit. Un sommeil trop long dispose à tous les effets d'une circulation lente, l'embompoint, à l'assoupissement, à la cachexie& à la grande perte de mémoire.
 
Pourquoi baille-t-on, lorsqu'on a envie de dormir ? C'est pour débarrasser le poumon par lequel le sang passe plus lentement. A quoi bon s'étendre ? C'est pour vaincre par l'impulsion des esprits la contraction naturelle des muscles, qui tous ont un peu fléchi toutes les articulations, & pour rétablir en conséquence la force des muscles extenseurs.
 
Qu'est-ce qui a donné lieu à l'opinion sur le mouvement du coeur, plus fort pendant le sommeil & la transpiration plus abondante ? Elle est produite par la chaleur qu'occasionnent les couvertures, par le moyen desquelles la transpiration étant retenue, elle amolit & relâche la peau. On a froid lorsqu'on se couche tout habillé, & les animaux qui dorment pendant longtems, ont un très grand froid, comme les rats des montagnes, les hérissons. Pourquoi tous les animaux sommeillent-ils après avoir mangé ? Cela n'est pas causé par la compression de l'aorte ou la plus grande quantité de sang qui est poussée au cerveau, car les animaux qui n'ont presque pas de cerveau, s'endorment aussi après avoir mangé; mais cela vient de la force de l'aiguillon que le chyle & l'air exercent dans l'estomac & les intestins.
 
En effet, la force des esprits et du sang se détermine dans cet endroit, comme il arrive dans toutes les espèces d'irritations, ainsi le cerveau en a beaucoup moins. Mais encore les particules des aliments les moins méables, passent difficilement dans le cerveau, compriment la moëlle & rendent le sommeil moins doux. Y-a-t-il des songes perpétuels & qui n'aient lieu que dans le sommeil? Sont-ils si naturels à l'ame & succèdent-ils aux sensations, si bien que l'ame ne soit jamais sans penser ? Il ne le paroît pas. Nous rapportons plutôt les songes à une espèce de maladie, & à quelque cause stimulante qui dérange le sensorium de son repos parfait. C'est pourquoi le sommeil, dans lequel il n'y a point de songes, ou du moins desquels on ne se souvient pas, répare beaucoup. C'est aussi pourquoi les songes n'ont ordinairement pas lieu dans le premier sommeil, parce qu'alors les esprits sont fort épuisés, mais ils reviennent le matin, quand les esprits sont en partie réparés. C'est de-là que les embarras, les idées fortes reçues dans la mémoire, les aliments durs & leur quantité, la situation moins favorable, causent des songes; car ils ont coutume de naître de quelque sensation, à laquelle, selon les loix de l'association des idées, se joint un nombre entier d'espèces relatives.
albrecht von haller