- page 73 - Quand notre attention se
porte sur un phénomène pour
l'observer, elle en dérange presque
toujours l'allure spontanée et naturelle.
C'est ce que nous voyons tous les jours dans
le bâillement, qu'un observateur
importun interrompt subitement.
-
- page 78 - Nous trouvons pourtant chez
les animaux une mimique qui n'est pas
directement défensive, mais qui l'est par
atavisme, et par conséquent qui est
seulement sympathique. Darwin a eu le
mérite de recueillir et
d'interpréter beaucoup de faits de ce
genre. Le chien, avant de s'étendre sur
un tapis, tourne plusieurs fois sur
lui-même et fouille avec ses pattes de
devant, comme s'il voulait fouler l'herbe pour
refaire une place commode. D'autres fois, il
gratte un sol dur pour essayer d'enterrer ses
excréments, bien qu'il n'ait ni terre ni
feuilles à remuer. De même les
chats répugnent à se mouiller les
pieds, peut-être parce que leurs
ancètres sont nés sur le sol aride
de l'Egypte, et ils ont une tendance à
recouvrir de sable ou de terre tous les endroits
un peu humides. Les filles de Darwin ont
réussi à faire exécuter ces
mouvements à un jeune chat en versant de
l'eau dans un verre placé derrière
sa tête.
-
- Pour l'automatisme de la mimique, les
enfants tiennent le milieu entre les animaux et
nous. Souvent un maitre d'école punit
toute une classe qui s'est mise à tousser
et à éternuer parce qu'un
écolier a toussé ou
éternué involontairement. Il croit
de bonne foi qu'ils sont tous coupables d'avoir
éternué ou toussé
exprès. Cependant c'est presque toujours,
si non toujours, un automatisme
irrésistible qui pousse ces enfants
à faire par imitation ce, que l'un d'eux
a fait par besoin réel. C'est
l'éternelle histoire des moutons qui
s'enfuient tous de la bergerie quand l'un d'eux
s'est enfui et qui y rentrent tous dès
que l'un est rentré. Et nous autres
adultes, qui ne sommes ni des enfants, ni des
moutons, nous participons aussi à cet
automatisme animal. Les claqueurs et les
cabaleurs de profession le savent bien ; ils
réussissent souvent à
décider le succès où la
chute d'une comédie, en organisant une
claque ou une cabale afin d'entraîner
automatiquement la foule à applaudir ou
à siffler. Les généraux qui
ont commandé dans de grandes batailles,
pourraient raconter des faits tragiques,
arrivés dans des occasions très
diverses, pour une raison identique.
-
- Les faits de mimique sympathique sont plus
difficiles à expliquer que les
phénomènes défensifs, mais
avec une analyse
- patiente et profonde, ils finissent, eux
aussi, par s'éclaircir.
-
- Je les rangerais volontiers dans les
catégories suivantes :
-
- Sympathies d'imitation. Ce
sont les plus communes et les plus faciles
à comprendre. On bâille, on
s'enfuit, on regarde, en l'air, parce que
d'autres bâillent, s'enfuient, ou
regardent vers le ciel.
-
- Sympathies musculaires ou
mécaniques. On dit non avec la
tête, puis avec la main, puis encore, s'il
y a lieu, avec le tronc. On menace en ouvrant la
bouche, en regardant (le travers, en fermant le
poing, et quelquefois en levant le pied.
-
- Sympathie des fonctions. La
mimique amoureuse la plus
élémentaire se groupe autour du
bassin où est le siège des organes
génitaux, puis elle passe à la
main qui caresse, et, plus encore, à la
bouche qui joue un si grand rôle dans les
plaisirs de l'amour.
-
- Sympathies obscures des centres
nerveux. Ce sont les faits les plus
obscurs de la mimique animale et ils ne pourront
être expliqués que par les
progrès futurs de Physiologie. Tels sont
l'acte de se gratter la tête, ou de fermer
les yeux pour exprimer l'embarras,
l'incertitude, la timidité, celui de
faire la moue pour montrer du
mépris.
-
- pages 104 - 107 - Expressions de la
douleur
- Dans notre Physiologie de la douleur,
publiée récemment à
Florence, et illustrée d'un bel atlas de
photographies, nous avons consacré le
quart de l'ouvrage à l'étude des
expressions douloureuses; nous avons
réuni dans ces pages le fruit
d'observations longues et patientes, et de
beaucoup d'expériences cruelles. Ici,
nous ne ferons qu'indiquer à grands
traits les conclusions lés plus
impoftantes de nos études, afin que la
mimique ne présente pas une
déplorable lacune. Quand on a voué
toute sa vie à l'étude de l'homme,
on est obligé de toucher les mêmes
sujets dans les divers travaux qu'on publie, et
quelques répétitions sont
inévitables.
-
- L'expression de la douleur est très
riche en éléments mimiques; mais
on peut les résumer tous dans le tableau
suivant.
-
- Il est rare que ces formes
élénientaires de l'expression
douloureuse se rencontrent isolées dans
la nature; presque toujours elles se combinent
de diverses façons formant certains
tableaux qui se ressemblent plus ou moins selon
la nature de la souffrance et plus encore selon
le caractère du patient.
-
- Expressions de réaction.
- Expressions de paralysie.
- Expressions mixtes de la douleur et du
sentiment qui l'a produite ou qui
l'accompagne.
-
- EXPRESSIONS DE RÉACTION. - Ce sont
les plus communes; elles accompagnent toutes les
douleurs légères et le
début des grandes douleurs. Les courants
centrifuges s'échappent le long des
différents nerfs en produisant une
infinité de mouvements, contraction des
muscles faciaux, agitation des membres et du
tronc, plaintes, cris, sanglots,
hérissement du poil et des cheveux,
menaces à des êtres réels
présents ou absents ou même
à des êtres imaginaires.
-
- Toute cette complication de mouvements a un
double but, celui de décharger les
centres nerveux de la tension trop forte qui les
accable, et celui de combattre la douleur.
-
- EXPRESSIONS DE PARALYSIE. - Elles ont
presque toujours pour cause des douleurs trop
fortes ou trop prolongées. Quelquefois la
souffrance est si inattendue et si violente
qu'elle produit la paralysie sans passer par la
réaction ; et l'on peut être
subitement frappé de lipothymie
(évanouissement), de syncope et enfin de
mort.
-
- En dehors de ces cas qui, heureusement, sont
exceptionnels, l'accablement de la douleur
s'exprime par le bâillement, par la
pâleur, par des pertes involontaires de
salive, d'urines ou de matières, par
l'abattement du visage.
-
- EXPRESSIONS MÊLÉES DE DOULEUR
ET DE SENTIMENTS DIVERS. - La diversité
des effets que la douleur produit sur les
muscles du corps humain provient d'ordinaire
moins du degré de cette douleur que du
sentiment qui la produit ou qui l'accompagne.
Ainsi, aux gestes douloureux d'un homme, nous
devinons rapidement s'il souffre d'une dent ou
d'un cor; de même, l'affection paternelle,
l'amour-propre et le sentiment de la
propriété, quand on les blesse,
unissent leur expression particulière
à la mimique de la douleur.
-
- CONTRACTIONS MUSCULAIRES. - A part les cas
très rares où une paralysie
générale est subitement
provoquée par une douleur excessive, on
peut dire que l'expression de la douleur est
toujours accompagnée de contractions
musculaires. Celles-ci peuvent être
limitées à un petit nombre de
muscles, ou à plusieurs groupes, ou
s'étendre à tous les muscles
volontaires de façon à simuler un
tétanos ou une convulsion
générale.
-
- Diverses circonstances peuvent contribuer
à faire contracter un muscle plutôt
que l'autre, mais cela dépend surtout du
,siège, de la nature et du degré
de la douleur.
-
- Les muscles qui servent le plus souvent
à exprimer la souffrance sont ceux de la
face, puis ceux du cou, du tronc, des membres
supérieurs, et enfin ceux des membres
inférieurs.
-
- Les contractions les plus fréquentes
sont celles des muscles sourciliaires et de
l'abaisseur de la lèvre
inférieure; aussi le froncement du
sourcil et l'abaissement de la bouche sont-ils
au nombre des signes les plus constants de la
plupart des expressions douloureuses.
-
- [...]
-
- SOUPIRS, GEMISSEMENTS CRIS et
BAILLEMENTS. - Le soupir est
généralement un
élément mimique de la douleur,
bien qu'il accompagne aussi quelques-unes des
plus vives voluptés érotiques ou
affectives. Mais le plus souvent, il interrompt
de temps en temps les douleurs longues et
muettes, et c'est un signe de souffrance morale
plutôt que de souffrance physique.
-
- Le soupir n'a qu'à
s'éleveted'un degré pour devenir
un gémissement, qui d'ordinaire
accompagne l'expiration en la prolongeant.
-
- Le gémissement peut devenir un cri :
mais ce cri est presque toujours l'expression
automatique et spontanée de douleurs
physiques très aiguës, ou de
douleurs morales intenses et subites.
-
- Le bâillement exprime les choses
les plus variées telles que la faim, la
soif, et, surtout chez la femme, le besoin de
l'amour physique; mais dans la mimique de la
douleur, c'est un élément
caractéristique de l'ennui.
-
-
- MANTEGAZZA, PAOLO (1831-1910),
Italian physiologist and anthropologist, was
born at Moriza on the 31st of October 1831.
After spending his student-days at the
universities of Pisa and Milan, he gained his
M.D. degree at Pavia in 1854. After travelling
in Europe, India and America, he practised as a
doctor in the Argentine Republic and Paraguay.
Returning to Italy in 1858 he was appointed
surgeon at Milan Hospital and professor of
general pathology at Pavia. In 1870 he was
nominated professor of anthropology at
theInstituto di Studi Superiori, Florence. Here
he founded the first Museum of Anthroptilgy and
Ethnology in Italy, and later the Italian
Anthropological Society. From 1865 to 1876 he
was deputy for Monza in the Italian parliament,
subsequently being elected to the senate. He
became the object of bitter attacks on the
ground of the extent to which he carried the
practice of vivisection. His published works
include Fisiologia del dolore (1880); Fisiologia
dell amore (1896); Elementi d'igiene (1875);
Fisonomia e mimica (1883); Le Estasi humane
(1887).
-
-
-
|