-
- Les
biographies de
neurologues
-
- (Étienne Jacques Marie) Raymond
Cestan est né le 6 avril 1872
à Gaillac dans le Tarn (France) où
son père, ancien externe d'Armand
Trousseau (1801-1867), a exercé la
médecine pendant 50 ans. Après des
études secondaires à Toulouse, il
étudie la médecine à Paris,
reçu 19è au concours de l'externat
en 1892, 54è à l'internat en 1894.
Élève de Charles
Féré (1852-1907), Georges
Thibierge (1856-1926) qui note dans sa fiche:
« Bon interne avec lequel je n'ai eu que de
très agréables rapports. S'occupe
régulièrement du service tout en
se livrant aux travaux de laboratoire. Etudie
avec une prédilection pour les maladies
nerveuses qu'il connaît bien »,
Fulgence
Raymond (1844-1910) et enfin Joseph
Babinski (1857-1932): « j'ai
été extrêmement satisfait de
Mr. Cestan qui a rempli toute l'année ses
fonctions d'interne avec zèle et
intelligence ».
-
- Raymond Cestan en 1902 à La
Salpêtrière
-
- Par contre, plusieurs annotations
administratives apparaissent sur sa fiche de
l'Assistance Publique: « caractère
difficile, rapports très peu
agréables, mais laborieux » et un
blâme lui est notifié le 20 octobre
1898 pour des difficultés relationnelles
avec la hiérarchie administrative
hospitalière, sans plus de détail
(Cestan, 1894). Une anecdote colportée
par ses contemporains biographes pourrait
l'expliquer. Au cours d'une de ses nuits de
garde, Cestan découvre un gong dans un
grenier de La Salpêtrière. Il se
met à le cogner, réveillant les
malades. L'une d'elles, déjà
hospitalisée du temps où Jean-Martin
Charcot (1825-1893) y professait, «
tomba en catalepsie, un des anciens premiers
rôles des mardis, docile, comme
naguère, au signal du vieux thaumaturge
» (Sendrail, 1933).
-
- R. Cestan interne en
1897
-
- En 1899, Cestan soutient sa
thèse, présidée par son
maître Raymond, consacrée au
syndrome de Little (Cestan, 1899). Raymond en
fait son chef de clinique en 1899, puis son chef
de laboratoire en 1902. Dans la seconde
moitié du XIXè siècle,
à la suite des descriptions
données par Jean-Baptiste Cazauvieilh
(1802-1849) en France et par
l'othopédiste William John Little
(1810-1894) en Angleterre, Charcot dirige
plusieurs thèses de ses
élèves consacrées à
'l'hémiplégie
cérébrale infantile' et à
la 'diplégie spastique', notamment celle
de Jules
Cotard (1840-1889) « l'atrophie
cérébrale congénitale
» en 1868, et celle de Paul
Oulmont (1849-1917) « Étude
clinique de l'athétose » en 1878
(Cazauvieilh, 1827; Cotard, 1868; Little,1862;
Oulmont, 1878; Siegel, 1988).
-
- R. Cestan, Cl.
Philippe, G.
Guillain en 1900 à La
Salpêtrière
-
- Suivant cette piste, Cestan reprend
l'ensemble des publications consacrées
à ce qui s'appelle alors la maladie de
Little, afin d'établir l'unicité
pathogénique des paralysies d'origine
cérébrale (Cazauvieilh et Cotard)
et celles d'origine spinale (Little) que son
collègue Henri Le Meignen (1843-1905)
venait de décrire dans sa thèse
(Le Meignen, 1897). Il s'appuie sur les cas
recensés par son ami Maurice Lorrain
(1867-?), à Bicêtre, dans le
service de Désiré-Magloire
Bourneville (1840-1909) qu'il compare aux
travaux de Sigmund Freud (1856-1939)
(Lorrain,1898; Freud, 1897). En outre, il
souhaite utiliser ce modèle
pathogénique pour donner une explication
physiopathologique à la contracture
pyramidale: « la spasticité est-elle
fonction de l'absence du faisceau pyramidal
?
-
- Quelle était donc la relation entre
la contracture spasmodique permanente et la
sclérose de la voie motrice ? ».
S'appuyant sur les travaux de Babinski et de
Raymond, il conclut que la contracture n'est pas
toujours fonction de la sclérose
pyramidale. Cestan étudie le
développement ftal du faisceau
pyramidal, s'intéresse aux
difficultés à chercher le signe de
Babinski chez les nouveau-nés,
établit une distinction entre les
naissances prématurées, les
asphyxies néonatales, les traumatismes de
la moelle cervicale de nouveaux-nés lors
des dystocies. « L'anatomie pathologique
vient prouver la faillite de la clinique en
montrant que la localisation des lésions
commande toute la symptomatologie, localisation
dans la région motrice, troubles moteurs,
localisation dans les circonvolutions frontales,
troubles intellectuels ». Il passe en revue
toutes les théories proposant une
physiopathologie à la contracture
pyramidale. Il n'adhère pas au concept
développé par Charcot, Alfred
Vulpian (1826-1887) et Paul
Blocq (1860-1896) d'une perte d'une fonction
inhibitrice libérant une
hyperactivité pyramidale au profit de la
théorie de Constantin von Monakow
(1853-1930) d'une hyperactivité des
centres sous-corticaux. Aidé de cette
physiopathologie des paralysies
néonatales, à forme
cérébrale ou médullaire,
Cestan identifie plusieurs étiologies,
notamment la prématurité et
l'anoxie lors des dystocies, ce qui
l'amène à proposer le concept de
syndrome de Litlle et non de maladie de
Little.
-
- de gauche à
droite:
- Paul Froussard
(1870-?),
- Madame
Berthe Demongeot bibliothécaire de la
bibliothèque de l'internat de La
Salpêtrière,
- Raymond Cestan en 1898
-
-
- Cestan donne des conférences de
sémiologie du système nerveux
à la Clinique Charcot de 1899 à
1903. Il est reçu à
l'agrégation en 1904. Il publie des
travaux de recherche réalisés au
laboratoire de La Salpêtrière avec
Philippe comme «principales formes et
histogénèse de la myélite
tuberculeuse» dans La Revue Neurologique en
1899, «Sarcomes et sarcomatose du
système nerveux», «La
neurofibromatose» dans La Revue
Neurologique en 1900.
-
- Il contribue, en 1899, avec Louis Le Sourd
(1873- ?), à diffuser et à valider
« le signe de Babinski »
proposé en 1896 et encore
contesté. (Cestan, Le Sourd,1899).
-
- En 1899, il présente une famille
atteinte d'un tremblement volitionnel
d'attidtude héréditaire qui a
servi de base d'étude pour son
maître Raymond pour publier son article
sur le 'tremblement essentiel'. (Cestan, 1899;
Louis et al., 2008, Raymond, 1892).
-
- En 1900, à l'instigation de son
maître Babinski, il publie la
première synthèse jamais
publiée consacrée à la
polynévrite syphilitique (Cestan,
1900).
-
- En 1901, il publie dans la Nouvelle
Iconographie de La Salpétriêre une
observation avec photographies, et c'est une
première, d'un cas d'achondroplasie avec
myxoedème. Cette série d'images
est très impressionnante avec notamment
des photos de foetus achondroplases, des
radiographies du squelette. Il fait un
rapprochement avec l'aspect de certaines
statuettes incas dont l'image est reproduite
(Cestan, 1901).
-
- Avec Paul Lejonne (1872-?), Cestan tente
d'établir une sémiologie des
troubles du comportement lors d'une atteinte
tumorale du lobe frontal (Cestan, Lejonne,
1901).
-
- En 1902, il participe à une tentative
de son maître Raymond de présenter
de "documents iconographiques relatifs aux
myopathies" (Cestan, Lejonne, 1902).
-
- Avec Ernest Huet (1858-1917), Cestan
décrit la topographie des atrophies
musculaires secondaires aux pathologies
médullaires, syringomyélie et
poliomyélite infantile (Cestan, Huet,
1902)
-
- En 1903, il récompensé avec
son collègue
Claudien Philippe (1866-1903) du Prix
Civrieux décerné par
l'Académie de Médecine, pour un
mémoire intitulé "Des
troubles cérébraux dans la
sclérose en plaques" (Walusinski,
2014)
-
- Son nom reste associé à celui
de son maître dans la description du
syndrome protubérantiel supérieur,
ou syndrome de Raymond-Cestan, et avec son
collègue Louis Chenais (1872-1950) pour
le syndrome de Cestan-Chenais, correspondant au
syndrome de Babinski-Nageotte avec, en plus,
atteinte du noyau ambigu responsable d'une
paralysie homolatérale du voile du palais
et d'une corde vocale. (Raymond, Cestan, 1902;
Raymond, Cestan, 1903; Cestan, Chenais, 1903;
Loeb, Meyer, 1965).
-
- Encouragé par Babinski qui l'avait
affirmé depuis 1889, Cestan, avec Louis
Dupuy-Dutemps (1871- ?), confirme dans une revue
générale « Le signe
pupillaire d'Argyll Robertson; sa valeur
sémiologique; ses relations avec la
syphilis » que l'abolition du
réflexe n'est pas l'exclusivité du
tabès mais un signe pathognomonique de la
contamination syphilitique quelle qu'en soit la
symptomatologie apparente. (Babinski,
Charpentier, 1899; Cestan, Dupuy-Dutemps,
1901).
-
- Une fois installé à Toulouse,
il publie avec Emile Noguès, en 1905, une
curieuse observation rappelant l'Hysteria Major
de JM. Charcot, accompagnée d'anurie dont
ils hésitent à donner une
explication purement psychogène, pensant
qu'une pathologie organique va apparaître
secondairement (l'ischurie hystérique de
Charcot, 9è leçon 1872-1873)
(Cestan R, Noguès E, 1905).
-
- Dans la même livraison de La Revue
Neurologique de 1905, Cestan (il est bien
indiqué, professeur agrégé
à Toulouse), publie avec Fulgence Raymond
le résultat de l'autopsie de 18 cas de
sclérose latérale amyotrophique,
réalisées de 1896 à 1903.
Ils notent la grande variété des
tableaux cliniques, la variabilité de la
durée évolutive. Cestan reprend
les hypothèses physiopathologiques de la
contracture pyramidale, qu'il avait
développées dans sa thèse,
rapportant les observations collectées
par Léon Parrot dans sa thèse,
dirigée par Cl. Philippe en 1903, 'les
variations de la spasmodicité dans la
sclérose latérale amyotrophique'.
La variabilité des lésions
histologiques et de leurs localisations les fait
s'interroger sur la mystérieuse
physiopathologie de la maladie de Charcot.
Avaient-ils été confrontés
à des cas de neuropathie motrice
multifocale avec blocs de conduction ? (Raymond,
Cestan, 1905) (Parrot, 1903)
-
- R Cestan avec un enfant atteint
d'une myopathie, en 1902
-
- La carrière toulousaine.
-
- Son frère aîné,
Étienne Cestan (1867-1912), ancien
interne de Paris et urologue, professeur de
chirurgie à Toulouse, l'appelle à
ses côtés en 1904. Cestan est
médecin des hôpitaux de Toulouse
dès 1905, titulaire de la chaire des
maladies nerveuses et mentales en 1915. Dans sa
leçon inaugurale, il déclare:
« la médecine est la moins exacte
des sciences, je dirais d'ailleurs,
plutôt, la plus mouvante » expliquant
ainsi qu'il tenait à lui donner des bases
solides grâce à son esprit
d'observation aiguisé,
suppléé d'une mémoire
exceptionnelle. Pendant la première
guerre mondiale, Cestan dirige un centre de
neurologie de guerre à Toulouse, comme le
font d'autres neurologues de l'époque,
partout en France. On peut dire qu'il est
vraiment à l'origine de l'école
neurologique toulousaine.
-
- Son élève Marcel-Marie Riser
(1891-1975) prend sa succession à la
chaire de neurologie quand, lui, de façon
bien inaccoutumée, reprend la Chaire de
clinique médicale où il va se
consacrer à des travaux
d'hématologie et de compréhension
des mécanismes des douleurs
viscérales (angor, coliques), alliant
neuro-physiologie, clinique et concepts
humanistes disant: « pour connaître
beaucoup d'une chose, il faut savoir assez de
tout » (Loeper, 1934). Cestan a
dirigé la revue locale de médecine
« Toulouse Médical ». En
compagnie de l'élève d'Albert
Pitres à Bordeaux, Henri Vigne
(1873-1930), il rédige le
quatrième tome du 'Précis de
Pathologie Interne' dirigé par Victor
Balthazard (1872-1950), consacré au
système nerveux, et dont le succès
conduira à trois éditions
successives de 1906 à 1912 (Balthazard et
al., 1906). Il consacre plusieurs travaux aux
valeurs prédictives du diagnostic de
syphilis nerveuse par l'utilisation des
réactions d'August von Wassermann
(1866-1925) et du benjoin colloïdal de
Georges Guillain (1876-1961) dans la LCR
(Cestan, Riser, 1922). Semblant ignorer les
travaux de Constantin von Economo (1876-1931),
Cestan discute, en 1926, de l'opportunité
de l'épidémie
d'encéphalites léthargiques, au
cours de laquelle des cas d'agrypnie surgissent,
pour identifier les centres hypniques
cérébraux, sans y parvenir
(Cestan, Peres, Sendrail, 1926). La lecture de
sa dernière publication, en 1934,
traitant de la neuromyélite optique, peut
évoquer une description
prémonitoire du syndrome de Devic (Cestan
et al.,1934; Wingerchuk et al., 2014).
-
- Frappé brièvement d'aphasie en
1933, il se sait menacé. Un an plus tard,
il meurt rapidement après un accident
vasculaire cérébral.
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- "La première
bibliothécaire en fonction fut sans doute
Madame Berthe Demongeot qui apparaît sur
la photographie annuelle des internes en
médecine dès 1894 et jusqu'en
1912. Au début de sa carrière,
elle était à la seule charge des
internes, puis à partir de 1898
(arrêté du 10 février 1898),
elle reçut une indemnité mensuelle
de l'Assistance publique qui se montait à
37, 50 francs en 1906. Elle participa le
vendredi 6 avril 1906 au
déménagement de la
bibliothèque de Charcot. La date de
cessation de ses fonctions nous est inconnue."
(RICOU P, LEROUX-HUGON V, POIRIER J, La
bibliothèque Charcot à la
Salpêtrière, Paris,
Pradel,1993)
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