-
- Il est vrai, Madame, dit Asclépiade,
que jamais elles ne furent si fort à a
mode. Etre jeune, belle aimable, & sans
vapeurs, c'est un prodige. Vous plaisantez,
interrompit Sophie, mais rien n'est plus commun;
& les laides, comme les belles, les jeunes
& les vieilles se trouvent aaujourd'hui
également asservies à ce bizarre
tribut.
-
- Ce qui me surprend en cela, c'est qu'il s'en
est fait désormais une règle si
générale pour les femmes qu'autant
qu'elles furent rares, à ce qu'on dit, du
tems de nos ayeux, autant se rencontrent-elles
aujourd'hui partout. Mais n'en faites point si
fort les vains, vous autres hommes, peu -
à - peu vous y tomberrez comme nous. J'ai
déjà observé qu'une
espèce d'hommes n'en est plus exempte que
nous, & qu'il s'en recontre beaucoup parmi
les autres qui vaporisent aussi.
-
- Oserais-je, madame, reprit
Asclépiade, vous demander ce que vous
entendez par espèce d'hommes ? La
distinction me parait nouvelle.
-
- L'espèce l'est aussi, répondit
Sophie. Quoi ! vous ne l'imagineez pas ? Et vous
ne faites nulle attention à ces
délicats volupteueux, à leurs
perpétuelles manières de
s'écouter en toutes choses. D'abord, plus
attachés que nous à leurs
toilettes, plus façonniers dans toutes
leurs actions, c'est pour eux une sorte de
mérite, à ce qu'ils croyent,
d'avoir peur de tout, de s'amuser de petits
riens, de ne s'occuper que de choses aimables.
Car ce ne sont que ces amusemens qu'il leur
faut, incapbales qu'ils sont du moindre travail.
Leur teint, leur embonpoint, leur
fraîcheur, sont leur grande affaire. Sur
ces articles ils sont cent fois plus femmes que
nous. Ils aiment la bonne chere, & tout doit
être exquis, mais d'un arrragement, &
d'une propreté étudiée. En
un mot, si l'on nous reproche trop de mollesse,
& d'attention sur nos personnes, ils en ont
bien au-delà pour les leurs: &,
à dire vrai, l'unique marque qui les
distingue de notre sexe, c'est qu'ils ont de la
barbe, & la mine d'hommes.
-
- Voilà, dit Asclépiade, en
riant de tout son coeur, de plaisants portraits
que vous faites, & je crois
reconnoître bien des gens.
-
- Sont-ce des Abbés, dit Sophie, ou
quelques autres personnages aussi
désoeuvrés ?
-
- Il y en a des uns & des autres,
répondit Asclépiade. Pour moi, dit
Sophie, j'en connois plus en robe noire que
d'autres. Ce sont nos tenants perpétuels
du quadrille; & pour peu que nous les
volussions souffrir, ils ne seroient pas moins
assidus à nos toilettes.
-
- Il est vrai que les vapeurs de cette sorte
d'hommes sont moins tracassantes que les
nôtres. Ils bâillent,
rougissent, soupirent, gémissent,
pleurent. Ils se sentent oppressés,
engourdis; se plaignent de charges dans la
tête, de maux d'estomach.
-
- En vérité, Madame, interrompit
Asclépiade, votre érudition en
fait de vapeurs est étonannte.
-
- Bon répliqua Sophie, nous ne voyons
autre chose autour de nous que de tels vapeurs.
Ils ont au nez sans cesse leur petit flacon; ils
tiennent dans leurs fauteuils que toujours ils
ont bien soin de prendre, cent posteures
inquiettes; il faut qu'ils marchent, qu'ils
aillent à l'instant prendre l'air, qu'ils
reviennent aussitôt s'asseoir,
s'étendre, se frotter pesamment la
tête. C'est bien une
nécessité pour nous de consentir
à leur voir faire ce manège,
puisqu'ils paroissent prendre tant de part au
nôtre, & l'imiter de si près.
Vous guérirez sans doute aussi, Monsieur,
ces vaporeux personnages ?
-
- Nouveau
traité du rhumatisme et des vapeurs
Dumounlin M 1703
- Dissertation sur les
vapeurs et les pertes de sang. Hunauld P
1756
- Traité des
affections vaporeuses des deux sexes P Pomme
1757
- Traité des
affections vaporeuses du sexe J Raulin
1758
- De la
santé des gens de lettres Tissot S
1769
- Nouveau
Traité des Vapeurs ou Traité des
maladies des nerfs Pressavin JB
1770
- Traité des
maladies nerveuses hypochondriaques et
hystériques Robert Whytt
1777
- De l'influence des
affections de l'âme dans les maladies
nerveuses des femmes Chauvot de
Beauchêne EP 1781
|