- Georges Gilles de la Tourette est
né le 30 octobre 1857, à
Saint-Gervais, arrondissement de
Châtellerault. Il appartenait à
une vieille famille du Poitou, dont les
membres étaient médecins de
père en fils. On pourrait croire qu'il
était de Loudun, car il rappelle dans
un de ses livres qu'il est compatriote de
Théophraste Renaudot; en tout cas une
partie de sa famille y a vécu : dans
ses papiers se trouvait un acte de vente
à un Gilles de la Tourette d'un «
logis joignant à la maison de M.
Théophraste Renaudot, docteur en
médecine ». Gilles passa souvent
ses vacances à Loudun et plusieurs de
ses écrits sont datés de cette
petite ville, dont l'influence n'a pu
être étrangère à
ses recherches sur Renaudot et les diableries
de sur Jeanne des
Anges.[...]
-
- Le jeune Gilles fut élevé
au collège de Châtelleraullt. Il
parait qu'il y fut un élève
très indiscipliné, mais son
intelligence si vive qu'il fut toujours le
premier de sa classe. Ses succès ne
l'empêchaient pas de s'ennuyer
mortellement dans ce collège de petite
ville où il était pensionnaire
et il ne vit pas de meilleur moyen
d'abréger sa peine que de faire deux
classes dans la même année.
C'est ainsi qu'il put commencer ses
études médicales à seize
ans. Sa mère, le trouvant trop jeune
pour le laisser courir les risques du
Quartier Latin à Paris, l'installa
à Poitiers, où il resta environ
quatre ans. A cette époque où
les étudiants manquaient absolument de
direction dans leurs études à
Paris, c'était une excellente
condition de débuter dans une
école de province. Le danger pour
Gilles, s'il fût venu à Paris
trop jeune, n'eût pas
été, je pense, l'abandon aux
faciles plaisirs des brasseries du boulevard
Saint-Michel; c'était un curieux et un
laborieux; mais sa curiosité
même eût été pour
lui un danger. Avec les goûts qu'il
avait pour l'histoire et la
littérature, il eût pu
être tenté de déserter
les cours de la Faculté et les salles
des hôpitaux pour les cours de la
Sorbonne et du Collège de France; il
se fût peut-être glissé
dans les rédactions des journaux
littéraires et politiques pour devenir
exclusivement publiciste, au lieu de ne
trouver dans le journalisme qu'un
délassement de sa carrière
médicale.
-
- Mais, quand il vint ici, il avait
déjà franchi les
premières et parfois rebutantes
étapes de la scolarité
médicale. Il concourut aussitôt
que possible pour l'internat et fut d'abord
provisoire en 1881. Je l'ai connu à
cette époque en salle de garde.
Cétait alors un garçon jovial
et exubérant, ayant le verbe haut et
la parole facile; la voix malheureusement
était rude et un peu enrouée.
Très ardent, mais peu patient, il
n'était pas homme à laisser ses
contradicteurs épuiser peu à
peu leurs arguments pour reprendre ceux-ci
les uns après les autres et les
réfuter; il s'emballait à la
première contradiction; le nombre
même de ses adversaires n'était
pas pour le modérer et on entendait au
milieu des plus bruyantes discussions les
rauques éclats de son larynx
surmené. Plus tard la pratique des
concours et des conférences publiques
lui fit acquérir plus de sang-froid et
de calme, il sut mieux gouverner sa parole,
et sa fougue de jeunesse resta seulement
l'ardeur communicative qui rend
l'enseignement fructueux.
-
- Tout en continuant à
s'entraîner pour le concours, Gilles ne
négligea pas de recueillir les
matériaux scientifiques que son
service lui offrait, puisque de cette
année datent ses premières
présentations à la
Société Anatomique, dont
plusieurs sont relatives à des
lésions du système
nerveux.
-
- En 1882, il commençait sa
première année d'internat
titulaire et nous le voyons aborder la
Société de Biologie avec une
note sur les injections sous-cutanées
d'iodure de potassium.
-
- En 1884, il est interne à la
Salpêtrière dans le service du
professeur Charcot et de ce jour sa vocation
est, fixée; il aura d'autres
maîtres, comme Damaschino, Brouardel et
Alfred Fournier, pour lesquels il
témoignera en toute occasion sa
reconnaissance dans les termes les plus
chaleureux, mais Charcot sera vraiment son
dieu. Dès le jour où il fut
attaché à celui-ci, il prit
soin de recueillir jour par jour ce que le
maître disait ou laissait seulement
entrevoir; Charcot lui-même rendit
témoignage de ce travail patient
d'historiographe de la pensée d'un
chef pendant huit ans, lorsqu'il
écrivit dans la préface du
Traité de l'hystérie : «
En lisant, avant l'imprimeur, l'ouvrage de M.
Gilles de la Tourette, j'ai été
plusieurs fois surpris d'y trouver
desidées qui m'étaient
absolument personnelles, que je croyais
n'avoir jamais émises, qui, en tout
cas, étaient restées
inédites. »
-
- A l'époque où Gilles arriva
à la Salpétrière,
Charcot avait abordé de la grande
hystérie et de l'hypnotisme, son
service était un foyer de travail
ardent et passionnant: les leçons du
maître, auxquelles la presse faisait un
incessant écho, à cause du
caractère « sensationnel »
des sujets traités, attiraient un
public aussi complexe que nombreux, artistes
et littérateurs affluaient. C'est
alors que Jules Claretie, familier de la
Salpêtrière, écrivait les
Amours d'un interne, idéalisant sans
la rendre plus belle l'histoire d'une
surveillante de la Maison.
-
- Dans ce milieu Gilles prit feu pour la
neuropathologie et vécut dans un
permanent enthousiasme. L'étude de
l'hystérie et de l'hypnotisme non
seulement dans le présent, mais dans
le passé, le fixa de façon
définitive.
-
- En même temps le goût des
recherches historiques lui vint et il
conçut l'idée d'écrire
une biographie complète de
Théophraste Renaudot. Gilles nous dit
qu'il a puisé « dans ses papiers
de famille et dans des manuscrits
précieux des documents de nature
à jeter un jour tout particulier sur
cette personnalité à peine
ébauchée ».
[...]
-
- C'est sous la double influence de Charcot
et de Brouardel qu'a été
écrit l'hypnotisme et les états
analogues, dont la première
édition parut en 1887 et qui fut
réédité en 1889.
-
- Une première partie fait revivre
toute l'histoire si curieuse du
magnétisme animal, du braidisme et de
l'hypnotisme jusqu'à l'époque
contemporaine. Dans la seconde partie Gilles
qui, pendant son internat chez Charcot, avait
collaboré avec P. Richer à une
étude sur les caractères
cliniques des paralysies psychiques
expérimentales (Soc. de biologie 1884)
et avait communiqué à la
Société de médecine
légale, en 1886, une note sur le viol
dans l'hypnotisme et les états
analogues, s'est efforcé plus
particulièrement de bien mettre au
point les problèmes
médico-légaux soulevés
par cette question. La vulgarisation des
recherches médicales sur l'hypnotisme
causait de réels dangers pour la
santé intellectuelle et morale des
contemporains, ainsi que l'a montré M.
Brouardel dans une vivante
préface.
-
- A l'Institut, l'Académie des
sciences morales et politiques eut aussi
à s'occuper de cette question de
l'hypnotisme, il y a quelques années.
Les philosophes se trouvaient en
présence, de faits mal connus,
troublants et interprétés de
façons très diverses. On
signala à l'éminent philosophe
Paul Janet les travaux de Gilles de la
Tourette, et c'est après avoir
longuement conversé avec lui,
après s'être fait mettre au
courant par Gilles que M. Paul Janet se
décida à donner son avis sur
ces nouveaux problèmes.
-
- Pendant trois ans, Gilles avait «
fréquenté assidument, les
sociétés du magnétisme
et de spiritisme, consulté les
somnambules les plus lucides, aidé
dans cette tâche par des amis
dévoués; il n'avait
ménagé ni le temps ni l'argent
pour recueillir des documents propres
à faire la lumière sur tous ces
tripotages qui s'exercent dans l'ombre
». Grâce à ces curieux
matériaux, son chapitre sur
l'exploitation du magnétisme est aussi
inquiétant qu'amusant. Gilles montre
ensuite l'embarras que doivent
éprouver les magistrats et les experts
dans les innombrables espèces que
soulèvent les questions de sommeil
provoqué, d'inconscience, de
suggestion, quand elles sont portées
devant les tribunaux; il y établit
combien il était difficile d'imaginer
le concours des circonstances multiples
grâce auxquelles un coupable pourrait
utiliser l'impressionnabilité
hypnotique de sa victime. Mais il a
réussi à faire la part de ce
qui est prouvé, de ce qui est,
possible, de ce qui ne l'est pas. C'est en
s'appuyant sur les données
scientifiques mise en lumière par
Charcot qu'il fournit aux experts les moyens
d'écarter la simulation.
Néanmoins « toute la partie
médicolégale de l'étude
de l'hypnotisme et des états analogues
appartient en propre à Gilles de la
Tourette ». Cette appréciation,
émanée d'un juge aussi
compétent que M. Brouardel, est le
plus bel éloge que nous en puissions
faire.
-
- M. Brouardel aimait beaucoup cet
élève si bien doué et si
ardent au travail, ayant des aptitudes
à la fois médicales et
littéraires; en 1885, il le nomma
préparateur de son cours de
médecine légale. Il avait
collaboré avec lui pour une
étude médico-légale
rétrospecitive sur la mort de Charles
IX, où il est établi que ce
dangereux mélancolique n'était
pas mort empoisonné, mais succomba
à la tuberculose pulmonaire.
-
- En 1885, Gilles publiait dans les
Archives de neurologie une étude sur
une affection nerveuse
caractérisée par de
l'incoordination motrice accompagnée
d'écholalie et de coprolalie;
c'était l'analyse des curieuses
observations publiées sous le nom de
Jumping, Latah, myriachit, maladie des
sauteurs du Maine, etc.,
variétés diverses de la maladie
des tics convulsifs confondues alors dans le
groupe des chorées.
-
- C'est en 1886, que parut sa thèse
de doctorat consacrée à
l'étude de la marche dans les maladies
du système nerveux. Il avait
appliqué la méthode des
empreintes, telle qu'elle lui avait
été enseignée par
Neugebauer (de Varsovie), son inventeur. Ce
travail obtint le prix Godard, en 1887,
à la Société de
Biologie.
-
- En 1887, Gilles devenait chef de Clinique
de Charcot. Préparer les leçons
d'un professeur comme celui de la
Salpètrière, concilier à
la fois l'obéissance et l'initiative,
veiller à tous les détails d'un
immense service était une tâche
délicate et fatigante. Mais Gilles
trouva dans ce poste, tous les moyens de
travail et consolida des amitiés
excellentes. En 1888, il contribua avec P.
Richer, le savant artiste, et avec Londe,
à la fondation de la Nouvelle
Iconographie de la
Salpêtrière.
-
- C'est aussi l'époque de son
mariage, qui lui donna le plus complet
bonheur domestique.
-
- Le clinicat est une fonction
recherchée; il n'est pas sans
inconvénients, quand il s'agit surtout
d'un clinicat spécial du point de vue
du concours des hôpitaux, que Gilles
dut affronter plusieurs fois avant de
réussir. Les qualités qu'il
avait ne sont pas celles qui aident à
arriver vite; il laissait assez volontiers de
côté les questions qui ne
l'intéressaient pas et, absorbé
par l'étude des maladies nerveuses, il
devait nécessairement avoir quelques
lacunes dans les autres parties de la
pathologie et une insuffisante habitude de
certains cas cliniques; comme il avait
d'ailleurs conquis peu de sympathies en
dehors de ses maîtres directs dont il
épousait avec ardeur les sympathies et
les répulsions, il était
destiné à marquer le pas
jusqu'en 1893. Ce stage lui fut utile, il
l'obligea à perfectionner sa forme,
à assouplir sa parole.
-
- L'année 1893, qui lui apportait
à la fois le titre de médecin
des hôpitaux et le ruban de la
Légion d'honneur, devait s'achever
pour lui bien cruellement. Il subit un
accident qui devrait faire
réfléchir les publicistes,
toujours portés à croire que
les asiles d'aliénés s'ouvrent
trop facilement et gardent indûment
leurs pensionnaires. Une
jeune femme délirante
persécutée, internée
deux fois pour menaces de mort et mise deux
fois en liberté, vint le trouver, sans
doute à cause du bruit fait par son
livre sur l'hypnotisme, et, prétextant
qu'elle avait été
hypnotisée par lui à distance,
lui tira, dans son cabinet, trois balles de
revolver, dont une le blessa
grièvement à la tête.
Gilles guérissait de sa blessure, mais
n'était pas quitte d'ennuis avec cette
malade. Internée pour la
troisième fois, elle avait
assommé à moitié, d'un
coup de fourchette, une infirmière.
Après l'avoir gardée, quelque
temps à Sainte-Anne, on l'avait
dirigée sur Villejuif, d'où, la
place étant restreinte, on l'avait
conduite dans un petit asile, de la Charente.
Elle ne tarda pas à s'évader.
La préfecture de police, qui sait
combien l'aliénée est
dangereuse, délègue un de ses
agents chez notre collègue pour
l'avertir et l'engager à prendre ses
précautions. Elle lui offre même
de mettre en permanence un agent de la
Sûreté à ses
consultations, moyen très efficace, on
en conviendra, pour attirer la
clientèle! Gilles
préférera faire faire des
recherches particulières et
découvrit enfin la retraite, de sa
persécutrice au moment où elle
allait regagner Paris dans le but
avoué de renouveler son crime sur le
médecin qu'elle n'avait vu qu'une
fois, le jour de la tentative
d'assassinat.
-
- Cette même année, Gilles
avait la douleur de perdre un enfant
charmant, déjà grand, et ce
choc moral, succédant à la
blessure et aux inquiétudes dont nous
avons parlé a certainement
influencé l'équilibre, de ses
fonctions nerveuses. Pour s'étourdir,
ce laborieux ne trouva pas mieux que de
travailler avec encore plus d'acharnement, ne
laissant passer aucune occasion de se
créer des besognes nouvelles; c'est
peut-être là qu'il faut voir
l'explication de cette ambition qu'on lui a
tant reprochée. Il multiplia ses
travaux, dont la plupart en vue de la
préparation d'un traité complet
de l'hystérie.
-
- Les recherches sur les troubles de la
nutrition dans les maladies nerveuses ne
peuvent guère être entreprises
sans le concours d'un chimiste. En
collaboration avec M. H. Cathelineau, interne
en pharmacie, Gilles étudia
d'après l'examen des urines la
nutrition dans la fièvre du
goître exophtalmique, dans
l'hypnotisme, dans l'attaque de sommeil
hystérique, dans les paroxysmes
convulsifs de l'épilepsie et de
l'hystérie. Il aboutit à ces
conclusions que chez l'hystérique, en
dehors des manifestations pathologiques
autres que les stigmates permanents, la
nutrition s'effectue normalement; au
contraire dans tous les paroxysmes
hystériques, quels qu'ils soient,
convulsion, toux, bâillement,
chorée rythmée, il existerait
une formule chimique caractéristique,
chute du taux du résidu fixe, de
l'urée, des chlorures, des sulfates et
surtout de l'acide phosphorique avec
inversion de la formule des phosphates, la
proportion des phosphates alcalins par
rapport aux terreux, au lieu d'être
comme 1 : 3 tendant à devenir comme 1
: 2 ou même 1 : 1. Cette formule
débutant avec le paroxysme permettait
dans les paroxysmes de longue durée de
prévoir leur terminaison trente huit
ou quarante-huit heures à l'avance
parce que le retour de l'excrétion
urinaire à l'état normal
précède toute autre
modification de l'état chimique.
L'excrétion de l'urée et des
phosphates étant augmentée dans
l'accès d'épilepsie, suivant
Lépine et Mairet, la formule de Gilles
de la Tourette permettrait d'n distinguer
certaines attaques d'hystérie à
forme d"épilepsie partielle, de
distinguer chez un même sujet la
coexistence ou l'alternance d'attaques
d'épilepsie et de paroxysmes
hystériques, de renseigner le
chirurgien dans certains cas douteux
où un est tenté d'appliquer le
trépan contre l'épilepsie
partielle vraie.
-
- L'étude du sang dans
l'hystérie avait conduit Gilles
à conclure que chez les
hystériques normaux la même
solution de continuité du
tégument cutané que celle faite
à un individu sain ne donne issue
qu'à une quantité de sang d'un
tiers environ inférieure, et qu'en
dehors des cas d'anémie et de chlorose
la quantité d'hémoglobine,
d'urée et la glycose sont normales.
Ces recherches ont obtenu le prix Lallemand
en 1891.
-
- Au cours de ses études sur
l'hystérie, Gilles de la Tourette se
préoccupa plus
particulièrenient des troubles
vaso-moteurs et des troubles trophiques, qui
devaient l'intéresser d'autant plus
qu'ils donnent l'explication des stigmates,
auxquels l'historien doit apporter une
attention spéciale. Il a
cherché à démontrer que
l'ulcère rond de l'estomac des jeunes
filles, attribué par beaucoup
d'auteurs à la chlorose, est une des
manifestations vaso-motrices de
l'hystérie au même titre que
l'autographisme et l'oedème bleu ;
l'hémorragie, conséquence du
trouble vaso-moteur, détruit une
portion de l'épithélium
gastrique; le derme de la muqueuse
n'étant plus protégé
contre l'action du suc gastrique, celui-ci
produit par auto-digestion l'ulcère
dont on voit se dérouler peu à
peu la complète symptomatologie. A
l'appui de son opinion, il relève la
coexistence et l'antériorité
des stigmates hystériques chez
plusieurs malades atteintes d'ulcère
rond qu'il avait suivies et chez lesquelles
l'hématémèse avait
été la première
manifestation gastrique. Il invoque surtout
une statistique qu'il eut l'idée de
faire dans les hôpitaux de Paris et
qui, en tout état decause,
présente un intérêt
réel.
-
- Poursuivant avec une rigueur, qui fut
généralement trouvée
excessive, sa conseption des
conséquences hémorragiques de
la tendance des hystériques aux
troubles vaso-moteurs, il apportat un jour
à notre Société un fait
d'hémorragie cérébrale,
qu'il imputait à
l'hystérie.
-
- Enfin, il a proposé de
réunir sous le nom de diathèse
vaso-motrice l'ensemble des perturbations
circulatoires d'origine nerveuse qui sont si
fréquentes dans cette névrose.
Mais cette dénomination me
paraît aussi peu acceptable que celle
de « diathèse de contractures
» proposée antérieurement
aussi par l'Ecole de la
Salpêtrière sous peine de
revenir à la confusion à
laquelle a donné lieu, au cours de
siècles passés, l'emploi du
terme diathèse dans tant de sens
différents.
- Gilles a réuni l'ensemble de ses
recherches sur l'Hystérie et les
travaux antérieurs dans grand ouvrage
qui parut de 1891 à 1894 trois
volumes, sous le titre : Traité
clinique et thérapeutique de
l'hystérie d'après
l'enseignement de la
Salpêtrière.
- Son maitre Charcot dit en effet dans la
préface que cet ouvrage, « qui
représente un effort
considérable longtemps prolongé
au milieu des difficultés de toutes
sortes » a été fait sous
son immédiate direction et reproduit
aussi fidèlement que possible son
enseignement et les travaux qu'il a
inspirés à ses
élèves. Toutefois, Charcot
ajoute : « Si mon enseignement tient la
plus grande place dans le livre, il n'en est
pas moins vrai que M. Gilles de la Tourette
l'a entouré des discussions qu'il a pu
faire naître des travaux qui, à
l'étranger comme en France, ont
contribué singulièrement
à élargir le cadre de
l'hystérie. Chez lui le vulgarisateur
n'exclut pas l'observateur original, non plus
que le critique qui a su puiser ses
éléments d'appréciation
aux meilleures sources. C'est, si je ne me
trompe, un travail complet qu'il nous
présente, résumant
parfaitement, en tout cas, l'état
actuel de la science, avec une conscience
scrupuleuse à laquelle il nous avait
habitués dans ses autres travaux.
»
-
- Gilles s'est beaucoup occupé de
l'épilepsie. Il a résumé
les opinions de Charcot et les siennes dans
un petit volume, Le traitement pratique de
l'épilepsie (les Actualités
médicales, 1900). La partie originale
de ce travail, c'est l'indication de ce qu'il
appelle « le signe de la pupille»
permettant de fixer la dose suffisante de
bromure. Lorsque la dose du médicament
reste faible par rapport à la
tolérance du sujet, les pupilles sont
en dilatation moyenne, c'est-à-dire
habituelles; elles réagissent comme
à l'ordinaire à la
lumière et à l'accommodation.
Si l'on porte plus haut la dose, il arrive un
moment où l'on voit les pupilles se
dilater et les réactions lumineuse et
accommodative devenir paresseuses.
-
- A un degré au-dessus les pupilles
ne réagissent plus ni à la
lumière ni à l'accommodation.
C'est au moment où s'établit la
lenteur des réactions que surviennent
les phénomènes
généraux légers de
dépression physique et mentale qui
indiquent l'imprégnation et non encore
l'intoxication. Ce qu'il faut obtenir, c'est
la réaction lente des pupilles avec
dilatation permanente.
-
- On a encore de Gilles un opuscule sur les
états neurasthéniques.
[...]
-
- Gilles de la Tourette avait
été nommé à en
1891 dans la section de médecine et de
médecine légale. Il avait
certainement plusieurs des qualités
qu'on doit exiger d'un futur professeur.
L'ardeur des convictions, le désir de
les faire partager, l'activité
infatigable; et ce n'est pas un mince
éloge, que celui qui lui est
décerné par un de ses anciens
élèves, notre collègue
aujourd'hui, dont je provoquais
l'appréciation. « C'était
un convaincu dans toute la force du terme,
autant en médecine, où sa
conviction entrainait ses
élèves qui devenaient ainsi
vraiment des disciples, que dans toutes ses
autres actions. C'était avant tout un
actif : oser, agir, surmonter l'instinctive
paresse qui nous arrête au moment
d'exprimer nos idées, ce n'est
déjà pas si banal, et, comme,
cette faculté d'action, il la
répandait autour de lui et la faisait
passer en quelque sorte dans l'âme de
ses élèves! Je lui en garde une
profonde reconnaissance. Combien de
maîtres et des plus illustres laissent
se dessécher improductifs les germes
timides qui sont en chacun de nous!
»
-
- Cette activité, ce désir de
créer, trouvèrent leur emploi
dans la tâche d'organiser le service
médical de l'Exposition universelle de
1900. La nomination d'un médecin de
quarante ans à un poste si
recherché, qui consacre et augmente la
notoriété de son titulaire, en
lui assurant, avec des avantages
matériels et moraux, tels que
l'occasion d'être agréable et
utile à bon nombre de confrères
et d'élèves, de hautes
distinctions honorifiques, devait lui valoir
aussi de grandes fatigues et lui susciter
beaucoup d'ennemis et d'envieux. Cette
dernière considération
n'était pas pour le préoccuper;
car, ayant gardé toujours la
même reconnaissance persistante
à tous ceux qui lui avaient
été serviables, il aimait
à rendre service à son tour; il
répétait souvent qu'on se doit
corps et âme et toujours à ceux
qu'on aime; il ajoutait d'ailleurs qu'il faut
combattre avec autant d'ardeur ceux qui nous
sont hostiles et que c'est un plaisir de les
terrasser. Une pareille combativité
explique qu'il se soit attiré des
inimitiés irréconciliables et
que telle plume implacable se soit
acharnée sur sa mémoire.
-
- Quand il fut nommé, on lui
reprochait d'être médecin et non
chirurgien. Il parait pourtant que les
statistiques très rigoureusement
tenues démontrent que les obligations
médicales dépassent en pareil
cas de beaucoup les
éventualités chirurgicales ;
quoi qu'il en soit, Gilles s'est
révèlé un organisateur
habile et triompha des difficultés que
créait l'immense étendue de
l'Exposition. Au point du vue chirurgical,
les postes de secours étaient bien
disposés, leur installation
matérielle, instruments, appareils de
stérilisation était d'autant
plus irréprochables que Gilles
s'était adjoint un chirurgien des
hôpitaux, Louis Beurnier.
-
- Le mécanisme des divers
échelons, l'ordre parfait qui a
régné partout, les soins
assidus que Gilles n'a cessé de
consacrer pendant plusieurs années
à cette oeuvre absorbante ont
montré qu'on n'avait pas fait un
mauvais choix en le désignant. Le
commissaire géneral. M. Alfred Picard,
lui témoigna de la façon la
plus flatteuse sa satisfaction et son
amitié, et, comme c'est un bon juge,
qui a pu faire des comparaisons, ce
témoignage dut lui paraitre
précieux, plus précieux
même que la rosette, qui
remplaça son ruban rouge à un
âge où cette transformation est
insolite dans le corps médical civil
et même militaire, plus flatteur encore
que les autres ordres étrangers qui
l'eussent encadrée sur son habit ou
sur sa toge dans les cérémonies
officielles.
-
- Le malheur pour les siens, c'est que les
fatigues de ce service médical
s'ajoutant au surmenage des années
antérieures, aux chagrins et aux
émotions, au traumatisme cranien dont
j'ai parlé, ébranlèrent
irrémédiablement
l'équilibre de son système
nerveux; dès lors se
manifestèrent les symptômes
avant-coureurs de la destruction lente et
progressive d'une intelligence si active,
d'une volonté si tenace et d'une
personnalité en somme si hautement
caractérisée.
-
- Dr P. LE GENDRE.
-
- La consultation par F.
Desmoulin
- musée de l'assistance
publique à Paris
- Millard, Charcot, Gilles de la
Tourette, Brouardel, Larat, Potain,
Doléris, Guyon.
-
- CONCOURS, TITRES, CREATION
- 1879. Externe.
- 1881. Interne provisoire.
- 1882. Interne titulaire.
- 1883. Professeur d'hygiène
à l'École municipale des
infirmières de la Pitié.
- 1885. Préparateur du cours de
médecine légale.
- 1886. Docteur en médecine.
- 1887. Médecin de la
Bibliothèque Mazarine.
- 1888. Chef de clinique des maladies du
système nerveux.
- 1893. Médecin des
hôpitaux.
- 1893. Professeur agrégé
à la Faculté de
médecine.
- 1896. Médecin en chef de
l'Exposition universelle de 1900.
- 1884. Mention honorable de
l'Académie française.
- 1888. Mention honorable de
l'Académie des sciences.
- 1887. Prix Godard. -
Société de biologie.
- 1888. Prix Châteauvillard. -
Faculté de médecine.
- 1891. Prix Lallemand. - Académie
des sciences.
- 1896. Prix Herpin. - Académie de
médecine.
- 1890. Membre de la Société
de médecine légale.
- 1891. Officier d'Académie.
- 1893. Chevalier de la Légion
d'honneur.
- 1900. Officier de la Légion
d'honneur.
- 1888. Fondateur, avec MM. Paul Richer et
A. Londe, de la Nouvelle Iconographie de la
Salpêtrière, sous la direction
de M. le professeur Charcot.
-
-
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