Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
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Le bâillement foetal
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mise à jour du
23 janvier 2011
 
 
 
 
Biographie dans
Le Progrès médical
1 mai 1907
Charles Féré
   1852 - 1907
 
 O. Walusinski
 
Les internes de JM. Charcot
 
 Les biographies de neurologues
 
La lettre d'information du site 
 
L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
 
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier  
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charles féré
extrait de
Une leçon de Charcot à La Salpêtrière
tableau de André Brouillet 1887
 
Bâillements chez un épileptique 1888
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
1888;1(4):163-169
 
Note sur le bâillement Ch Féré 1905
Comptes-rendus de la société de biologie (Paris) 1905;2:11-12
 
Charles Samson Féré est né le 13 juin 1852 à Auffay, en Normandie, à 170 km à l'Ouest de Paris. Unique enfant d'une famille de paysans aisés, après des études au lycée de Rouen, qualifié de « capricieux » par un professeur, il obtint son baccalauréat à 16 ans. Enclin à une vie d'insouciance, ses nombreuses activités ludiques avec des amis de son âge le conduisirent à un premier échec pour entrer à l'école de médecine de Rouen. C'est alors qu'une tuberculose pulmonaire se révéla par une hémoptysie qui le marqua profondément. Bien qu'apparemment la guérison fut rapide, cet événement terrorisant l'engagea vers le travail assidu qui caractérise tout le reste de sa vie [38].
 
De 1870 à 1872, il débute ses études de médecine à l'Ecole de Rouen où il eut alors pour professeur le chirurgien de l'Hôtel-Dieu, Achille Flaubert (1813-1882), frère de l'écrivain Gustave Flaubert. Puis il part à Paris, mais déraciné, émotif et timide, il ne réussit le concours de l'internat qu'en 1877 à sa cinquième tentative. Il sera durablement marqué par son stage, en 1879, chez Paul Broca (1824-1880), fondateur de la société d'anthropologie, et descripteur de la localisation de l'aphasie. D'abord attiré vers la chirurgie, ses premières publications traitent des « hernies abdominales chez les enfants à la mamelle » (1879), des fractures du bassin (1880), du cancer de la vessie (1881).
 
 charles féré
Portrait de Charles Féré par Moïna Binet mère de A. Binet ( © Musée Flaubert à Rouen)
 
En 1881, il devient l'interne de JM. Charcot qui le fascine aussitôt. L'année même de la création de la chaire de neurologie en 1882, il soutient sa thèse, présidée par JM. Charcot : « Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la vision par lésions cérébrales, amblyopie croisée et hémianopsie », y appliquant la méthode anatomo-clinique, en référence à son maître. Celui-ci le nomme peu après chef de laboratoire [39].
 
P. Le Gendre écrit : « Un préparateur était chargé spécialement des autopsies, Ch. Féré, dit le grand Féré, parce que sa haute stature, sa carrure imposante, éveillaient le souvenir de ce paysan patriote qui, pendant la guerre de cent ans, occit moult anglois à coups de maillet. Ce grand diable cachait sous sa rudesse phlegmatique une raillerie narquoise et les assistants ne s'ennuyaient pas, quand il découvrait «chez Morgagni » quelque erreur de diagnostic faite par un des chefs de service, même le sien. Auteur d'une excellente anatomie médicale des centres nerveux (1886), il montrait son flair clinique le jour où, croisant mon chef (H. Legrand du Saulle) le voyant marcher lourdement et l'entendant parler avec une langue pâteuse et des lèvres sèches, il lui dit à brûle pourpoint: « Monsieur Legrand, cherchez donc le sucre dans vos urines » et celui-ci de riposter en riant: « j'ai trop peur d'en trouver; cela m'obligerait à m'en priver et je l'adore » [40]. Réputé extraordinairement timide, Charles Féré avait des difficultés d'élocution, notamment en public, où il se révélait hyperémotif. JM. Charcot sensible à la qualité de son travail et à son abnégation, lui avait donné toute son affection mais comprenant son handicap, il le découragea de préparer l'agrégation et l'orienta vers le concours des médecins aliénistes des hôpitaux de Paris qu'il réussit en 1884.
 
En charge des aliénés et des épileptiques à La Salpêtrière, il est simultanément médecin au service des aliénés de la Préfecture de Police où il dirige des travaux de criminologie comme la thèse de A. Planès (1886) : « Quelques considérations sur la folie à Paris observée à l'infirmerie spéciale du dépôt de la Préfecture de police ». Il y fréquente Alphonse Bertillon (1853-1914) qui l'initie à l'anthropométrie et le fait admettre à la société d'Anthropologie [41].
En 1887, il rejoint l'hospice de Bicêtre comme médecin en chef et y demeura jusqu'à la fin de sa carrière. C'est là qu'il rencontre et fréquente le couple Dejérine. Trois après-midis par semaine, il donne des consultations à son domicile du 37 Boulevard St Michel à Paris. D'une extrême discrétion, aucune trace de sa vie privée n'existe.
 
Probablement marié, affectionnant la solitude, il n'eut jamais d'enfant, menant une vie simple, disant lui-même : « c'est s'enrichir que de sacrifier le luxe et les besoins inutiles ». L'acharnement au travail, ce qui l'avait fait choisir par JM. Charcot, apparaît comme un exutoire à ses difficultés relationnelles et ses propres propos le décrivent : « dans la vie normale, la douleur moral et l'ennui sont souvent le point de départ des travaux les plus utiles à l'individu et à l'espèce ». Manifestant un goût prononcé pour les recherches scientifiques, il dit qu'elles sont « la source inépuisable de distraction et de consolation dans les épreuves de la vie ». Il révèle ainsi un état affectif dépressif qui, paradoxalement, l'a mobilisé dans une dynamique de l'action et de la réflexion à valeur compensatoire. Parfois une migraine arrêtait son travail quelques heures [42]. Dans la biographie de JM. Charcot qu'il rédigea pour la Revue de Deux Mondes (1894), il dépeint son maître dans des termes qui le décrivent lui parfaitement : « Ses qualités maîtresses étaient la discipline et la persévérance; pas un jour sans travail, pas une étude abordée sans être poussée jusqu'au bout ». Jules Séglas dira « il n'est pas une des branches des sciences médicales vers laquelle ne se soit tournée un moment sa curiosité » [41].
 
charles féré
autographe 1881
 
Qu'on ouvre un livre d'histoire de la psychiatrie, de la psychologie, de l'hypnose, sur la prostitution, sur l'eugénisme, sur le darwinisme, d'anthropologie, de criminologie, des maladies dans l'art ou des sciences humaines, le nom de Ch. Féré apparaît, témoignant de l'étendue de ses champs d'intérêt et de la variété de ses publications. En 1883, il est élu à La Société Médico-Psychologique, et adhère, en 1885, à Londres à la Society for Psychological Research. Il crée simultanément, en France, La Société de Psychologie Physiologique que JM. Charcot et Pierre Janet (1859-1947) président. Cet élan témoigne de son adhésion à la philosophie positiviste d'Auguste Comte, imitant en cela DM. Bourneville, P. Richer et JM. Charcot. Léon Daudet lui en tiendra rigueur comme il apparaît dans « Devant la douleur » (1915): « lui-même était un joli exemple de primaire, tatoué de connaissances anatomo-pathologiques, de dévot du néant, de servant du matérialisme »; puis fustigeant l'orientation idéologique rationaliste, Léon Daudet ajoute « Les maniaques à la Bourneville et à la Féré pondaient, pour les bibliothèques évolutionnistes qui pullulaient à cette époque, des ouvrages pédants et diffus où s'étalait leur fanatisme ».
 
Appartenant au courant anticlérical de son époque, il pense que le travail est une nécessité biologique féconde et non un châtiment. Ergonome avant l'heure, il expérimente, sur lui-même, avec l'ergographe de Angelo Mosso (1846-1910), l'influence du travail musculaire, de ses rythmes, des conditions d'environnement. Il tente de prouver que « les excitations périphériques et les phénomènes psychiques qui en sont la conséquence, c'est à dire les émotions, s'accompagnent de manifestations motrices ». Il publiera ses résultats et réflexions dans divers livres « Sensation et mouvement » en 1887, « La pathologie des émotions » en 1892, et « Travail et plaisir » en 1904.
 
En 1886, parait Le Magnétisme animal, rédigé avec A. Binet. Après un long survol historique rappelant l'interdiction pour charlatanisme des magnétiseurs sous le roi Louis XVI, ils présentent la suggestion comme une thérapeutique utile, plébiscitant ainsi la « médecine d'imagination » autrefois condamnée, véritable manifeste républicain positiviste face à l'obscurantisme réactionnaire loué par Léon Daudet [42,43].
 
charles féré
Charles Féré, interne de JM. Charcot à La Salpêtrière en 1881
 © Extrait de l'Album de l'internat de La Salpêtrière conservé à la Bibliothèque Charcot à l'hôpital de la Salpêtrière
(Université Pierre et Marie Curie, Paris)
 
Après que la philosophie de Pierre Cabanis a jeté les bases de l'évolutionnisme et de la psychopathologie, les aliénistes comme Philippe Pinel, le plus souvent libres penseurs, croyaient en l'amélioration du malade mental par « régénérescence ». Les aliénistes, à la fonction reconnue par la loi du 30 juin 1838, comme elle reconnaît le droit des aliénés à être traités comme des malades, ont alors chercher à délimiter des tableaux cliniques des différents troubles mentaux. Mais, en cette fin du XIXè siècle, une quête de trouver la cause de la folie se développe dans la lignée de Benedict Augustin Morel (1806-1873), aliéniste chrétien prosélyte. Auteur controversé d'un « Traité des dégénérescences intellectuelles, physiques et morales de l'espèce humaine », il élabore le concept nouveau de « Folie héréditaire ». Inspirés du Darwinisme, les concepts de « sélection naturelle » et « d'hérédité morbide », vont renouveler les explications physiopathologiques de la folie. Comme bien d'autres, le républicain Ch. Féré va adhérer à cette école, président en 1895 La Société de Biologie, marqué qu'il est par sa participation aux « diners Lamarck » [44].
 
Farouche partisan de l'utilisation des concepts de l'évolutionnisme organiciste dans l'analyse des sociétés humaines d'origine spincerienne, il va se lancer dans des expériences de tératologie sur les volailles ! (Note sur l'évolution d'organes d'embryons de poulet greffes sous la peau d'oiseaux adultes par Ch. Féré et A. Elias. Paris : Masson, 1898. 10p)
Sans doute marqué par les pathologies secondaires à l'alcoolisme, observées dans sa Normandie natale, il publie en 1888, « Dégénérescence et criminalité » où sa position paradoxale aboutit à des propos ambigus : « Les criminels et les délinquants sont des anormaux aussi bien du point de vue psychique qu'au point de vue physique ». Le chapitre 10 a un titre qui fait peur : « Les nuisibles ». Oubliant son adolescence, son discours est moralisateur : « l'oisiveté n'est pas plus légitime que l'incendie » .... « Le nuisible par défaut de production est aussi bien la conséquence nécessaire de ses antécédents que l'aliéné ou le criminel. Les impotents, les aliénés, criminels ou décadents de tour ordre, doivent être considérés comme des déchet de l'adaptation, des invalides de la civilisation ».
 
Lors du Congrès international d'anthropologie criminelle, à Paris en août 1889, il est du comité d'organisation avec Benjamin Ball, Jules Falret, Jospeh Magnan. Fasciné comme son maître JM. Charcot, par les figures de dégénérés, du névrosé chronique, de l'alcoolique abâtardi, tant par sa pratique clinique que dans leurs recherches en histoire de l'art, Ch. Féré participe à une montée de la psychiatrie tragique et noire, toute en menace pour la société. Il entame le combat pour tordre le cou à ce fléau social décrit dans « La famille névropathique » en 1894 [45].
 
L'hérédité devient une explication tant de l'organisation sociale que de la responsabilité humaine. Toutes les observations cliniques de JM. Charcot comme de ses élèves retracent aussi bien que possible les antécédents familiaux mentaux de leurs malades, ajoutant des commentaires sur « la constitution maladive héritée ». Ch. Féré en vient à admirer la possibilité d'intervenir chirurgicalement afin d'éviter toute possibilité de reproduction dans « L'instinct sexuel, évolution et dissolution » Alcan 1899 p 53. Cette tentation eugénique nous surprend. Si elle a largement influencé les réflexions politiques, Ch. Féré a, en fait, principalement oeuvré pour une réponse médico-sociale prophylactique au sein de la famille, de l'école et de l'armée, tant pour la pathologie mentale que pour la syphilis ou la tuberculose en composant « Le traitement des aliénés dans les familles » en 1905.
 
Charles Féré acquit une réputation européenne, publié en Angleterre dans Brain, dans La Revue de la société de médecine mentale de Belgique. Créateur du mot autoscopie, ses livres ont été traduits en 7 langues et si Hysteria, Epilepsy and the Spasmodic Neuroses a été publié en 1897 à New York, « Scientific and Esoteric Studies in Sexual Degeneration in Mankind and in Animals » et « The Sexual Urge. How It Grows or Wanes » sont parus, eux, en 1932, soit 25 ans après son décès, survenu à 55 ans, au terme d'une rapide évolution d'un probable cancer. [45].
 
fere
 
 
38°) Carbonel F. Le Dr Féré, une vie, une oeuvre, de la médecine aux sciences sociales L'information psychiatrique. 2006;82:59-69.
 
39°) Letulle M. Féré (1852-1907. La Presse médicale. 1907;35:281-282
 
40°) Legendre P. Du quartier latin à l'Académie. Paris. Maloine Ed. 1930.538p.
 
41°) Séglas J. Ch Féré. L'informateur des aliénistes edes neurologues. 1907;2:151-154.
 
42°) Capelle I. Charles Samson Féré (1852-1907) élève de Charcot et aliéniste de Bicêtre "travailleur infatigable et patient". Thèse pour le doctorat en médecine. Caen. 1998;n°36:126p.
 
43°) Féré Ch. La Médecine d'imagination. Le Progès Médical. 1884;n°16.
 
44°) Richard N. Des dîners Lamarck au monument, la construction d'une mémoire. in Laurent G. Jean-Baptiste Lamarck. Paris, CTHS Ed. 1997.631-647.
 
45°) Courtin R. Charles Féré (1852-1907), médecin de Bicêtre et la « Néopsychologie ». Paris. Connaissances et savoirs Ed. 2007.227p.
 
caricature charcot
Dessin anonyme la visite Salle St Reine. Charcot avec sa canne observe une malade présentée par Bourneville tenant son thermomètre; Raymond et Brissaud, Charles Féré et sa serviette
La surveillante est Mlle de Tirpenne avec ses papillottes