- Le
Progrès médical 1 mai
1907
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- Lorsque la mort frappe dans nos rangs,
alors même qu'elle est depuis longtemps
attendue, l'émotion qui nous
étreint est d'autant plus grande que
nous mesurons aussitôt, à
l'uvre de celui qui disparait,
l'importance de la perte subie par le monde
scientifique. Notre collègue
Féré, médecin de
Bicêtre, vient de succomber, avant
l'heure, à cinquante-quatre ans,
après avoir donné, un quart de
siècle durant, l'exemple d'un travail
opiniâtre et méthodique
entrepris par une haute intelligence.
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- Né à Auffay, en Normandie,
le 13 Juin 1852, Féré avait
commencé ses études à
Rouen, dans cette Ecole de médecine
qui façonne avec tant de vigueur et de
science une pléiade continue de
solides cliniciens. Lauréat des
hôpitaux de Rouen, en 1872,
Féré venait à Paris,
attiré par le prestige de notre
Internat des hôpitaux; il passait les
premières années de sa vie
parisienne chez Alphonse Guérin,
Constantin Paul, Horteloup, Mauriac, Gubler
et enfin chez Bouchard, à
Bicêtre, en 1876, où il devait
trouver sa voie. Interne de Broca, de
Guéniot, de Parrot, de Guyon,
Féré se destinait d'abord
à la chirurgie, pour laquelle il avait
une prédilection marquée.
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- Portrait de Charles
Féré par Moïna Binet
mère de A. Binet ( © Musée
Flaubert à Rouen)
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- La Salpêtrière, où la
toute-puissante influence de Charcot
commençait à faire triomphante
une Ecole scientifique nouvelle, ouverte
à toutes les personnalités et
à tous les travailleurs, décida
Féré et l'entraîna dans
l'étude de la neuropathologie. Sa
thèse (1882) sur les « Troubles
fonctionnels de la vision par lésions
cérébrales (amblyopie
croisée et hémianopsie) »
en est la preuve et est déjà
marquée de l'empreinte ordonnée
de Charcot, qui portait sa méthode
dans le chaos de la pathologie nerveuse.
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- Bientôt, l'esprit mûri de
notre collègue prenait son propre
élan et allait faire de lui une
personnalité des plus marquantes dans
les sciences biologiques. C'est qu'en effet,
non content d'appliquer à la
neuropathologie et à la
psychopathologie ses qualités
remarquables et sans cesse cultivées
d'observateur sagace et de clinicien plein de
finesse, Féré apportait
à ses études médicales
l'enquête scientifique, plus
précise et plus sûre, de
l'expérimentation. Notre
collègue aura eu le rare mérite
de contribuer pour une part capitale, par son
labeur incessant et par les beaux
résultats obtenus, à une
révolution bienfaisante, à la
revision de la psychologie, tant normale que
pathologique, au moyen de
l'expérimentation biologique.
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- Expérimentateur ingénieux
autant qu'impeccable, allant parfois
même jusqu'à la minutie,
Féré, soutenu par la passion de
la science et par ses études
approfondies, se façonna
psychophysiologiste et psychopathologiste de
premier ordre.
- Les innombrables travaux consacrés
par lui à la « Pathologie des
émotions », à la «
Famille névropathique », à
la « Dégénérescence
et à la criminalité », au
« Magnétisme. animal »,
à l' « Evolution et à la
dissolution de l'instinct sexuel », aux
« Troubles de l'intelligence »,
à l' « Aphasie et à ses
diverses formes», au « Traitement
des aliénés dans les familles
», pour ne citer que ses principaux
ouvrages, en font foi et montrent la
diversité de ses recherches, autant
que la souplesse de son esprit.
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- Mais ce qui donne peut-être
à mon cher camarade et compatriote
tant regretté sa physionomie la plus
personnelle, c'est l'ardeur passionnée
avec laquelle ce médecin
aliéniste, si attaché à
l'étude clinique de la paralysie
générale, de
l'épilepsie, de l'hystérie, de
l'alcoolisme, de la morphinomanie et à
leur thérapeutique, consacrait
à des études de biologie pure
tout le temps de loisir qu'il pouvait encore
trouver. Les archives de la
Société de Biologie sont
remplies d'un nombre difficile à
compter de ses travaux, tous marqués
au sceau de la science la plus
élevée en même temps que
de l'expérimentation la plus
ingénieuse, la plus fouillée,
si l'on peut ainsi parler. Ses
expériences mémorables sur le
«travail musculaire » et la «
physiologie des mouvements volontaires
», sur le rôle des excitations
sensitives et sensorielles dans la «
fatigue musculaire » et sur leur
enregistrement graphique, sur la «
sensation et le mouvement », sur le
travail et le « temps de réaction
» ont porté au loin et depuis
plus de vingt ans la renommée de
Féré.
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- Charles Féré,
interne de JM. Charcot à La
Salpêtrière en
1881
- ©
Extrait de l'Album de l'internat de La
Salpêtrière conservé
à la Bibliothèque Charcot
à l'hôpital de la
Salpêtrière
- (Université
Pierre et Marie Curie,
Paris)
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- Ses recherches sur la tératologie
et sur la tératogénie
expérimentale, conduites avec la
ténacité et l'inlassable
volonté d'une foi robuste dans la
vérité scientifique mirent le
comble à sa réputation. Elles
symbolisent, à vrai dire, le
caractère de notre collègue :
aborder une question bien précise,
l'étudier sous toutes ses faces, sans
trêve ni repos, jusqu'au jour où
la démonstration apparaîtra
éclatante et indiscutable, telle fut
sa vie scientifique et, ajoutons-le,
là restera la trace glorieuse de ce
grand travailleur.
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- L'homme n'était pas plus banal que
son uvre. Grand, maigre, avec un visage
un peu triste, aux traits fortement
sculptés, au front large et
bombé, Féré était
l'affabilité même. Il
était d'un abord sympathique, et qu'on
n'oubliait plus quand on l'avait quelque peu
fréquenté. Biologiste
estimé, doublé d'un
médecin psychologue. il aura
passé parmi nous un peu fier, sans
ambition, modeste comme tous les vrais
savants. Il aura su trouver dans la culture
de la science qu'il adorait, ses joies les
plus élevves et, quand il le fallut,
ses consolations et sa
récompense.
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- Existence bien remplie, en somme, que
celle entièrement consacrée,
comme la sienne, là interroger les
problèmes les plus ardus de la
biologie ! Et heureux l'homme qui a pu en
jouir sans regrets ni amertume, en
éclairant de quelques lueurs bien
pures le grand problème, encore si
obscur, de la vie humaine.
-
- Féré a été
pendant de nombreuses années un
collaborateur assidu du Progrès
médical et des Archives de neurologie
(en dernier lieu en 1904). Dans l'un et
l'autre de ces journaux il a donné une
série d'articles, de mémoires,
d'un incontestable intérèt,
scientifique.
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- autographe 1881
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- extrait de
- Une
leçon de Charcot à La
Salpêtrière
- tableau de André
Brouillet 1887
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- voir
d'autres observations de JM Charcot
citées par RF
Trautmann
- Traité
clinique et thérapeutique de
l'hystérie d'après
l'enseignement de La
Salpêtrière
1895
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