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 Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier
 
mise à jour du
5 septembre 2010
Les biographies de neurologues
Charles Féré
13 juin 1852 - 22 avril 1907
Interne de JM Charcot à La Salpétrière, puis médecin de l'hospice de Bicêtre
 
Bâillements chez un épileptique 1888
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
1888;1(4):163-169
 
Note sur le bâillement Ch Féré 1905
Comptes-rendus de la société de biologie (Paris) 1905;2:11-12
 
Charles Féré interne chez JM. Charcot 1881

Chat-logomini

Le Progrès médical 1 mai 1907
 
Lorsque la mort frappe dans nos rangs, alors même qu'elle est depuis longtemps attendue, l'émotion qui nous étreint est d'autant plus grande que nous mesurons aussitôt, à l'œuvre de celui qui disparait, l'importance de la perte subie par le monde scientifique. Notre collègue Féré, médecin de Bicêtre, vient de succomber, avant l'heure, à cinquante-quatre ans, après avoir donné, un quart de siècle durant, l'exemple d'un travail opiniâtre et méthodique entrepris par une haute intelligence.
 
Né à Auffay, en Normandie, le 13 Juin 1852, Féré avait commencé ses études à Rouen, dans cette Ecole de médecine qui façonne avec tant de vigueur et de science une pléiade continue de solides cliniciens. Lauréat des hôpitaux de Rouen, en 1872, Féré venait à Paris, attiré par le prestige de notre Internat des hôpitaux; il passait les premières années de sa vie parisienne chez Alphonse Guérin, Constantin Paul, Horteloup, Mauriac, Gubler et enfin chez Bouchard, à Bicêtre, en 1876, où il devait trouver sa voie. Interne de Broca, de Guéniot, de Parrot, de Guyon, Féré se destinait d'abord à la chirurgie, pour laquelle il avait une prédilection marquée.
 
charles féré
Portrait de Charles Féré par Moïna Binet mère de A. Binet ( © Musée Flaubert à Rouen)
 
La Salpêtrière, où la toute-puissante influence de Charcot commençait à faire triomphante une Ecole scientifique nouvelle, ouverte à toutes les personnalités et à tous les travailleurs, décida Féré et l'entraîna dans l'étude de la neuropathologie. Sa thèse (1882) sur les « Troubles fonctionnels de la vision par lésions cérébrales (amblyopie croisée et hémianopsie) » en est la preuve et est déjà marquée de l'empreinte ordonnée de Charcot, qui portait sa méthode dans le chaos de la pathologie nerveuse.
 
Bientôt, l'esprit mûri de notre collègue prenait son propre élan et allait faire de lui une personnalité des plus marquantes dans les sciences biologiques. C'est qu'en effet, non content d'appliquer à la neuropathologie et à la psychopathologie ses qualités remarquables et sans cesse cultivées d'observateur sagace et de clinicien plein de finesse, Féré apportait à ses études médicales l'enquête scientifique, plus précise et plus sûre, de l'expérimentation. Notre collègue aura eu le rare mérite de contribuer pour une part capitale, par son labeur incessant et par les beaux résultats obtenus, à une révolution bienfaisante, à la revision de la psychologie, tant normale que pathologique, au moyen de l'expérimentation biologique.
 
Expérimentateur ingénieux autant qu'impeccable, allant parfois même jusqu'à la minutie, Féré, soutenu par la passion de la science et par ses études approfondies, se façonna psychophysiologiste et psychopathologiste de premier ordre.
Les innombrables travaux consacrés par lui à la « Pathologie des émotions », à la « Famille névropathique », à la « Dégénérescence et à la criminalité », au « Magnétisme. animal », à l' « Evolution et à la dissolution de l'instinct sexuel », aux « Troubles de l'intelligence », à l' « Aphasie et à ses diverses formes», au « Traitement des aliénés dans les familles », pour ne citer que ses principaux ouvrages, en font foi et montrent la diversité de ses recherches, autant que la souplesse de son esprit.
 
Mais ce qui donne peut-être à mon cher camarade et compatriote tant regretté sa physionomie la plus personnelle, c'est l'ardeur passionnée avec laquelle ce médecin aliéniste, si attaché à l'étude clinique de la paralysie générale, de l'épilepsie, de l'hystérie, de l'alcoolisme, de la morphinomanie et à leur thérapeutique, consacrait à des études de biologie pure tout le temps de loisir qu'il pouvait encore trouver. Les archives de la Société de Biologie sont remplies d'un nombre difficile à compter de ses travaux, tous marqués au sceau de la science la plus élevée en même temps que de l'expérimentation la plus ingénieuse, la plus fouillée, si l'on peut ainsi parler. Ses expériences mémorables sur le «travail musculaire » et la « physiologie des mouvements volontaires », sur le rôle des excitations sensitives et sensorielles dans la « fatigue musculaire » et sur leur enregistrement graphique, sur la « sensation et le mouvement », sur le travail et le « temps de réaction » ont porté au loin et depuis plus de vingt ans la renommée de Féré.
 
charles féré
Charles Féré, interne de JM. Charcot à La Salpêtrière en 1881
 © Extrait de l'Album de l'internat de La Salpêtrière conservé à la Bibliothèque Charcot à l'hôpital de la Salpêtrière
(Université Pierre et Marie Curie, Paris)
 
 
Ses recherches sur la tératologie et sur la tératogénie expérimentale, conduites avec la ténacité et l'inlassable volonté d'une foi robuste dans la vérité scientifique mirent le comble à sa réputation. Elles symbolisent, à vrai dire, le caractère de notre collègue : aborder une question bien précise, l'étudier sous toutes ses faces, sans trêve ni repos, jusqu'au jour où la démonstration apparaîtra éclatante et indiscutable, telle fut sa vie scientifique et, ajoutons-le, là restera la trace glorieuse de ce grand travailleur.
 
L'homme n'était pas plus banal que son œuvre. Grand, maigre, avec un visage un peu triste, aux traits fortement sculptés, au front large et bombé, Féré était l'affabilité même. Il était d'un abord sympathique, et qu'on n'oubliait plus quand on l'avait quelque peu fréquenté. Biologiste estimé, doublé d'un médecin psychologue. il aura passé parmi nous un peu fier, sans ambition, modeste comme tous les vrais savants. Il aura su trouver dans la culture de la science qu'il adorait, ses joies les plus élevves et, quand il le fallut, ses consolations et sa récompense.
 
Existence bien remplie, en somme, que celle entièrement consacrée, comme la sienne, là interroger les problèmes les plus ardus de la biologie ! Et heureux l'homme qui a pu en jouir sans regrets ni amertume, en éclairant de quelques lueurs bien pures le grand problème, encore si obscur, de la vie humaine.
 
Féré a été pendant de nombreuses années un collaborateur assidu du Progrès médical et des Archives de neurologie (en dernier lieu en 1904). Dans l'un et l'autre de ces journaux il a donné une série d'articles, de mémoires, d'un incontestable intérèt, scientifique.
 charles féré
autographe 1881
 fere
traite anatomiealienes
 
fere-sensationféré
charles féré
extrait de
Une leçon de Charcot à La Salpêtrière
tableau de André Brouillet 1887
 
voir d'autres observations de JM Charcot citées par RF Trautmann
Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie d'après l'enseignement de La Salpêtrière 1895