resolutionmini
  
Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier
 
haut de page
 
 amede dechambre
Amédé Dechambre
1812-1886
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 mise à jour du 3 avril 2003
sous la direction d'
Amédé Dechambre
Tome 8 (763 p) de 1868
27 volumes de 25 cm
parus de 1868 à 1889
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales
Bâillement par H. Brochin 1868
pages 151-154
Autres articles historiques
Télécharger le texte de cette page au format PDF

FindMe

encyclopedie sciences medicales
I Physiologie. Le bâillement (oscitatio) est un acte physiologique qui consiste en une inspiration grande, profonde, et lente, avec écartement plus ou moins considérable des mâchoires, suivie d'une expiration également profonde et prolongée et le plus ordinairement bruyante. Il s'accompagne souvent d'une extension des membres avec renversement du tronc et de la tête en arrière (pandiculations). C'est une modification de l'acte respiratoire; c'est la respiration avec, ses deux temps constitutifs, à l'état spasmodique ou convulsif. Le bâillement est, en effet, involontaire comme tous les actes spasmodiques. Pendant qu'il s'accomplit, l'air est inspiré à peu près exclusivement par la bouche largement ouverte, les orifices postérieurs des fosses nasales étant en partie oblitérés par le voile du palais convulsivement contracté et relevé vers la paroi supérieure du larynx. Cette contraction du voile du palais persiste pendant toute la durée du bâillement; elle ne cesse qu'avec l'occlusion de la bouche. Le bâillement a encore pour effet l'oblitération momentanée plus ou moins complète de la trompe d'Eustache, et par suite une obtusion passagère de l'ouïe. Il s'accompagne souvent, aussi, d'un peu de larmoiement et d'une augmentation de sécrétion salivaire.
 
Le bâillement est considéré par tous les physiologistes comme, un acte instinctif occasionné par un embarras ou un ralentissement de la respiration, qu'il a pour but de faire cesser en faisant pénétrer une plus grande quantité d'air dans les poumons. « Prœcedit oscitationem lentior per pulmones sanguinis motus, ut cum solitis inspirationis viribus per id circumire nequeat. » (Haller.)
 
Presque toutes les causes qui le déterminent supposent, en effet, un certain degré de ralentissement dans la respiration et une sorte de paresse physiologique ou d'état général de débilité et de torpeur. Telles sont, notamment, la fatigue, l'envie de dormir, l'ennui, la faim, le froid ou une chaleur excessive ou bien enfin, cet état particulier de malaise qui précède ou annonce quelques états morbides.
 
La douleur, le plaisir, l'ennui font également bâiller, dit Buffon; mais il est vrai, qu'on bâille vivement et que cette espèce de convulsion est prompte dans la douleur et le plaisir, au lieu que le bâillement de l'ennui en porte le caractère par la lenteur avec laquelle il se fait. Celui-là seul est le véritable bâillement. Le mouvement convulsif que Buffon rapporte à la douleur ou au plaisir, rentre plutôt dans la définition du soupir; c'est la respiration suspirieuse. Par contre, dans le vers si connu et si imitatif dans lequel Boileau peint la Mollesse:
 
«Et lasse de parler, succombant sous l'effort,
Soupire, étend les bras, ferme l'oeil et s'endort.»
 
bâille eut été mieux à sa place que soupire.
 
 
Le bâillement est quelquefois lié à certains états de l'estomac, comme en témoignent les bâillements qui surviennent souvent pendant une digestion laborieuse, ou même sous l'influence de douleurs stomacales, de cardialgies. C'est toujours sous la même influence immédiate du besoin instinctif d'activer l'hématose et par le même mécanisme, qu'il se produit dans ces diverses circonstances, bien que ce ne soit en quelque sorte que sympathiquement ou, par action réflexe qu'il a lieu alors. Ce qui tend d'ailleurs à démontrer que c'est bien effectivement par un besoin instinctif de remplir les poumons d'une certaine quantité d'air, qu'est produit le bâillement, ce sont les expériences faites sur les animaux placés sous une machine pneumatique ou dans une atmosplière non respirable, et qui bâillent à plusieurs reprises avant de succomber à l'asphyxie.
 
D'après les théories physiologiques modernes, le bâillement est un de ces actes réflexes dans lesquels le centre nerveux réagit contre une impression qui l'affecte. « Une gêne existe l'hématose, ou bien une quantité trop grande de sang noir s'est accumulée dans les cavités droites alors au point, des centres nerveux ou éprouve une impression pénible qui détermine une longue inspiration » (Longet).
 
Quant à son mécanisme physiologique il n'est autre que celui de la respiration elle-même; ce sont les mêmes muscles qui y concourent, mais avec une plus grande amplitude de mouvement, sinon avec plus de puissance, et avec ce type spasmodique qui en constitue le caractère essentiel. En effet, pendant le bâillement, le diaphragme, les muscles intercostaux internes et externes, les scalènes, les sterno-cleido-mastoïdiens, les portions claviculaires des trapèzes, les petits pectoraux, les sous-claviers, les grands dentelés, les rhomboïdes, etc, en un mot, tous les muscles inspirateurs directs ou auxiliaires entrent en contraction dans le premier temps du bâillement, ainsi que tous les muscles expirateurs tant extrinsèques qu'intrinsèques dans le deuxième temps. De plus un grand nombre des muscles de la face, les abaisseurs de la mâchoire, les dilatateurs des ailes du nez et de la lèvre supérieure, les zygomatiques, les orbiculaires des paupières etc., et enfin souvent la plupart des muscles extenseurs des membres entrent aussi synergiquement en contraction.
 
Le bâillement, avons-nous dit, est un acte involontaire. De même que pour les autres modifications de la respiration telles que le soupir, le hoquet, qui ne sont aussi que des mouvements respiratoires convulsifs, il ne dépend de la volonté ni de le faire naitre, ni de le faire cesser, une fois commencé. Il est facile, dit M. Longet, de simuler le bâillement, mais en vain ouvrira-t-on largement la bouche pour inspirer une plus grande quantité d'air, en vain fera-t-on successivement deux ou trois inspirations, ou n'aura pas bâillé si le besoin n'en existait pas. Ce qui constitue essentiellement le bâillement, ce n'est donc pas l'un ou l'autre des phénomènes qui entrent dans son accomplissement, c'est la sensation qui le provoque et le spasme qui l'accompagne. Cependant si le bâillement est un acte involontaire, il est possible jusqu'à un certain point, par la volonté, d'en dissimuler au moins une partie, d'en abréger, par exemple, le dernier temps en fermant brusquement la bouche par une sorte de réaction énergique, voulue, et en contenant l'expiration bruyante, qui le termine habituellement. D'un autre côté si la volonté ne suffit pas pour le produire, il est certain que l'on arrive presque infailliblement à en déterminer la manifestation en cherchant à plusieurs reprises à le simuler ou à le provoquer. C'est enfin un des actes instinctifs sur lesquels l'imitation a peut-être le plus de puissance. On sait combien, dans une réunion d'hommes, le bâillement est communicatif.
 
Au point de vue de sa valeur expressive ou physiognomonique, le bâillement est la traduction et comme le cachet d'un sentiment d'ennui ou de langueur et en général de toute préoccupation, de nature triste et dépressive. « Lorsque le bâillement est habituel, chez une personne, dit M. Le Pelletier de la Sarthe, (Traité de physiognomonie), on peut présumer chez elle une intelligence bornée, sans initiative, un esprit lent, paresseux, inactif, un caractère mou, faible, indolent, craintif, indifférent, mélancolique, ennuyeux, incapable d'une résolution énergique, d'une entreprise longue, difficile ou périlleuse. »
 
 
II Séméiologie. Le bâillement, qui ne sort pas des limites physiologiques tant qu'il n'est que l'expression de la lassitude générale et le prélude du sommeil, se produit dans quelques circonstances sous l'influence de certains états morbides et en particulier des états morbides spasmodiques. Il acquiert alors une valeur séméiologique, et devient quelquefois par lui-mëme un fait pathologique. C'est ainsi qu'on l'observe, dans quelques circonstances, au début d'une affection, ou qu'il en a précédé même les premières manifestations, comme dans la fièvre intermittente ou dans l'épilepsie, dont il annonce quelquefois un accès imminent; d'autres fois, au contraire, au déclin d'un état morbide dont il annonce alors la solution ou la crise finale, ainsi que cela a lieu souvent dans l'hystérie.
 
Les auteurs anciens qui ont poussé si loin l'étude de la séméiologie ont donné au bâillement une importance sémiotique qui nous paraît manifestement exagérée aujourd'hui, mais qui, cependant, mérite encore, à certains égards, d'être prise en considération.
 
« Oscitatio et pandiculatio, a dit Sennert, etsi saepe pigritiae, saltem signa sunt, aut ex imaginatione proficiscuntur; interdum tamen a causa morbifica ortum habent et morborum. instantium sunt praesagia. »
 
Longtemps avant Sennert, Hippocrate (de Fiatibus), avait déjà constaté que le bâillement précède souvent l'invasion des fièvres en général, et spécialement l'invasion de l'accès dans les fièvres intermittentes: il prévoyait d'après sa fréquence et son intensité la durée et la violence de l'accès. Les bâillements fréquents suivis de larmoiement et de pandiculations, ont été constatés aussi comme, signes précurseurs des fièvres éruptives. Double dit avoir observé très souvent les bâillements avec sternutation, aux approches des fièvres catarrhales qui règnent si souvent d'une manière épidémique à Paris.
 
Le bâillement se produit assez fréquemment dans le travail de l'enfantement. Rœderer, qui a écrit une dissertation sur le bâillement dans l'enfantement (de Os. citatione in enixu, 1759), en a certainement beaucoup exagéré la gravité en le signalant comme un symptôme funeste dans ce cas et comme l'avant-coureur d'un cas mortel. Nous en dirons autant du bâillement qui survient dans les maladies aiguës des femmes en couches. De ce que l'on a constaté quelque fois, en effet, de fréquents bâillements pendant un travail d'accouchement malheureux, ou dans la durée d'une affection puerpérale aiguë qui s'est terminée par la mort ce n'est point une raison pour attacher à ce phénomène une valeur séméiologique de cette importance. Quels praticiens n'ont pas eu l'occasion de voir des femmes en proie à des bâillernents répétés et fatigants, pendant un travail naturel et un accouchement facile ou durant le cours d'une affection puerpérale légère, terminée par la guérison ?
 
Les bâillements que l'on a constatés chez les jeunes filles mal règlées et notamment après la suppression de leurs règles, et survenant paroxystiquement, avec tant de force, disent Hœchsteter et Riedlem, qu'il en résulte des maux de tête et un état général de malaise et d'incommodité, ne nous paraissent être autre chose que le fait de la disposition hystérique, qui se lie si fréquemment a 1'irrégularité menstruelle.
 
Nous n'attacherons pas plus d'importance à la signification aux bâillements des enfants nouveau-nés.
 
En somme, la valeur séméiotique du bâillement mesurée a peu d'importance physiologique et ce phénomène envisagé en lui-même, se trouve réduite de beaucoup, si l'ont considère, d'une part, son extrême fréquence dans les conditions normales les plus ordinaires et les plus indifférentes de la vie; et si, d'autre part, on tient compte de cette circonstance: que lorsqu'il se manifeste chez des sujets en proie à un état morbide grave et sous l'imminence d'une crise fatale, comme on l'on constaté souvent dans la syncope mortelle, dans le cours des fièvres graves, ataxiques ou adynamiques, dans la fièvre puerpérale ou pendant un travail d'accouchement laborieux qui met les jours de la mère en danger, à la suite des hémmorrhagies abondantes ou des grands traumatismes, il coïncide toujours avec d'autres phénomènes d'une valeur symptomatique bien autrement significative. De sorte qu'on pourrait tout au plus inférer de sa fréquente répétition, abstraction faite de tout autre symptôme, un degré plus ou moins grand de dépression accompagné d'un état général spasmodique. C'est là, en effet, sa seule et véritable signification.
 
Ainsi réduit, le rôle séméiotique du bâillement a encore cependant une certaine valeur, qu'il emprunte au caractère même que nous venons de lui assigner.
 
Nous avons déjà dit qu'il se manifestait souvent au début ou dans le cours de plusieurs névroses. On l'observe, en effet, très communement dans l'hystérie, soit au début de l'accès, soit et plus souvent peut-être à son déclin; il annonce dans ce cas la fin de l'accès, il en est comme la crise finale. On l'a constaté aussi chez les femmes atteintes de catalepsie ou de somnambulisme. Associés ou non aux pandiculations, les bâillements précédent souvent le frisson initial d'un accès de fièvre intermittente, qu'ils peuvent ainsi faire prévoir. Chez certains épileptiques, l'accès est toujours annoncé par des bâillements réitérés avec tendance au sommeil; ils deviennent alors un avertissement salutaire qui peut permettre de prendre des précautions utiles. On constate fréquemment aussi, le bâillement dans les circonstances où le sang a perdu de ses propriétés physiologiques, par insuffisance d'oxygénation, comme dans l'asphyxie commençante, dans la pneumonie et géneralement toutes les affections dans lesquelles le champ de la respiration se trouve limité. Il devient ainsi un des signes de l'anémie et de la chlorose.
 
Telle est la valeur séméiotique vraie des bâillements.
Quelques auteurs ont vu dans le bâillement lui-même un fait pathologique idiopathique. On a rapporté quelques exemples de bâillements répétés et incoërcibles, qui semblaient constituer à eux seuls un véritable état morbide. Tel est, entre autres, le fait cité dans le Dictionnaire des sciences médicales, et celui de Mr Coursserant dans la Gazette des hôpitaux de 1846 (n° du 10 octobre).
 
Enfin, le bâillement peut, dans quelques circonstances, devenir à son tour cause d'une lésion grave, telle, que le luxation de la mâchoire. Les exemples de cette lésion produite sous la seule influencé du bâillement ne sont pas rares n'est presque pas de traité de chirurgie qui n'en rapporte quelques-uns; nous en avons relevé pour notre part une dizaine environ dans les recueils périodiques de médecine.
dechambre.encyclopedie