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mise à jour du
1 septembre 2006
Electroneurobiología
2006;14(4):175-202
Le bâillement : son histoire interne
Yawning : his inside story
O. Walusinski
Télécharger le fichier pdf de cet article
Le premier Holter pour les bâillements
 
Version originale en espagnol
Neurofisiología del bostezar y estirarse:
su ontogenia y filogenia

Chat-logomini

Abstract : Stretching and yawning (the association has gone identified as pandiculation) are neglected features among categories of maintenance behavior. Arising in the common ancestors of all vetebrates, systematic and coordinated pandiculations occur in a compound pattern of almost identical general form among them, during the transition's behaviors occuring with different cyclic life's rhythms: sleep-arousal, feeding and reproduction. This kinesis appears as one undirected response to an inner stimulation, underlying the homeostasis of these three behaviors. By explaining the specific regulatory strategies and the neural networks involved, it is proposed that yawning is a part of interoceptiveness by its capacity to increase arousal and self-awareness. Hominids have the unique capacity to be receptive to the contagiousiness of yawning. Yawning appear to trigger a sort of social coordination function (arousal synchrony) and reflect the capacity to unconsciously, automatically be influenced by the behaviour of others, supporting the hypothesis that contagious yawning share the neural networks involved in empathy.
 
Pourquoi bâillons-nous ? Revue des théories d'Hippocrate à nos jours Walusinski O 2014
 
Résumé : Bâiller et s'étirer (l'association se nomme une pandiculation) sont des comportements ayant reçus peu d'attention alors qu'ils témoignent de processus adaptatifs d'homéostasie fondamentaux pour la Vie. Déjà présentes chez les vertébrés phylogénétiquement les plus anciens, les pandiculations généralisées et coordonnées se développent, de façon morphologiquement semblable chez tous les vertébrés, lors des transitions comportementales, survenant de façons récurrentes et cycliques au cours des trois rythmes biologiques bases de la Vie: l'alternance veille-sommeil, la régulation de la satiété et la sexualité. Cette activité neuro-musculaire répond à une stimulation interne, sans raison extériorisée appréhendable, mais nécessaire aux processus d'homéostasie des ces trois comportements. Après avoir explicité les mécanismes neurobiologiques activés et les circuits neuronaux qui les sous tendent, il est proposé d'interpréter bâillements et pandiculations comme participant de l'intéroception par leurs capacités à stimuler l'éveil et la perception consciente du schéma corporel. D'autres part, le bâillement joue un rôle dans la vie sociale par sa capacité à synchroniser les niveaux d'éveil entre individus. Sa contagion ou échokinésie reflète notre faculté à être influencés par le comportement d'autrui de façon automatique et involontaire. Il est proposé que l'échokinésie du bâillement est une forme d'empathie instinctive involontaire avec laquelle il partage les structures neurofonctionnelles corticales.
 
Sumario : Nos proponemos señalar cómo las pandiculaciones &endash; combinaciones de bostezar y estirarse que permanecen morfologicamente idénticas en todas las clases de vertebrados &endash; se asocian con estados de transición entre las fases de ritmos biológicos, tanto infradianos y circadianos cuanto ultradianos. Los comportamientos de bostezo solo y de pandiculación han recibido poca atención, aunque testimonian procesos homeostásicos adaptativos que son indispensables para la vida. Se trata de kinesias o composiciones unitarias de actividad neuromuscular; esto implica, en cuanto a su puesto en la serie de adquisiciones neurobiológicas mayores, que siguen a la integración de ciclos bioquímicos en ritmos biológicos y preceden a la adquisición de praxias, gnosias y simbolias. Habiendo así surgido presumiblemente en antepasados comunes a todos los vertebrados y presentes ya en los vertebrados filogeneticamente más antiguos, en todas las clases de vertebrados las pandiculaciones generalizadas y coordinadas se ejecutan de modo morfologicamente similar, en ocasión de transiciones comportamentales que de manera recurrente y cíclica tienen lugar en el curso de los tres tipos de ritmos biológicos que sostienen el estilo de vida del tipo vertebrado: a saber, la alternancia vigilia-sueño, la regulación de la saciedad y las regularidades reproductivas. Esta kinesia, la pandiculación, responde a una estimulación interna, que no exterioriza razón visible pero es necesaria para los procesos de la homeostasis en esas tres áreas de comportamiento. En el presente trabajo, tras haber explicitado los mecanismos neurobiologicos activados y los circuitos neuronales que los sostienen, se propone interpretar bostezos y pandiculaciones como participantes de la interoception, o introyente de Chr. Jakob, por sus capacidades de estimular la vigilia así como la saliencia, noergia o nivel de percepción consciente del esquema corporal. Los Homininos compartimos una aptitud particular, la de ser receptivos a la contagiosidad del bostezo. Con ello el bostezo humano juega un rol en la vida social, por su poder de sincronizar los niveles de vigilia entre varios individuos. Su ecoquinesia o contagio refleja nuestra capacidad de ser influenciados por el comportamiento de otro de manera automática e involuntaria. Se propone aquí que la ecoquinesia del bostezo es una forma de empatía kinésica, por lo tanto instintiva e involuntaria, que pone en juego estructuras neurofuncionales corticales compartidas
yawning inside story

« The muscular fibres themselves constitute the organ of sense, that feels extension... hence the whole muscular system may be considered as one organ of sense, and the various attitude of the body, as ideas belonging to this organ, of many of which we have hourly conscious, while many others, like the irritative ideas of the other senses, are performed without our attention.»
Erasmus Darwin, Zoonomia (1801).
 
« L'accomplissement d'une action n'est qu'une forme de représentation mentale, et dans les conditions psychologiques normales, l'idée du mouvement d'un membre c'est déjà le mouvement.»
Jean Martin Charcot
 
Les organismes vivants, en particulier les vertébrés, exhibent des comportements variés, essentiels à leur survie, caractérisés par leur récurrence cyclique. Il en va ainsi pour les trois comportements fondamentaux de la vie et de sa transmission: la vigilance (être apte à survivre face aux prédateurs alors que le sommeil est indispensable à l'homéostasie du cerveau), l'alimentation (capter de l'énergie), la sexualité (transmettre la vie). Cette rythmicité répond aux critères définis par Bejan et Marden (2006) dans leur "théorie constructale" des périodicités naturelles et notamment biologiques. Nous nous proposons de montrer comment les bâillements et les pandiculations, en restant morphologiquement identiques, apparaissent associés à chaque état transitionnel des rythmes infradiens, circadiens, ultradiens qui caractérisent ces comportements.
 
Que sont des bâillements et des pandiculations ?
 
L'éthologie agrée l'idée que la plupart des vertébrés bâillent qu'ils soient poïkilothermes ou homéothermes, des mondes sous-marins, terrestres ou aériens, herbivores, fructivores, insectivores ou carnivores. L'existence de bâillements chez les reptiles confirme l'origine phylogénétiquement ancienne de ce comportement. Sa survivance, sans variation évolutive, indique son importance d'un point de vue fonctionnel.
 
Une pandiculation est un bâillement se déroulant simultanément à une contraction massive des muscles antigravifiques (André-Thomas, 1949), c'est à dire une extension maximum des quatre membres et du rachis, portant en arrière la tête.
Pendant le bâillement, le plus grand muscle de l'organisme, le diaphragme, se contracte massivement provoquant une ample inspiration par des voies aériennes supérieures ouvertes à l'extrême ainsi que la bouche. J. Barbizet (1958) a montré que le diamètre du pharyngo-larynx est multiplié par quatre par rapport à la position de repos. La contraction simultanée des muscles ouvrant la bouche (mylo-hyoïdiens et digastriques) et de ceux assurant sa fermeture (ptérygoïdiens, masséters, temporaux), explique les contraintes importantes subies alors par les articulations temporo-mandibulaires (Forte, 1982). Les mouvements de la tête font partie intégrante du cycle ouverture/fermeture de la bouche nécessaire à la mastication, à l'élocution, au chant, mais aussi au bâillement (Abrahams, 1988, 1993). D'un point de vue phylogénique, chez toutes les espèces, ce couplage fonctionnel a une valeur adaptative, sélectionnée, car elle assure une meilleure capacité à saisir des proies mais aussi à se défendre et à combattre. Les afférences sensori-motrices oro-faciales (trijumeau) sont nécessaires au contrôle de la motricité cervico-céphalique, c'est à dire que l'activité fonctionnelle mandibulaire est une association de mouvements synchronisés de la nuque et de la mâchoire dans lesquels interviennent les articulations temporo-maxillaires, le rachis cervical et sa musculature (Zafar, 2000). L'action des muscles masséters et cervicaux est synchronisée par une commande motrice commune automatique générée par le tronc cérébral, ("Central pattern generating circuits" Marder, 2005) où siègent les noyaux moteurs des paires crâniennes V, VII, IX, X, XI, XII. Toutes ces structures motrices sont activées pendant les bâillements. T. Humphrey (1968) a parlé d'un réflexe trijémino-nuqual.
 
A partir de ce concept de lien entre activité motrice cervicale et mandibulaire, un appareillage a été développé afin d'assurer le dépistage ambulatoire du syndrome des apnées du sommeil (Somnolter©). En effet, la fin d'une apnée obstructive ou centrale est suivie d'un micro-éveil, d'un mouvement d'ouverture de bouche d'inspiration, mettant fin à un arrêt ventilatoire avec éventuelle désaturation artérielle en O2. Le Somnolter permet ainsi l'estimation de la distance intermaxillaire et, en corollaire, permet d'enregistrer les bâillements. Il est noté que l'amplitude d'ouverture de la bouche, lors d'un bâillement spontané, est plus importante que l'ouverture volontaire maximale de la bouche lors du calibrage de l'appareil et que l'occlusion qui suit la fin du bâillement apparaît également plus accentuée que l'occlusion volontaire. C'est la première méthode permettant de compter, de façon objective, le nombre de bâillements.
 
L'ensemble des données présentées autorise à décrire le bâillement comme une pandiculation partielle, c'est à dire une contraction massive du diaphragme, des muscles de la face et de la nuque, sans contraction des extenseurs des membres et du rachis dorso-lombaire. V. Dumpert et E. Claparède avaient déjà proposé, en 1921, cette interprétation qui permet d'apporter une explication neurophysiologique à ce comportement.
 
Neurophysiologie des bâillements et pandiculations
 
Les transitions comportementales des animaux ne résultent pas d'une adaptation passive aux conditions d'environnement mais obéissent à des stimuli internes caractérisant les adaptations homéostasiques générées, en particulier, par l'hypothalamus (noyaux suprachiasmatiques, noyaux paraventriculaires). Ces horloges biologiques internes autorisent une adéquation précise entre besoins métaboliques (satiété), survie de l'espèce (accouplement) et conditions d'environnement (adaptation tonique à la pesanteur et motricité). Les bâillements et les pandiculations sont associés aux transitions entre des états d'éveil et de sommeil, lors de l'installation de la faim ou de la satiété, lors de l'installation ou de la disparition d'états émotionnels secondaires à une vie en groupes sociaux hiérarchisés (Walusinski, 2004).
 
C. Sherrington (1905) a énoncé le paradigme que seule l'activité motrice extériorise l'activité du système nerveux. Bâillements et pandiculations extériorisent l'activité des centres moteurs du tronc cérébral (V, VII, IX, X, XI, XII.) et de la moelle, sous la commande du noyau paraventriculaire de l'hypothalamus (PVN). Le PVN est un centre d'intégration entre les systèmes autonomes central et périphérique. Il intervient, notamment, dans la balance métabolique (osmolarité, énergie), la pression artérielle et la fréquence cardiaque, la sexualité. Bâillements et pandiculations peuvent être déclenchés par des injections (apomorphine, hypocrétines, etc) ou disparaître après électrolésion dans la zone parvo-cellulaire du PVN (Sato-Suzuki, 1998). Un groupe de neurones ocytocinergiques, situés dans cette zone du PVN, projetant vers l'hippocampe, le tronc cérébral (locus coeruleus) et la moelle, contrôlent les bâillements et l'érection. La stimulation de ces neurones par la dopamine ou ses agonistes, des acides aminés excitateurs (NMDA), l'ocytocine elle-même, déclenche des bâillements alors que le GABA ou les opioïdes inhibent bâillements et érections. L'activité de ces neurones dépend d'une enzyme la "nitric oxyde synthetase" qui fabrique l'oxyde nitrique à l'origine de la libération de l'ocytocine par un mécanisme actuellement non élucidé.
 
Par opposition à l'éveil, le sommeil est un état comportemental caractérisé par un désengagement sensoriel avec l'environnement et les perceptions internes (intéroception). Des cycles successifs de 60 à 90 minutes se renouvellent au cours d'une nuit de sommeil, avec succession de sommeil lent profond (prédominant en début de nuit) et de sommeil paradoxal (prédominant en fin de nuit). Celui-ci est caractérisé par une activité corticale comparable à l'éveil, accompagnée d'une hypotonie musculaire périphérique avec collapsus relatifs des voies respiratoires supérieures, une instabilité des processus végétatifs autonomes rappelant l'état poïkilotherme. L'éveil spontané survient préférentiellement lors du début de la remontée de la température corporelle (rythme circadien), en fin d'une période de sommeil paradoxal (Campbell, 1985). La transition vers l'éveil comporte une reprise des processus sensoriels, facilitée par l'activité corticale rapide de cette phase de sommeil, et s'accompagne d'une reprise du tonus musculaire tant au niveau squelettique qu'au niveau des voies aériennes supérieures. Bâillements et pandiculations ouvrent les voies respiratoires et renforcent le tonus musculaire antigravifique. Toute activité motrice génère un rétro-contrôle (feedback) adaptatif. La puissante contraction musculaire du bâillement et de la pandiculation génère une information sensorielle en retour, par les voies de la sensibilité profonde, projetant sur le locus coeruleus (boucles sensori-motrices trijémino-cervico-spinales), la réticulée ascendante du tronc cérébral et l'hypothalamus latéral. Il est proposé d'expliquer la finalité de ces comportements comme une stimulation des systèmes d'éveil (système noradrénergique et dopaminergique projettant vers le cortex) et un renforcement du tonus musculaire (système hypothalamique hypocrétinergique), engendrée par ce rétro-contrôle (Walusinski, 2006).
 
Les états d'éveil et de sommeil correspondent à des activités de circuits neuronaux spécifiques. Bâillements et pandiculations peuvent être interprétés comme un mécanisme adaptatif déconnectant un type de circuit neuronal et favorisant la mise en fonction d'un autre réseau ("reset" ou reconfiguration), optimisant le changement comportemental (Bouret, 2005).
 
La ghréline est un ligand endogène pour les récepteurs à l'hormone de croissance (GH) et apparaît comme un peptide inducteur de la faim et de la recherche de nourriture. La ghréline, les hypocrétines (ou orexines) et le neuropeptide Y (NPY) forment un circuit hypothalamique de régulation de la satiété. Hypocrétines et NPY sont également impliqués dans la régulation de l'éveil. La ghréline inhibe le sommeil tant profond que paradoxal en fonction de la luminosité. Il est facile de concevoir que la recherche de nourriture nécessite un éveil adapté. L'expérimentation chez le rat indique que l'injection de gréhline stimule l'éveil, le "grooming" (auto et hétéro-nettoyage) et semble induire des bâillements, en période nocturne, c'est à dire d'activité pour le rat, alors que la ghréline injectée au lever du jour induit le sommeil. La ghréline est donc un peptide candidat dans l'induction des bâillements associés à la satiété, rythmée par le cycle éveil-sommeil (Szentirmai, 2006).
Chez l'animal, il est démontré que la faim réduit la durée de sommeil, modifie le rythme circadien des activités motrices afin d'augmenter le temps consacré à la recherche de nourriture. Ceci résulte de l'adaptation de l'activité des neurones hypocrétinergiques de l'hypothalamus latéral en fonction des taux plasmatiques périphériques du glucose, de la ghréline (orexigène) et de la leptine (Sakurai, 2006). La leptine a permis de hisser le tissu adipeux au rang d'organe endocrine. Ce peptide a une fonction anorexigène lors de la saturation lipidique des adipocytes, défaillante chez l'obèse, par possible défaut de transduction au travers de la barrière hémato-encéphalique (Banks, 2006). Il existe donc des liens très étroits entre éveil et satiété, expliquant aussi l'existence de bâillements associés. Actuellement aucun travail n'a été conduit sur un lien entre leptine et bâillements.
 
Les stéroïdes sexuels modulent l'activité de l'ocytocine et de la dopamine au niveau du PVN. Chez le rat ou le singe macaque, les bâillements disparaissent après castration et sont restaurés par des injections de testotérone exogène. Les bâillements sont décrits, en éthologie, comme plus fréquents ches les mâles alpha des groupes de macaques. Les oestrogènes inhibent les bâillements induits par l'apomorphine alors que la progestérone favorise d'abord des bâillements puis le sommeil. On peut ainsi envisager que les bâillements répétés bien connus par les femmes enceintes au premier trimestre de leur grossesse, et toutes les occurences de bâillements liés à la sexualité résultent de l'interaction des stéroïdes sexuels au niveau du PVN. (Deputte, 1994; Holmgren 1980; Seuntjens, 2004).
 pvn
Développement du bâillement au cours de l'ontogenèse.
 
Les gènes homéotiques (Hox), gènes architectes, délivrent une information positionnelle. Ils représentent quatre groupes de gênes codant pour la transcription de facteurs (les protéines Hox) impliqués dans l'orchestration de la mise en place de l'axe rostro-caudal de l'organisme, incluant la segmentation du tronc cérébral et du diencéphale d'une part, la formation des membres supérieurs d'autres part. Ils commandent l'individualisation du massif facial et du cerveau à partir d'une structure embryonnaire commune, l'ectoblaste. Le pôle céphalique comporte une segmentation encéphalo-faciale et encéphalo-cervicale avec une correspondance topographique stricte: les structures naso-frontales et prémaxillaires sont liées aux hémipshères; les structures maxillo-mandibulaires et cervicales antérieures sont unies au tronc cérébral et à ses nerfs (Borday, 2004).
 
Au début du troisième mois, l'embryon devient un foetus grâce à l'apparition des premières séquences motrices orales et pharyngées sous la dépendance de la myélinisation du tronc cérébral. Les mouvements des joues et de la langue participent à la formation du palais par l'initiation de mouvements de traction antéro-postérieurs alors que les valves palatales primordiales sont orientées verticalement. L'activité motrice de la langue et de la bouche est constamment accompagnée de mouvements du cou comme l'illustrent les échographies qui, dès 12 à 15 semaines de grossesse, visualisent succions, déglutitions, bâillements et pandiculations. L'activité oro-pharyngée se coordonne ainsi avec les régulations respiratoire, cardiaque et digestive de même localisation neuro-anatomique. L'extension du processus de myélinisation au néocortex temporal et frontal se complète jusqu'à 22 à 24 semaines. Ce décalage chronologique illustre la Loi de Haeckel "l'ontogenèse récapitule la phylogénie". Le tronc cérébral ou cerveau reptilien devient fonctionnel avant le cortex.
Succions, déglutitions, bâillements et pandiculations ont donc une importance dans le développement fonctionnel du système nerveux alors que la puissante contraction musculaire qu'ils représentent a un coût métabolique élevé. Une hypothèse structurale suppose un accroissement d'activation et de recrutement des neurotrophines qui génèrent toute une cascade de nouvelles synapses, de nouveaux circuits neuronaux au niveau diencéphalique et du tronc cérébral. Ce mécanisme de développement, activité-dépendant, a clairement été identifié comme un des processus affectant la maturation fonctionnelle précoce des systèmes sensoriels et moteurs. Ce phénomène d'activité-dépendance est un processus ubiquitaire de maturation cérébrale par lequel le développement d'une région, d'une structure participe au développement d'autres régions, d'autres structures (Marder, 2005).
 
La phylogenèse suggère que le repos nocturne des poïkilothermes a probablement évolué vers le sommeil paradoxal (REM sleep) qui est caractérisé par une hypotonie musculaire périphérique commandée par des noyaux situés à la partie dorsale du tronc cérébral, situé rostralement par rapport au pont (Nicolau, 2000). L'étude du sommeil tant du foetus humain qu'animal, indique que la première forme de sommeil a des caractéristiques de sommeil actif ou agité qui représente une forme immature de sommeil paradoxal et est encore très prépondérant à la naissance. Siegel (2005) a montré que plus le cerveau est immature à la naissance, plus il existe de sommeil paradoxal. Les mécanismes commandant le sommeil paradoxal sont les premiers fonctionnels et les seuls actifs initialement en raison de la seule myélinisation du tronc cérébral et du diencéphale. Ensuite le sommeil lent apparaît quand les structures thalamo-corticales deviennent matures. Il apparaît donc que le contrôle de l'activité neuronale exercée par le sommeil paradoxal participe du mécanisme, activité dépendant, de maturation fonctionnelle du cortex. Il peut être inféré qu'au tout début de la vie foetale, le sommeil paradoxal (et le bâillement?) dirige l'évolution de la maturation corticale par sa stimulation neuronale. De la vie prénatale à la vie postnatale, un pattern comportemental montre un développement parallèle de l'apparition du sommeil paradoxal et du bâillement. C'est ainsi que la durée du sommeil paradoxal décline de 50% du temps de sommeil, chez le nouveau-né à une à deux heures chez l'adulte, que le nombre de bâillements passe de 30 à 50 par jour chez le nouveau né à moins de 20 par jour chez l'adulte. Cette diminution intervient essentiellement de la naissance à la fin de la puberté (Walusinski, 2006).
 
Bâillements et pandiculations sont donc des comportements moteurs à commande centrale, le cerveau reptilien de P. McLean, remarquablement conservée au cours de l'Evolution, apparaissant de façon contemporaine au sommeil paradoxal avec lesquel ils partagent la même origine phylogénique.
 
Autres conséquences des bâillements et pandiculations
 
Nous allons passer en revue les autres effets centraux et périphériques induits par la puissante contraction musculaire des bâillements et pandiculations.
 
Domenico Cotugno est le premier, en 1764, a évoqué la circulation du liquide céphalorachidien (LCR) (Pearce 2004). Les battements cardiaques et les mouvements respiratoires transmettent des variations de pressions dans les ventricules cérébraux. Chaque inspiration profonde est suivie d'une augmentation du débit du LCR au niveau du IV° ventricule (Schroth 1992; Bouyssou 1985). L'étude de la cinématique mandibulaire montre que celle-ci s'associe à l'inspiration pour modifier la circulation intra-crânienne. Lepp (1982) décrit "les mouvements mandibulaires qui ont le rôle de mettre en action selon les besoins la pompe musculo-veineuse ptérygoïdienne qui fonctionne en haut de l'espace parapharyngien antérieur ou préstylien. De cette manière, la pompe paratubaire peut s'intercaler dans le mécanisme d'écoulement du sang veineux hors de l'endocrâne et principalement via le sinus canalis ovalis. Ainsi, la citerne ptérygoïdienne, correspondant à la pars caverna du plexus ptérygoïdien et elle-même prolongement extra-crânien et transovalaire du sinus caverneux, joue un rôle important comme station intermédaire d'accélération pour l'écoulement en retour du sang cérébral (...). On pourrait avec raison considérer la cinématique mandibulaire conjointement avec le muscle ptérygoïdien latéral comme un veino-moteur, d'autant plus que les deux ensembles représentent en fait le démarreur proprement dit pour la mise en marche de l'action de pompage musculo-veineux alterné de la pars cavernosa du plexus ptérygoïdien. Elle est évidemment particulièrement efficace lors de l'acte de bâillement isolé ou proprement dit, c'est-à-dire surtout lorsque la bouche atteint son ouverture maxima. Cependant, répétons-le, le bâillement lui-même n'est souvent que l'initiation d'une réaction motrice musculo-veineuse en chaîne, étendue aux membres et à toute la musculature squelettique sous forme d'ondes toniques propagées en direction rostro-caudale jusqu'au bout des doigts et des orteils."
 
Il apparaît ainsi que l'ample inspiration et l'ouverture de bouche maximale accélère la circulation du LCR. Déjà en 1912, Legendre et Piéron ont mis en évidence la présence d'un facteur hypnogène dans le LCR et s'y accumulant pendant la veille. Cette recherche de facteurs, humoraux et non neuronaux, inducteurs du sommeil, vieille de près de 100 ans, a fait passer en revue plus de 50 molécules. Actuellement, une prostaglandine PGD2 agit comme une hormone d'activité locale, produite par les méninges. Sa fixation sur un récepteur spécifique est suivie d'une transduction depuis la leptoméninge vers la parenchyme cérébral en activant la fabrication d'adénosine, celle-ci ayant un effet inducteur du sommeil au niveau du noyau VLPO de l'hypothalamus antérieur. Il se peut donc que bâillements et pandiculations, en induisant une accélération de la clairance de PGD2, réduisent la propension à l'endormissement (Hayaishi 2005).
 
Bâillements et pandiculations provoquent, à l'acmé de l'ample inspiration, une augmentation de la pression intra-thoracique, suivie d'une dépression rapide, lors de l'expiration qui la suit. Il en résulte un blocage du retour veineux et lymphatique suivi d'un flux accéléré. B. Nolman (2006) propose un rôle d'activation de la circulation lymphatique drainant le canal thoracique vers la veine cave et pouvant ainsi faire jouer aux bâillements un rôle "immunitaire". De façon comparable, l'ample inspiration du bâillement ouvre les alvéoles en atélectasie et participe à l'étalement du surfactant, comme le fait un soupir. Cela pourrait concourir à améliorer la fonction ventilatoire. Le bâillement dirigé est ainsi utilisé dans les suites opératoires en chirurgie thoracique, notamment (Cahill, 1978).
 
A l'acmé d'un bâillement, l'ouverture de la trompe d'Eustache aère la caisse du tympan. Associée à l'occlusion palpébrale, la baisse de l'audition ainsi provoquée, concourt à une brève déconnexion sensorielle de l'environnement du bâilleur. Lors de pathologies rhino-pharyngées ou de variations altudinales (montagne, vols aériens), le bâillement constitue un moyen thérapeutique de reperméabilisation tubaire assurant l'amélioration des surdités de transmission, inflammatoires ou fonctionnelles (Laskiewicz, 1953; Winther, 2005). Par l'extrême ouverture pharyngo-laryngée, qui caractérise les bâillements au niveau des voies aériennes supérieures, les bâillements participent à une forme de relaxation de la musculature pharyngolaryngée, permettant une reprise de la parole. Cette musculature extrinsèque et intrinsèque de larynx est particulièrement sensible au stress émotionnel. Son hypercontraction est le dénominateur commun de toutes les formes de dysphonies et aphonies fonctionnelles ou psychogènes. Le bâillement est une thérapeutique des surmenages vocaux. Elle est efficace pour combattre l'élévation excessive du larynx et la constriction de la glotte qui les caractérisent. Ces surmenages correspondent à un effort tonico-spastique des muscles du larynx qui provoque son ascension. Le bâillement ouvre la glotte à son maxima et repositionne le larynx au plus bas de sa course, réduisant l'effort musculaire. Les professeurs de chant enseignent à leurs élèves des techniques de bâillements provoqués, forme de relaxation laryngée. C'est ainsi qu'il n'est pas rare de voir des chanteurs d'opéra bâiller avant d'entrer en scène (Xu, 1991; Boone, 1993).
 
Bâillements et pandiculations acteurs de l'intéroception et du schéma corporel?
 
L'école apprend aux enfants, suivant la tradition aristotélicienne, que nous disposons de cinq sens. Mais il peut être proposé que nous bénéficions des informations d'un sixième sens, l'intéroception, la capacité de percevoir des stimuli sensoriels internes à notre corps. Le terme intéroception, ou somesthésie végétative, a été proposé par Sherrington en 1905. En 1749, Buffon proposait la volupté comme sixième sens reprenant l'idée de Cardan en 1554. La volupté n'est-elle pas le résultat d'une intéroception harmonieuse ? Le monde animal connaît d'autres sens qui nous sont inconnus: l'électroréception, la magnétoréception, et l'écholocalisation par ultrasons. Nous nous proposons de montrer comment le bâillement appartient à l'intéroception et ainsi participe à notre éveil et à notre schéma corporel.
 
L'éveil est essentiel à la conscience. Celle-ci nécessite la capacité d'intégrer des informations sensorielles informant du monde environnant, des sensations du ressenti de notre état physique interne, modulées par les émotions et la mémoire. Les sensations afférentes en provenance du système musculo-squelettique convergent par les voies spinothalamiques et spinoréticulaires vers le thalamus, les noyaux du raphé et de là vers le cortex sensitif pariétal ascendant. Le thalamus et le PVN participent d'un circuit envoyant et recevant des influx du locus coeruleus, des noyaux tubéro-mamillaires, toutes structures responsables des réflexes autonomiques. Les nerfs crâniens trijumeaux (V), faciaux (VII), pneumogastriques (X) et les racines cervicales C1-C4, moteurs et/ou sensitifs convoient aussi des somesthésies qui convergent vers le noyau du tractus solitaire (NTS), interface des informations périphériques, nécessaire à la stimulation de la réticulée ascendante du tronc cérébral, du locus coeruleus en particulier, source de l'activation des systèmes d'éveil (adrénergique au pont, dopaminergique aux pédoncules, histaminergique à l'hypothalamus, cholinergique au noyau basifrontal de Meynert). Le NTS est impliqué dans les trois comportements l'éveil, la satiété et la sexualité. Les neurones du NTS projettent aussi sur le noyau parabrachial qui, lui-même, projettent vers de multiples sites du tronc cérébral, du diencéphale, du thalamus.
 
Mais surtout, ces structures projettent vers le secteur des sensations viscérales de l'insula, de l'amygdale et du cortex latéro frontal, surtout droit (Steriade, 2001; Stehberg, 2001, McHaffie, 2005). C'est par ces circuits qu'une activité homéostasique automatique sous-corticale inconsciente parvient à engendrer une représentation consciente. L'intégration autonomique, somatique et limbique permet ainsi d'extraire une perception corporelle d'où peut émerger une sensation de plaisir. Il est donc proposé que les variations d'état du tonus musculaire périphérique antigravifique, transmises par ces voies, déclenchent bâillements et pandiculations qui, par les puissantes contractions musculaires, activent les systèmes d'éveil. Le ressenti de l'activité musculo-squelettique provoque une sensation de bien-être, d'acutisation de la thymie nécessaire à la représentation du schéma corporel, lors de l'éveil par exemple, comme le proposent les théories de James-Lange des émotions ou A. Damasio avec sa theorie de "somatic marker hypothesis of consciousness."
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Echokinésie du Bâillement, théorie de l'esprit ("Theory of mind") et empathie.
 
Les humains sont des êtres sociaux. Une des fonctions primordiales de l'encéphale est de nous donner la capacité d'interagir de façon optimale avec les autres. Le succès des interactions sociales réside dans la capacité à comprendre les autres au niveau des actions motrices (intentionnalité), des perceptions émotionnelles, d'une intégration cognitive mnésique et comparative séparant le soi de l'autre (empathie, altruisme), toutes capacités que le psychologie anglo-saxonne a unifié sous le concept de "The theory of mind" (TOM). Il est connu, depuis toujours, que le bâillement est "contagieux"; l'éthologie parle de réplication comportementale et, la neurologie, depuis JM. Charcot, d'échokinésie. En quoi cette échokinésie confère aux bâillements une forme de communication sociale non verbale participant de la TOM et de l'empathie ?
 
La découverte des neurones miroirs par Rizzolatti et Gallese (1996) ouvre à une explication neurophysiologique de la TOM. La promotion des compétences exploratrices de l'environnement, les processus de prises de décisions, notamment en cas d'urgence face à un prédateur, la préparation de l'action en générale, répondent chez la plupart des vertébrés à l'activation de neurones miroirs dans les aires corticales motrices. Ils s'activent lors de la perception des mouvements et d'action de conspécifiques indiquant que la génération de l'action intentionnelle et l'imagerie mentale de celle-ci partagent les mêmes structures neuronales. Ainsi, sur un trottoir parisien, l'approche du piéton décelé par un pigeon déclenche automatiquement l'envol de la troupe dont la majorité n'a pas eu perception du danger. Résultat de réponses adaptatives sélectionnées par l'évolution, cet automatisme moteur coopératif valorise la vie en groupe en terme de sécurité face au prédateurs. L'échokinésie du bâillement ne répond pas à ce mécanisme comme l'indique son délai d'apparition et son inconstance. En effet, n'est sensible à l'échokinésie qu'un individu dans un état mental peu stimulé (transport en commun), alors qu'un travail intellectuel soutenu le rend insensible.
 
Schürmann et al.(2005) ont confirmé, par exploration en IRM fonctionnelle, l'absence d'activation des neurones miroirs de l'aire de Broca chez l'Homme (cortex frontal postéro-inférieur de l'hémisphère gauche), lors de l'échokinésie du bâillement, contrairement à l'observation gestuelle pendant laquelle, ceux-ci s'activent tant dans l'exécution que dans l'observation d'une activité motrice (décodage de l'intentionnalité). Ces éléments éthologiques et neurophysiologiques montrent que l'échokinésie du bâillement n'est pas une imitation motrice.
 
La reconnaissance visuelle de l'environnement met en jeu différents circuits neuronaux distinguant les objets inanimés des êtres vivants (Puce, 2003). La reconnaissance des visages humains répond à l'activation de neurones, spécifiquement dédiés, au niveau temporal. La région temporal inférieur (IT) (Afraz, 2006; Leopold, 2006) permet une identification immédiate d'un visage dans sa globalité, tant pour l'identité que pour l'expression, en possédant, apparemment, une mémorisation autonome, non hippocampique. Le sulcus temporal supérieur (STS) s'active, lui, spécifiquement lors de perception des mouvements des yeux, de la bouche, suggérant son implication dans la perception visuelle des émotions. Schürmann et al. (2005) ont montré l'activation du STS lors de l'échokinésie du bâillement, de façon automatique et involontaire, se transmettant vers l'amygdale gauche, le cortex cingulaire postérieur et le précuneus. Ces structures sont associées à la discrimination des émotions exprimées par la face humaine et, notamment, dans l'appréciation de la véracité du ressenti exprimé.
 
Platek et al. (2003; 2005) ont, en IRMf, trouvé une corrélation entre activation des circuits neuronaux au-delà du STS et traits de personnalités. Les sujets qualifiés d'empathiques, très sensibles à l'échokinésie du bâillement activent amygdale et cortex cingulaire, alors que les sujets qualifiés de schizoïdes, insensibles à la réplication du bâillement, n'activent pas ces structures. L'étude de la neurophysiologie de l'empathie (Carr, 2003) retrouve une similarité des zones activées (STS, insula, amygade, cortex cingulaire) à l'exception de l'absence d'activité des lobes frontaux lors de l'échokinésie du bâillement. Ainsi, il semble qu'alors que la compréhension de l'intentionnalité (neurones miroirs moteurs), le partage des émotions (neurones miroirs de l'insula, amygdale et cortex pariétal droit) nécessitent, pour être décodés, une activation neuronale commune, action - perception, simultanément à une inhibition frontale (activation orbito-frontale) inhibitrice de l'extériorisation motrice, l'échokinésie du bâillement n'a pas la capacité d'être inhibée involontairement par absence de relais frontaux. Par contre l'activation temporo-pariétale droite autorise la différenciation entre soi et l'autre, identifiant, au niveau conscient, le rôle déclencheur du bâillement de l'autre (Decety, 2006).
 
Alors que le bâillement apparaît universel chez les vertébrés, il semble que seuls les primates soient capables d'une échokinésie. Anderson (2004) a montré que des chimpanzés visionnant une vidéo de bâillements de conspécifiques, bâillaient à la suite, de façon similaire aux humains dans une situation analogue. Bien que l'existence d'une TOM chez le chimpanzé soit toujours l'objet de controverses (Povinelli, 2003), l'existence d'une échokinésie des bâillements plaide en faveur d'une théorie de différents niveaux de TOM, peut-être secondairement à des voies différentes de l'évolution des capacités cognitives des hominidés. La pathologie psychiatrique humaine dissèque, elle aussi, de façon comparable, la TOM (Blair, 2005).
 
Anderson (2003) a montré que l'enfant n'était sensible à l'échokinésie du bâillement qu'au cours de la sixième année de vie, c'est à dire après avoir acquis la capacité de réfléchir à ce que l'autre pense, à attribuer des états mentaux à autrui (Gergely, 2003). Un état de maturation cognitive d'ordre fonctionnel est donc nécessaire afin d'être sensible à l'échokinésie du bâillement.
 
En résumé, un lien phénoménologique apparaît entre la capacité à attribuer un état mental à autrui (TOM), base de l'empathie et l'échokinésie du bâillement. A côté de la hiérarchie neuro-anatomique séparant la TOM en niveaux sensorimoteurs, émotionnels et cognitifs ((Singer, 2006), l'échokinésie du bâillement autorise une dissociation de la TOM, par son ontogenèse et sa phylogenèse, en différents niveaux développementaux, sous-tendus par une activation différenciée de circuits neuronaux spécifiques. L'échokinésie du bâillement aurait conféré un avantage sélectif, en permettant une synchronisation efficace des niveaux de vigilance entre les membres d'un groupe social. Elle participerait d'une forme d'empathie instinctive involontaire, qualifiable de rudimentaire, probablement apparue tardivement au cours de l'évolution des hominidés.
 
Remerciements à BL Deputte pour ces commentaires et corrections.
 
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