- -Barbizet
J Yawning J Neurol Neurosurg Psychiat 1958;
21; 203-209
- -Barbizet J
Le bâillement Le Concours Médical
1958; 80; 5; 537-548
- -Barbizet
J Bâillement et vigilance Revue de
gérontologie juin 1959
- Vidéo
d'un bâillement typique,
référence
-
- Qui ne bâille enfant, homme ou
vieillard ?
-
- Et pourtant celui qui, curieux d'en savoir
plus que la définition donnée par
les dictionnaires : « profonde inspiration
involontaire avec la bouche largement ouverte
», feuilletera les manuels de physiologie
ou de psychologie contemporains à la
recherche d'une étude complète de
cette activité psychomotrice si courante,
le fera en vain.
-
- A mi-chemin entre le réflexe
automatique et le mouvement expressif, le
bâillement mérite sans doute mieux.
Cela a été, du moins, l'avis de
nombreux auteurs qui ont, depuis Hippocrate,
accordé leur attention à ce geste
banal.
-
- Trautmann
dans une excellente thèse sur le
bâillement soutenue à Bordeaux en
1901, nous fournit un historique
documenté et érudit où
apparaissent les opinions d'Hippocrate Galien;
Oribase; Sanctonus Fernel (1610); Kruger (1627);
Sennert (1666);
Boerhaave (1680);
Gartner (1736); Albertini (1737); Gunz (1738);
Czerniewski (1749); Buchner (1758); Roederer
(1759); Holler (1766); Walther (1775); Double
(1817) Adelon (1821); Rotmund (1824); Richerand
(1825); Müller
(1851) Monneret (1861); Longet (1868); Dechambre
et Charcot sur un des aspects ou l'ensemble du
problème du bâillement.
-
- Le XXe siècle a connu aussi de
nombreux travaux sur le bâillement. Citons
notamment ceux d'Hauptmann (1920 ; Dumpert
(1921); Mayer (1921); lnsabato
(1928); Peiper (1932); Moore
(1942); Salmon
(1948) Isolons la bonne revue critique de A. P.
Heusner (1946) et
celle de Boudouresques
(1950).
-
- Comme on le voit, il ne s'agit pas d'un
sujet neuf, mais en existe-t-il en
médecine ?
-
- Avant d'aborder l'étude physiologique
du bâillement, arrêtons-nous un
instant aux problèmes qu'il pose au point
de vue de l'étymologie et de la
physiologie comparée.
-
- Bâiller dériverait
(d'aprèsTrautmann) du latin belare =
bêler, probablement à cause du
bruit qui l'accompagne, ou du bas latin badare =
bâiller.
-
- Le bâillement s'observe couramment
chez les primates et les carnassiers,
s'accompagnant alors souvent d'étirement.
Par contre, on ne l'observe pas chez les
herbivores. Il est difficile de préciser
la signification et les liens avec le
bâillement, des mouvements d'ouverture de
la bouche observés chez les poissons, les
amphibiens et les reptiles. Il en est de
même pour les mouvements d'ouverture du
bec avec battement des ailes des oiseaux.
-
- Analyse du
bâillement
-
- Le bâillement est un mouvement
respiratoire involontaire et paroxystique. Il
s'agit d'une activité motrice complexe se
déroulant dans un ordre donné,
toujours le même, et dans lequel on peut
distinguer 3 phases : la 1ère est active,
inspiratoire ; la seconde correspond à
l'acmé du bâillement ; la
troisième est passive, expiratoire. Leur
durée respective est de 1,5 à 4" ;
1 à 2 " ; 1,5 à 4", un
bâillement durant en moyenne de 4 à
7". L'analyse des mouvements d'un sujet qui
bâille peut se faire par l'inspection
clinique, par l'examen laryngoscopique et par
l'étude des radiographies en série
prises toutes les 1/2 secondes, telle que nous
l'avons réalisé à
l'hôpital St-Antoine avec le Docteur J.
Chalut,
-
- Lors de la première
phase, on constate l'ouverture
progressive de la bouche, la dilatation du
carrefour pharyngo-laryngé, la dilation
du thorax et l'abaissement du diaphragme.
-
- -L'ouverture de la bouche se fait lentement
; elle n'est qu'à moitié ouverte
lorsque le temps pharyngolaryngé est
déjà à son acmé.
C'est alors que chez des sujets
prédisposés, peut survenir une
luxation de la mâchoire.
-
- -L'abaissement de l'axe aérien du cou
est évident par la simple inspection qui
montre l'abaissement du cartilage thyroïde.
Les radiographies l'objectivent mieux encare,
montrant que le corps de l'os hyoïde
situé au repos, en regard de C2 ou C3
descend jusqu'au niveau de C6 ou C7. Cet
abaissement de l'os hyoïde explique
l'atitude de la langue qui est attirée en
arrière et en bas, la pointe
s'éloignant beaucoup des arcades
dentaires qu'elle touche normalement. La
dilatation de la glotte et l'abduction des
cordes vocales peuvent être
constatées lors d'un examen
laryngoscopique suffisamment patient pour saisir
un bâillement spontané. Les
radiographies en série nous ont
montré qu'il existait une dilatation
énorme et insoupçonnée du
pharynx qui triple ou quadruple de volume. Le
pharynx, le larynx, la trachée et aussi
les bronches-souche apparaissent sur les
clichés dilatés à
l'extrême.
-
- -L'élargissement de la cage
thoracique dans tous ses axes et l'abaissement
du diaphragme ne diffèrent en rien de ce
qu'on observe lors d'une inspiration profonde
volontaire.
-
- L'importance et les caractères de la
dilatation pharyngo-Jaryngée nous
paraissent devoir être soulignés.
Alors que l'ouverture de la bouche et
l'inspiration profonde se produisent dans bien
des circonstances en dehors du bâillement,
l'énorme dilatation pharyngée avec
abaissement de l'os hyoïde et de la langue
ne s'observe que dans le bâillement.
-
- Il est à noter que le bruit
inspiratoire du bâillement se produit dans
le palais et l'isthme du gosier. Il ne s'agit
pas d'un bruit glottique, la glotte étant
dilatée au maximum à cette
phase.
-
- La deuxième phase du
bâillement correspond à
l'acmé des mouvements d'ouverture de la
bouche, de la dilatation pharyngée et
thoracique. C'est alors qu'apparaissent le plus
nettement les modifications faciales qui ont
débuté à la fin de la
première phase.
-
- La contraction des dilatateurs des
lèvres exagère l'ouverture de la
bouche. Les constricteurs des paupières
entrainent une occlusion partielle ou totale des
yeux. Les narines sont dilatées. La peau
de la base du nez se fronce. Parfois, le front
se plisse et les sourcils
s'élèvent. A cette phase on peut
aussi constater un certain degré de
contraction tonique des muscles extenseurs du
cou et du tronc. Elle peut s'étendre
aussi aux membres, les bras se portant en
élévation et en abduction, les
membres inférieurs en hyperextension. Cet
étirement qui est loin d'être
constant a pour résultat d'augmenter la
capacité thoracique, ce qu'il est
aisé de vérifier en
s'étirant après avoir
bloqué son thorax en inspiration
maximale.
-
- Des phénomènes
sécrétoires peuvent aussi survenir
alors lacrymation, et plus rarement
salivation.
-
- La troisième phase est
passive, brusquement l'inspiration cède,
l'expiration est assez lente, bruyante,
accompagnée d'un son vocal en
«aahn» d'origine laryngée. Le
pharynx reprend son volume normal, la bouche se
ferme, le faciès retrouve son aspect
habituel.
-
- Cet ensemble de mouvements complexes et
synergiques peut résumer tout le
bâillement. Mais celui-ci peut
s'accompagner d'autres mouvements qui l'accusent
ou le minimisent. C'est ainsi que l'on peut
exagérer un bâillement et en
quelque sorte le souligner en s'étirant,
en modulant le son expiratoire ou en
exécutant des mouvements rythmiques de
latéralité avec la mandibule. A
l'inverse, on peut tenter de masquer le
bâillement dans certaines circonstances
où il est socialement
réprouvé. Le sujet porte la main
à son visage, masquant de sa paume
l'ouverture de la bouche. Il peut aussi
réprimer le bâillement,
c'est-àdire en arrêter dans une
certaine mesure l'expression motrice en
immobilisant son faciès, en s'opposant
à l'ouverture de la bouche et en
contrôlant son mouvement expiratoire. Mais
malgré sa bonne volonté, le
bâilleur est trahi par sa mimique et le
bâillement
«étouffé»
n'échappe pas à l'observateur
attentif. On peut remarquer que dans ce cas le
bâillement peut être réduit
à sa composante pharyngée
soulignant encore l'importance de ce temps dans
le complexe moteur du bâillement.
-
- Un certain nombre d'explorations
physiologiques ont pu être faîtes au
cours du bâillement. Elles apportent une
maigre récolte de faits
accélération minime du rythme
cardiaque à la phase inspiratoire, baisse
nette de l'indice oscillométrique
capillaire au niveau des doigts,
phénomène banal puisqu'on
l'observe également lors de l'inspiration
profonde (P. Heusner). L'EEG. pratiqué bu
cours du bâillement est
interprétable du fait des
mécanogrammes et des myogrammes.
-
- Au point de vue évolutif, il est
remarquable qu'un bâillement est rarement
isolé. Le plus souvent ils surviennent
par courts accès de 2 ou 3,
d'intensité inégale et souvent
croissante, séparés, chacun, par
quelques respirations normales. Parfois les
bâillements vont se répéter,
à intervalles irréguliers, pendant
plusieurs minutes.
-
-
- Bâillement et
étirement
-
- Il s'agit de deux activités
très souvent mais non toujours
associées, l'étirement se greffant
à la 2e phase du bâillement. Chez
le nourrisson et chez l'animal, ces deux actions
s'observent fréquemment ensemble. Chez
l'homme, l'étirement accompagne plus
volontiers les bâillements du
réveil que ceux de l'endormissement, et
l'association de ces deux activités est
loin d'être constante, et le
bâillernent, même en dehors des cas
où les circonstances sociales ne
permettent pas de le souligner par un
étirement, est le plus squvent
isolé. De même, l'étirement
qui se produit après une longue pause
dans la même attitude ne s'accompagne pas
forcément de bâillement. Ces faits
permettent de ne pas accorder tout à fait
la même valeur physiologique à ces
deux actes, notamment, on le verra plus loin, en
ce qui concerne leur valeur fonctionnelle.
-
-
- Les causes declenchantes du
bâillement
-
-
- Elles sont nombreuses, on peut les classer
sous trois chefs.
-
- Causes physiologiques
-
- A. - La somnolence. Elle doit occuper la
premiere place. Les hommes, les animaux
bâillent à l'approche du sommeil.
Il en est de même pour la période
du réveil qui est marquée chez
certains individus par des bâillements et
des étirements
répétés.
-
- B. - L'ennui est une cause fréquente.
Il peut naître de circonstances diverses.
Une conversation fastidieuse, un
conférence monotone, une lecture peu
captivante font bâiller. L'ennui est
intimement lié au
désintérêt dont le
rôle est primordial dans la
génèse du bâillement. Nous y
reviendrons plus loin.
-
- C. - Le fait de voir bâiller. «
Interdum tamen sola imaginatio ositationis causa
est. Cum enim qui videt alium oscitare, ipse
quoque ad oscitandum invitatur », notait
Sennert en 1666. Un bon bâilleur en fait
bâiller sept, dit le dicton
populaire.
-
- La contagion du bâillement est facile
à vérifier en bâillant dans
un groupe averti ou non de votre intention. De
nombreuses explications ont été
proposées. Richerand, puis Lepelletier
soutiennent que c'est la mémoire du
soulagement que procure le bâillement qui
nous porte involontairement à
répéter cet acte toutes les fois
qu'une autre personne l'exécute devant
nous. Pour Adelon, le bâillement par
imitation tient aux connexions qui unissent les
différentes parties nerveuses, et
à une prédisposition
particulière qu'ont les nerfs des muscles
inspirateurs à réagir à des
impressions reçues par certains points de
l'organisme. Müller aussi, développe
une théorie associationiste, insistant
sur le fait que l'enchaînement des
idées et des actions peut devenir aussi
intime que celui des idées entre
elles.
-
- La contagion du bâillement n'est qu'un
exemple des multiples actes que l'on fait par
imitation, assez souvent inconsciemment :
répéter un air fredonné ou
sifflé ; baisser ou hausser
l'intensité de la voix en accord avec
celle de l'interlocuteur ; sourire à un
sourire ; répondre à une grimace
par une grimace. De même, des actes
expressifs comme le rire ou le pleurer sont dans
certaines circonstances contagieux. Il y a dans
ces mécanismes associatifs encore bien
des inconnues. Cependant, cette
possibilité d'associer deux stimulations,
deux comportements, deux idées, est
à la base même de nos
mécanismes d'apprentissage, et le
bâillement - par imitation ne constitue
qu'un cas particulier dons un ensemble de gestes
imitatifs. En tous cas, qu'un bâillement
puisse être provoqué par la vue
d'un bâillement chez autrui apporte la
preuve dans dette variété de
bâillements, de l'intervention du cortex
cérébral, notamment occipital,
dans le circuit neuronal de l'acte de
bâiller.
-
- D. - Le fait de bâiller. Il est
possible de parvenir à se faire
bâiller. Pour cela, 4 à 5
inspirations profondes, la bouche grande
ouverte, imitant le bâillement
spontané suffisent souvent. Une fois le
bâillement spontané survenu, il
sera rarement unique, et dans le quart d'heure
suivant de nouveaux bâillements
isolés ou en accès vont se
reproduire.
-
- Le passage d'un acte volontaire à un
acte paroxystique involontaire est difficile
à interpréter sur des bases
purement associationistes, et l'on peut se
demander dans quelle mesure le fait de
bâiller volontairement n'a pas, par un
mécanisme qu'il reste à
préciser, modifié
['excitabilité des neurones,
préparant ainsi la décharge
paroxystique et involontaire. Ce
mécanisme interviendrait dans la
répétition des bâillements
quelle que soit leur cause initiale,
-
-
- E. - La faim et, au contraire, la
plénitude survenant après un repas
copieux, sont couramment tenues pour
responsables de bâillements isolés
dans le premier cas, associés à
une somnolence dans le deuxième. Chez
certains sujets pléthoriques ces
bâillements post-prandiaux peuvent
constituer une gêne qui les pousse
à consulter.
-
- F. - Le bâillement enfin survient avec
une particulière fréquence dans
certains états la fatigue physique, la
grossesse.
-
- Causes pathologiques
-
- L'atteinte du tronc cérébral
s'accompagne fréquemment de
bâillements, qu'il s'agisse d'une
lésion à l'intérieur du
tronc cérébral (hémorragie,
ramollissement, tumeur), et à ce propos
rappelons que la somnolence est un signe
d'atteinte pédonculaire (J. Lhermitte),
ou d'un retentissement sur l'axe nerveux d'une
tumeur de la fosse postérieure.
-
- Si les bâillements sont
fréquents et intenses au cours des
tumeurs frontales (Delmas-Marsalet), temporales
et au cours des hémorragies
intrahémisphériques, c'est encore
sans doute par l'intermédiaire du tronc
cérébral comprimé du fait
de l'hypertension intracrânienne et d'un
engagement temporal. A ce titre donc, le
bâillement, dans tous ces cas, a la valeur
d'un signe d'atteinte bulbaire. Il est de
mauvais pronostic.
-
- Au cours de processus encéphalitique
diffus le bâillement n'est pas rare. Des
crises fréquentes de bâillement ont
été observées au cours des
encéphalopathies éthyliques de la
paralysie générale (Vergely).
-
- Le bâillement est une des nombreuses
séquelles respiratoires observées
au cours de l'encéphalite
léthargique à côté
des soupirs et des hoquets spasmodiques. Sicard
et Paraf, Critchley et Turner ont ainsi
rapporté des observations de
bâillement et de bêlement (Gaping)
spasmodiques. Rapprochons-en les
bâillements des choréiques.
-
- Le bâillement peut s'observer aussi
dans certaines variétés
d'épilepsie.
-
- Pour Wilson, il constituerait une aura des
crises viscérales.
-
- Penfield et Jasper rapportent deux
observations de bâillement,
élément d'une crise
diencéphalique autonome.
Particulièrement instructive est leur
observation d'une femme de 29 ans ayant un
astrocytome occupant le lobe temporal gauche et
la partie inférieure du corps
strié jusqu'à la paroi du IIIe
ventricule, dont les crises débutaient
brusquement par une douleur occipitale
s'accompagnant de bâillements et de hoquet
; en même temps s'engourdissaient le bras
gauche et la partie gauche de la bouche. La
crise se terminait par un besoin d'uriner.
-
- Des lésions spinales hautes peuvent
aussi déclencher des bâillements,
comme chez ce malade de D. Furtado, atteint
d'une poliomyélite bulbo-spinale qui
bâillait à chaque abduction passive
de l'une ou l'autre épaule.
-
- Le bâillement a été
décrit avec abondance dans les
manifestations de l'hystérie. (Charcot,
Déjerine, Trautmann).
-
- Salmon attire l'attention sur la
possibilité de crises de bâillement
dans la myasthénie et cite è
l'appui un cas personnel et un cas d'Albertoni.
Il note l'action de la prostigmine qui
arrête les bâillements.
-
- Le bâillement serait encore un signe
observé au cours des anémies, des
hémorragies, des pyrexies. C'est
également un symptôme courant au
cours des affections digestives, au cours
desquels il est noté sans que les auteurs
aient beaucoup cherché à en
préciser le mécanisme.
-
- La morphine, les barbituriques, et d'une
façon générale les
hypnotiques favorisent l'apparition du
bâillement. L'action de ces drogues sur
les centres de la vigilance est d'un
intérêt certain dans
l'interprétation du mécanisme du
bâillement.
-
-
- Bâillement et
stimulations
cérébrales
-
- De ces causes naturelles de
bâillement, on peut rapprocher le
bâillement induit expérimentalement
par des stimulations
intracérébrales. Nous ne
connaissons pas d'étude de stimulation
intracérébrale concernant
directement le bâillement. Par contre, des
bâillements ont pu être
observés et notés dans certains
protocoles; c'est ainsi que W.-R. Hess (1938),
stimulant la substance intralaminaire du
thalamus et le subthalamus postérieure a
pu provoquer chez le chat le sommeil
précédé de
bâillements.
-
- Les expériences de Passouant,
Passouant-Fontaine et Cadilhac (1956) sur la
stimulation du rhinencéphale et en
particulier de la corne d'Ammon mentionnent
aussi le bâillement. La crise induite se
fait en 3 temps pendant la stimulation
réaction de fuite ; pendant la
post-discharge, état de malaise avec
diminution de la vigilance. Puis survient la
troisième phase: l'animal se lève,
se lèche, ronronne. Ce comportement de
bien-être se prolonge pendant plusieurs
minutes, et parfois il se couche,
s'étire, bâille et s'endort. Le
sommeil peut se produire 3 à 5 minutes
après la fin de la post-discharge.
L'enregistrement de l'hippocampe montre qu'il
est précédé de pointes
brèves et survoltées.
-
- Il est bien évident que dans ce cas,
le bâillement n'est qu'une manifestation
tardive et indirecte de la stimulation.
Néanmoins, il faut retenir qu'il
s'intègre dans un comportement de
bien-être et d'endormissement qui,
s'oppose à la réaction de fuite
contemporaine de la stimulation. Le fait que le
bâillement puisse s'observer !ors des
stimulations portant sur le rhinencéphale
ou l'hypothalamus - formation en rapport
étroit avec le système
réticulé ascendant dont on
connaît le rôle dans le
mécanisme de la vigilance est à
souligner.
-
- Physiologie du
bâillement
-
- A. - Les théories
classiques
-
- Si les aspects cliniques et les causes
déclenchantes du bâillement sont
bien connus, son mécanisme physiologique
est mal élucidé ainsi que sa
signification. Ce ne sont cependant pas les
interprétations qui manquent.
-
- Le rôle cathartique du
bâillement expulsant les vapeurs qui ont
été retenues est
déjà exprimé par
Hippocrate. Russel, en 1891, dans une
monographie consacrée au bâillement
montre que cette idée n'avait rien perdu
de sa force ou XIXème siècle, le
bâillement étant
présenté comme une impulsion
automatique chargée d'expulser le mauvais
air du poumon. Russel ajoute que cette
gymnastique a pour double fonction d'activer les
organes respiratoires et de stimuler le cerveau
en augmentant la circulation.
-
- A côté de ces
interprétat'ans fantaisistes, un certain
nombre de théories ont été
avancées qui peuvent être
classées en deux groupes selon que le
bâillement est considéré
comme une réaction ou comme une
perturbation primitive.
-
- Dans le premier groupe, le bâillement
est considéré comme un
mécanisme régulateur, au
même titre, par exemple, que le frisson
est tenu comme une réaction motrice
s'opposant au refroidissement de l'organisme.
Cependant l'accord ne semble pas être fait
sur la nature et les mécanismes de cette
régulation.
-
- Hauptmann, en 1920, suggère que le
bâillement et l'étirement
s'opposent à l'hypotonie musculaire qui,
avec l'ennui, est la conséquence de
l'inactivité des centres
cérébraux supérieurs.
-
- Salmon (1948), soutient aussi que le
bâillement est une réaction
automatique des muscles respratoires
provoquée par l'hypotonie des nerfs
respiratoires bulbaires et l'hypotonie qui
accompagne le sommeil.
-
- Mais c'est Dumpert (1921) qui a
poussé le plus loin l'hypothèse du
bâillement réactionnel. Pour lui,
le bâillement surviendrait quand la
circulation cérébrale ne serait
plus suffisante pour maintenir l'état de
veille ou de vigilance. Le bâillement et
l'étirement augmenterait le retour
veineux au coeur, ceci : en comprimant les
veines du tronc et des membres ainsi que les
veines splanchniques ; en diminuant la pression
intrathoracique. L'hypertension veineuse qui en
résulterait entraînerait un
accroissement du débit cardiaque
(réflexe de Bainbridge) et par
conséquent améliorerait des
tissus. La circulation cérébrale
surtout bénéficierait de cet
accroissement circulatoire, les
afférences sensitives
émanées des muscles
étirés poduisant, toujours pour
Dumpert, une vaso-constriction
systématique et une vasodilatation des
artères cérébrales. Ainsi,
l'étirement, et à un moindre
degré le bâillement, produiraient
en définitive une augmentation de la
circulation sanguine suffisante pour le maintien
de l'état de veille.
-
- Citons encore, parmi les rôles
réactionnels du bâillement, cette
hypothèse rapporté par Heusner,
d'une sécrétion de thyroxine
commandée mécaniquement par
compression de la glande thyroïde lors du
bâillement.
-
- A côté de ces théories
résolument finalistes, certains auteurs
négligeant les conséquences
physiologiques du bâillement, le
considèrent comme un accident lié
pour Mayer à une expression de la fatigue
cérébrale comme le pleurer et le
rire sont l'expression du chagrin et de la
joie.
-
- Pour Peiper, le bâillement est un
trouble transitoire des centres respiratoires,
la fatigue produisant une diminution de
l'excitabilité des centres respiratoires
supérieurs libérant ainsi les
centres sous-jacents du bâillement.
-
- Ces théories, sans être
totalement contradictoires, font cependant appel
à des précisions physiologiques
invérifiées, comme par exemple
l'augmentation de la pression veineuse pendant
le bâillement, ou la diminution du
débit cérébral sanguin lors
de la chute de la vigilance. Elles laissent, par
contre, dans l'ombre certains aspects du
réflexe psycho-moteur qu'est le
bâillement.
-
- Peut-on tenter à la lueur de nos
connaissances psycho-physiologiques actuelles,
de préciser les divers aspects du
mécanisme du bâillement, en
soulignant les lacunes qui devront
suggérer des expérimentations
ultérieures ?
-
- B. - Essai sur le
mécanisme du
bâillement
-
- 1°) Le bâillement est un acte
respiratoire complexe, involontaire et
paroxystique. Sous l'effet d'un certain nombre
de facteurs, se déroule, toujours dans le
même ordre, une activité motrice
brève (4 à 7 secondes), mettant en
jeu un grand nombre de muscles
thoraco-cervico-faciaux. Ceci évoque une
activité critique se propageant de proche
en proche dans un circuit neuronal donné.
Connaissant les muscles qui participent au
bâillement, il est possible de
préciser que les noyaux moteurs
intéressés siègent dans le
bulbe et la moelle cervicale.
-
- On peut donc penser que la crise motrice que
représente le bâillement, est
liée à une décharge
paroxystique intéressant un certain
nombre de noyaux moteurs situés dans le
bulbe et la moelle cervicale haute. L'extension
de cette décharge aux noyaux des muscles
du tronc et des membres entraInant
l'étirement.
-
- Il est difficile de préciser
davantage notamment s'il existe une
hiérarchie dans cette structure neuronale
qui permettrait de parler de « centre du
bâillement ».
-
- Par contre, il y a tout lieu de supposer que
cette structure contracte des rapports
étroits avec le système
réticulé ascendant et avec le
cortex cérébral.
-
- a) Le système réticulé
ascendant est une structure neuronale
étagée dans le tronc
cérébral et l'hypothalamus.
L'électrophysiologie a permis de montrer
quelle règle le degré de la
vigilance (découverte que l'on doit entre
autres à Magoun, Moruzzi, Jasper).
L'état d'alerte s'affaisse dans le
sommeil et les états pathologiques
apparentés somnolence, torpeur ne
disparaissant complètement que dans le
coma profond. Il s'exalte au contraire à
des degrés variables suivant
l'intensité des stimulations et sans
doute l'étendue des mécanismes
nerveux mis en action. Il n'est pas
nécessaire de souligner les liens entre
le bâillement et le sommeil, et nous
verrons le rôle important que l'on, peut
attribuer à ce système
régulateur de la vigilance dans la
genèse du bâillement.
-
- b) La participation du cortex cerebral
parait incontestable lorsque le bâillement
est le résultat d'activité
psychiques aussi complexes que l'imitation ou
l'ennui. Il n'est pas sans intérêt
à ce propos de rappeler les travaux de
French et coll. (1955) qui ont prouvé que
les afférences parties du cortex
retentissaient sur le système
réticulé ascendant.
-
- 2°) Si l'on s'en tient à cette
hypothèse qu'il conviendrait de
vérifier notamment par l'enregistrement
de l'activité neuronale des noyaux
moteurs mis en jeu dans le bâillement par
des électrodes intra-bulbaires (l'E.G.G.
simple ne pouvant donner aucun renseignement),
il faut répondre à la question
suivante
-
- Quels sont les facteurs responsables de
cette décharge paroxystique dans cette
structure motrice bulbo-médullaire ?
-
- a) Les facteurs circulatoires et
humoraux
-
- ils doivent être discutés en
premier car ce sont eux qui ont
été le plus souvent
avancés, cependant sans données
expérimentales précises.
-
- On a invoqué le rôle
possible d'une anoxie bulbaire ou de
modifications passagères du rapport
CO2/02. Ce mécanisme très
vraisemblable dans les lésions du tronc
cérébral est moins évident
lors du bâillement physiologique. Nous
manquons de données précises
à ce sujet, mais l'on peut observer que
l'apnée volontaire, même
prolongée, n'entraîne pas de
bâillements.
-
- Une variation de la circulation
cérébrale bulbaire qui aboutirait
aussi à une anoxie partielle n'est pas
plus démontrée, bien au contraire,
on connaît le rôle du nerf de
Héring et du sinus carotidien dans la
régulation de la circulation
encéphalique et la constance de celle-ci.
D'autre part, on n'observe pas de
bâillement lorsque la circulation
cérébrale est insuffisante comme
dans les accès paroxystiques de
bradycardie au cours du syndrome de
Stokes-Adam.
-
- Le rôle de modifications
humorales est aussi avancé par certains.
Le bâillement et la somnolence
post-prandiale étant mis sur le compte
dune vague d'alcalose ou dune décharge de
polypeptides ou de lipides, d'origine digestive
ou encore de métabolites
intermédiaires lors de la fatigue
musculaire. Cramer (1924) notant la
fréquence des bâillements chez les
colitiques, rendait responsable une
auto-intoxication par les toxines
bactériennes intestinales. En fait, pas
plus que l'on a réussi à
démontrer l'existence d'un facteur
hypnotique d'origine endogène, on n'a pu
faire la preuve d'une substance endogène
provoquant le bâillement.
-
- La pharmacodynamie nous fournit par
contre des drogues qui facilitent l'apparition
du bâillement et de la somnolence, telles
que la morphine et les hypnotiques. On
connaît par ailleurs l'action de ces
substances sur le système
réticulé ascendant qu'elles
dépriment alors que des drogues telles
que la caféine et les amphétamines
ont un effet inverse.
-
- Ainsi, si le bâillement peut
être induit pharmacodynamiquement, on n'a
pas de preuve formelle sur le rôle des
perturbations circulatoires ou humorales dans la
genèse du bâillement. On doit
souligner que si de telles perturbations
existaient cependant, ce qui demeure possible et
qui doit fournir l'objet de recherches
ultérieures, elles ne pourraient avoir
qu'un rôle favorisant, leur durée
excédant nettement celle du
bâillement qui, par ailleurs peut, par
exemple dans le post-prondium, apparaître
ou non selon les conditions psychologiques
où se trouve le sujet.
-
- b) Rôle des stimulations
psycho-sensorielles
-
- En dehors du bâillement par imitation,
dont nous avons discuté plus haut le
mécanisme sur lequel nous ne reviendrons
pas, le bâillement spontané est
aussi fortement influencé par
l'environnement, il en est de même pour le
sommeil et l'on connaît le rôle du
désintérêt dans la
genèse de ces deux
phénomènes.
-
- Nous avons déjà insisté
sur le rôle de l'ennui et du
désintérêt comme causes
provoquantes du bâillement. A l'inverse,
on ne bâille pas et, si l'on somnolait, on
se réveille quand survient brutalement un
fait nuveau, stimulation physique ou choc
affectif qui relance l'attention. A-t-on jamais
vu quelqu'un bâiller au moment où
il apprend le résultats d'un examen
important ou la nouvelle d'un accident grave
survenu à un proche ? Le bâillement
ne survient que dans des conditions
psychologiques d'indifférence, de
désafférence avec
l'entourage.
-
- Connaissant le rôle du système
réticulé ascendant dans le
mécanisme de la vigilance, nous formulons
l'hypothèse suivante : Le
bâillement est une décharge dans
une structure motrice
bulbo-cérébrale,
déclenchée par un état
d'excitabilité particulière du
système réticulé ascendant
correspondant à une baisse de la
vigilance précédant l'état
de sommeil.
-
- Cette hypothèse qui s'accorde avec
les constatations neurophysiologiques et
pharmacodynomiques explique que le
bâillement puisse s'observer lors de
l'endormissement comme lors du réveil.
Dans notre conception, le bâillement
apparaît comme une manifestation physique
d'une baisse de la vigilance. L'on peut
rapprocher cette crise motrice paroxystique de
l'hypotonie musculaire observée pendant
le sommeil. Il exprime un état et ne
constitue pas un mode réactionnel contre
cet état. Il n'aurait donc pas de
rôle physiologique. Le bâillement,
on le sait, en effet, entraîne le
bâillement, et non pas un regain
d'intérêt. Nous pensons qu'il faut,
à cet égard, séparer le
bâillement de l'étirement, celuici
ayant peut-être une action de «mise
en train» quil faudrait
préciser.
-
- Sans utilité physiologique, le
bâillement a néanmoins une
signification ; il traduit un état de
désintérêt. Or, cette
conception psycho-physiologique appelle certains
développements sur la
phénomènologie et la valeur
sociale du bâillement.
-
- Dans la mesure, en effet, où il
reflète le désintérêt
et l'ennui, le bâillement a un valeur
mimique expressive. L'intérêt, et
partant le désintérêt que
nous avons pour l'environnement,
dépendent certes des conditions
immédiates de cet environnement.
L'intérêt d'un sujet sera
très diversement éveillé
suivant qu'il sera dans le calme,
l'obscurité, le silence ou qu'au
contraire il subira des stimulations sensitives
ou psychiques vivaces. Cependant, son
intérêt va dépendre aussi,
et pour une part non négligeable, de sa
personnalité et de ses acquisitions
antérieures, quelques exemples
illustreront cette thèse : un
collectionneur portera un intérêt
tout particulier à des spécimens
qui lasseront vite le profane. Il en est de
même d'une conversation sur un sujet
spécialisé peu connu ou à
propos d'un tiers que l'on ne connaît pas.
L'intérêt est conditionné
par notre formation familiale, scolaire,
professionnelle, sociale, linguistique (le fait
de ne pas comprendre une conversation
étrangère amène à
s'en désintéresser), affective,
etc.
-
- L'on peut prévoir dans une certaine
mesure ce qui plaira ou ennuira tel sujet, ses
gots représentant
précisément la gamme de ses
intérêts.
-
- Ces liens intimes entre
l'intérêt et la personnalité
expliquent la valeur expressive du
bâillement, marquant le détachement
et l'ennui. Le bâillement est à
l'ennui ce que l'expression motrice du rire et
du pleurer est à la joie et au chagrin.
L'on peut du reste moduler la valeur expressive
du bâillement. En le réprimant, ne
traduit-on pas notre désir, souvent
à moitié conscient, de cacher
notre ennui ? En exagérant dans certaines
circonstances, en le rendant
particulièrement bruyant ou
prolongé, ne lui confère-t-on pas
également une valeur
démonstratrice et ne traduit-il pas sous
cette forme non équivoque, notre refus
voire de notre agressivité envers la
situation qui a cessé de nous attirer ou
un interlocuteur qui nous lasse ?
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- Le fait qu'il soit séant de mettre la
main devant sa bouche quand on bâille,
c'est-à-dire de dissimuler le
bâillement, appris dès l'enfance et
qui devient automatique, au point de
s'intégrer dans le complexe moteur du
bâillement, apparaît ainsi comme une
reconnaissance implicite de la signification
sociale de cette mimique exprimant l'ennui, le
refus, et qu'il convient de masquer.
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