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Voir l'introduction de cette thèse
CHAPITRE III
 Rapports du bâillement avec certains états pathologiques
 

 

avec l'hystérie
avec l'épilepsie
avec les accouchements
 bibliographie de la thèse
Avec la fièvre intermittente
Avec la syphilis cérébrale
 
 
Nouvelle iconographie de La Salpêtière 1890
L'atelier photographique de La Salpêtrière 1888
 
 
Bâillements chez un épileptique Charles Féré(1852 -1907) Nouvelle iconographie de La Salpêtrière 1888(vol 1, n°4, p163-169)
 
Illustrations de la thèse de Wolter Seuntjens
 
Biographie d'André Trautmann
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mise à jour du 22 juin 2002
 
 
Nous n'avons pas, comme les anciens auteurs, la prétention en abordant ce chapitre, d'ériger le bâillement en symptome de premier ordre. Il nous parait cependant que l'on a trop négligé, son étude de nos jours. Elle peut, dans certains cas, fournir des renseignements précieux pour le diagnostic, et permet en quelques circonstances même d'établir un pronostic assuré.
Nous passerons rapidement en revue les différentes maladies où ce signe se rencontre le plus fréquemment, et nous nous permettrons d'insister quelque peu sur certains points intéressant où des observations récentes ont jeté un jour nouveau.
Cette question des rapports du bâillement avec les fièvres intermittentes est aussi vieille que l'histoire de la médecine. On lit, au livre VI d'Hippocrate (De Flatibus): «Les bâillements précèdent les flèvres intermittentes; lorsque beaucoup d'air accumulé sortant par le haut à la fois, ouvre de force la bouche, comme ferait un levier». Boerhave y consacre quelques lignes: «In primo stadio paroxysmi febris intermittentis fit oscitatio». A leur suite, de nombreux auteurs les mentionnent: Richerand. Rothmund, Dechambre, etc. Ceux qui ont traité les questions de paludisme ne les oublient «Tout le monde sait que les accès de fièvre intermittente débutent très souvent par des bâillements et des pandiculations. (Duboué. -Del'impaludisme.) Pendant l'année que nous avons passée à l'hôpital SaintMandrier avec notre ancien maitre, Mr le Prof. Gailliot dans le service des rapatriés de Madagascar, il nous a été donné d'observer de nombreux cas de bâillements, en relation avec la fièvre intermittente. Plus récemment, à l'hôpital Saint-André, nous avons relevé deux observations typiques; ce sont celles d'individus ayant séjournê plus ou moins longtemps aux colonies, et présentant en France des accès de fièvre à l'époque des grands froids.
Observation I (Personnelle).
J.-B. B.... cinquante ans. A fait, en 1890, un séjour de trois mois au Sénégal: nouveau séjour de trois mois en 1893 et en 1896. Pas de fièvre jusqu'à son retour en France. Depuis six ans, tous les hivers, pendant les journées les plus froides, Il a un accès durant une heure et demie et ne laissant pas de traces. Quelques minutes avant la fiévre, il est pris d'une sensation de froid autour de la ceinture et immédiatement se produisent de larges bâillements avec pandiculations. Ces bâillements se continuent pendant toute la durée de l'accès et reviennent à peu près régulièrement toutes les dix minutes. Le malade prétend qu'il ne bâille jamais en dehors des heures de fièvre.
Observation II (Personnelle).
G. M..., quarante et un ans. A été au Sénégal puis au Tonkin. Dans cette dernière colonie, pendant trois mois, fièvre intermittente avee accès réguliers tous les deux jours. La durée des accès était de quatre heures environ: ils étaient annoncés par des bâillements d'abord, puis, des bâillements avec pandiculations, et le tremblement survenait. Pendant toute la durée, les bâillements se reproduisaient toutes les cinq minutes.
Un de nos camarades et amis, étudiant en médecine, originaire de la Guadeloupe, a bien voulu nous communiquer sa propre observatio; nous la reproduisons ici
Observation III
A. L..., vingt et un ans. Dès son plus jeune âge a présenté à la Guadeloupe, deux ou trois accès de fièvre intermittente par an. A eu une bilieuse hémoglobinurique. En France, trois semaines de fièvre quotidienne en 1899. Depuis, accès irréguliers survenant tous les quatre ou cinq mois, surtout l'hiver. A chaque accès, avant le frisson, sensation de fatigue, céphalalgie, puis série de cinq ou six bâillements avec pandiculations. Pas de bâillements pendant la durée de l'accès. Il résulte de ces observations que les bâillements sont presque toujours le signe prodromique de l'accès de fîèvre intermittente, concurremment avec une sensation de lassitude générale, de froid, et quelquefois la céphalalgie. Dans certains cas, ils apparaissent seuls, et nous nous rappelons tel malade de Saint Mandrier qui s'empressait, lorsque survenaient les premiers bâillements, de demander une couverture supplémentaire à l'infirmier. Enfin, il n'est pas rare de les voir durer aussi longtemps que l'accès.
Avec la syphilis cérébrale
Il n'a jamais été fait mention, que nous sachions, des rapports, que peut affecter le bâillement avec la syphilis cérébrale; les deux observations suivantes que M. le Prof. Vergely a bien voulu nous communiquer, montrent que dans certains cas les bâillements sont si apparents, si fréquents que ce symptôme ne peut passer inaperçu.
Observation I (Due à l'obligeance de Mr le Prof. Vergely)
M. X ....Robuste constitution. A eu la syphilis en 1867 et n'a jamais suivi qu'un traitement incomplet. En 1878, il éprouva quelques douleurs fulgurantes, plus tard des douleurs articulaires, enfin des troubles de la miction, de la défécation et une paralysie du droit externe de l'œil. A l'examen du malade, on constate en outre des points analgésiques et des points hyperesthésiques disséminés, l'abolition du réflexe tendineux rotulien, troubles divers qui ne laissent aucun doute sur une sclérose des cordons postérieurs. Au mois d'avril 1901, apparition de quelques troubles cérébraux caractérisés par de la somnolence, une légère perte de mémoire, une paralysie du droit externe de l'œil gauche. Tout faisait espérer que ces accidents étaient passagers, quand M. X ... fut trouvé un matin dans son lit plongé dans une sorte de coma. Autour de lui on trouvait des reliquats de vomissements qui avaient accompagné l'état apoplectique dans lequel était le malade. Plusieurs jours se passèrent dans une espèce de demi-stupeur: sommeil presque constant, pouls 60 pulsations. M. X... urinait sous lui, mais était constipé. Strabisme convergent de l'oeil gauche et léger prolapsus de la paupière. Le malade se tenait difficilement debout et se laissait choir du côté droit. Il reprit peu à peu ses sens, reconnaissant les personnes qui l'entouraient, fut maitre de la miction et de la défécation, put marcher sans l'aide d'un soutien, mais était nettement atteint d'amnésie et paraissait indifférent à ce qu'il voyait. Le diagnostic porté fut celui de thrombose des branches frontales de la cérébrale antérieure. Après les quinze premiers jours de l'accident cérébral, alors que le malade se soutenait difficilement, marchait péniblement sans néanmoins trainer la jambe, éclatèrent des accès de bâillements; ils duraient des journées entières, accompagnés de bruits vocaux inarticulés, le plus souvent sans pandiculations. Cet état a duré pendant les mois de juin, juillet et août. Au mois de septembre, une notable amélioration survient la marche est plus ferme; le malade n'a plus aucun signe de parésie l'amnésie est moindre, il se rappelle une foule de faits, devient gai, loquace, marche une partie de la journée. Dès ce moment, les bâilements deviennent plus rares. Avant ces accidents M. X... ne bâillait que très exceptionnellement.
Observation II (Due à l'obligeance de M. le Prof. Vergely)
M.T...a eu la syphilis en 1869. Un médecin lui ayant dit que l'affection était légère, il ne se soigna pas et eut successivement des troubles gastriques et une orchite syphilitique. En 1874, il fait une chute en descendant de voiture et éprouve une légère parésie dans le bras droit et la jambe gauche. Quelques jours plus tard, il tombe dans un état semi comateux qui se prolonge plusieurs jours. Après un traitement antisyphilitique rigoureux: frictions mercurielles alternées avec de l'iodure de potassium à haute dose (8 à 10 grammes par jour), cette situation s'amende, et enfin les lésions méningo-encéphaliques paraissent définitives, le malade restant avec une légère parésie de la jambe gauche qui lui fait user l'extremité de sa chaussure en dedans et à gauche. Il a une hémiatrophie à gauche de la langue qui rend la parole bredouillante, un spasme de la paupière gauche qui l'oblige à fermer l'œil gauche et à cligner de la paupière droite presque constamment. D'ailleurs, aucune déviation de la face, qui, au début, présentait un peu de parésie à droite. Depuis cette époque, M. Y..., autrefois actif et ne bâillant jamais, bâille très souvent et longuement. Ce sont de véritables accès qui se répètent sept, huit, dix fois, sont irrésistibles et accompagnés d'une interjection : oh! oh! rarement de pandiculations. Ces bâillements sont d'autant plus frappants que ces phénomènes ne s'étaient jamais produits auparavant.