-
- L'étude des troubles de la
motilité a fait dans ces derniers temps
des progrès sérieux. Nous devons
ces progrès au concours efficace des
anatomistes et des cliniciens. Il existe
cependant deux chapitres de la pathologie
motrice où l'anatomie n'a pas tenu le pas
à la clinique et où le jour
commence à peine à se faire. Ce
sont les chapitres des mouvements cloniques et
des soi-disant mouvements associés.
-
- Nous avons récemment, à propos
de l'exposé d'un cas de spasme rythmique,
tâché de résumer
l'état de la question du clonisme
pathologique. Un cas remarquable de mouvements
associés, que nous observons en ce
moment, nous met à même de faire
également sur cette dernière
question un travail de synthèse et de
faire valoir quelques idées qui nous sont
personnelles.
-
- Qu'entend-on, aujourd'hui, par mouvements
associés ? Quand, dit von Monakow, dans
l'accomplissement de nos actes volontaires il se
produit des mouvements non voulus et ne
contribuant pas au parachèvement de
l'acte volontaire, soit dans les autres parties
du corps, soit dans le membre même mis en
mouvement, on parle de mouvements
associés (Mitbwegungen). De pareils
phénomènes se produisent
quelquefois chez l'homme normal, lors de
mouvements brusques, précipités.
On ne peut donc pas dans tous les cas y attacher
une signification pathologique. Ce
symptôme se constate fréquemment
chez les hémiplégiques et, fait
étonnant, s'étend même aux
extrémités d'organes qui
échappent à l'empire de la
volonté. Ces processus n'accompagnent
même pas seulement les mouvements
volontaires, mais aussi les mouvements
réflexes (bâillement,
éternuement, etc...) ».
-
- On a décrit jusqu'ici quatre sortes
de mouvements associés
pathologiques:
-
- 1°) Mouvements associés du
côté sain ou du côté
malade accompagnant les mouvements volontaires,
exécutés au moyen de
l'extrémité saine ou au moyen de
l'extrémité paralysée.
-
- 2°) Mouvements associé tant dans
les extrémités saines que dans les
extrémités malades à la
suite de mouvements involontaires produits par
excitation réflexe (bâillement,
éternuement, miction,
défécation, etc.).
-
- 3°) Mouvements associés du
çôté paralysé
accompagnant des mouvements passifs
exécutés avec le membre sain
symétrique ou accompagnant l'extension
d'articulations contracturées.
-
- 4°) Mouvements de substitution
(Ersatzbewegungen de Senator),c'est
à-dire des mouvements involontaires
survenant dans des muscles doués de
motilité volontaire en même temps
que d'autres mouvements voulus ou en lieu et
place de ces derniers, que ces mouvements
involontaires se passent dans un autre segment
du même côté ou du
côté opposé ou dans les
muscles antagonistes de ceux dont la contraction
est voulue. Ces mouvements de substitution
peuvent aussi avoir une origine réflexe
(Senator).
-
- Ces mouvements associés
monolatéraux, homonymes et
hétéronymes ont été
signalés comme complications
post-hémiplégiques.
-
- Chose curieuse, dans les diplégies
cérébrales les mouvements
associés bilatéraux auraient
été très rarement
observés. Dans sa statistique portant sur
270 cas de diplégie
cérébrale infantile, Freud ne
signale aucun cas de mouvements associés
bilatéraux.
-
- Dans un article de la Cyclopoedia of the
diseases of children de Keating, Sachs divise
les mouvements anormaux des enfants
diplégiques en choréiformes,
athétosiques, associés, rythmiques
et ataxiques. Dans une statistique de 39 cas il
ne signale qu'un cas de mouvements
associés bilatéraux. C. Westphal
aurait observé un cas de
synkinésie bilatérale se
manifestant du côté des membres
supérieurs chez un
hémiplégique.
-
- Van Wayenburg relate le cas d'une
synkinésie bilatérale chez un
garçon de 5 ans et demi. Celui-ci
était né à 6 mois. Les
mouvements secondaires, intéressant les
membres supérieurs et surtout les mains,
se produisaient d'une façon tout à
fait symétrique aux mouvements primitifs
et avec une intensité égale. Les
mouvements associés n'accompagnaient ni
les mouvements passifs, ni l'excitation
réflexe. La force
développée d'un côté
s'amoindrissait sensiblement quand le
garçon s'appliquait à combattre la
production du mouvement associé de
l'autre côté (inhibition
symétrique associée). La force
absolue développée par les membres
supérieurs était d'un tiers
inférieure à celle des
garçons bien constitués du
même âge. Les muscles semblaient
normaux. Les mouvements combinés avaient
un certain caractère spastique.
Sensibilités normales, Réflexes
normaux, à part le réflexe
patellaire, qui était
exagéré.
-
- Ce cas de synkinésie
bilatérale symétrique portant
surtout sur les mouvements de précision
des membres supérieurs serait,
d'après l'auteur, l'unique cas
signalé dans la littérature.
-
- A part les cas d'hémiplégie et
de diplégie, les mouvements
associés, se retrouvent encore assez
fréquemment dans l'idiotie, qui est
souvent le résultat de processus
cérébraux connexes de ceux qui
entraînent les diplégjes et dans la
paralysie générale.
-
- On les a encore observés dans les
paralysies spinales, les névrites
périphériques, le
tabès.
-
- On a donné de ces mouvements
associés des interprétations
pathogéniques très diverses. Il
n'a guère que sur le mécanisme de
ceux qui accompagnent les mouvements passifs
d'extension de membres contracturés qu'on
est assez généralement d'accord.
On attribue, en effet, ceux-ci à ce fait
que l'extension des muscles contracturés
facilite l'action de leurs antagonistes.
-
- Quant aux autres mouvements associés,
accompagnant les mouvements volontaires ou
réflexes, on a imaginé pour les
expliquer les théories les plus diverses.
Westphal qui avait vu une synkinésie
bilatérale succéder à la
lésion corticale d'un seul
hémisphère, croyait que de
l'écorce d un hémisphère
partent des fibres qui se rendent aux ganglions
de la base du même côté et de
là dans la voie pyramidale
croisée, puis d'autres fibres qui, par le
corps calleux et la commissure grise
antérieure se rendent aux ganglions de la
base (corps strié et noyau lenticulaire)
du côté opposé et de
là de nouveau dans la voie pyramidale
croisée. C'est par ces dernières
fibres que s'opérerait l'association des
mouvements volontaires. A l'état normal
nous serions capables d'inhiber par les fibres
commissurales et par la voie cortico-basale ces
mouvements secondaires associés. Quand
cette voie cortico-basale est atteinte d'un
côté on observe la
synkinésie même
bilatérale.
-
- Ces idées de Westphal, qui ne
s'appliquent qu'à une catégorie
limitée de mouvements associés, ne
cadrent pas avec nos conceptions anatomiques et
physiologiques modernes relatives au corps
strié et au noyau lenticulaire.
-
- D'après Hitzig, chaque acte moteur
est normalement très compliqué et
accompagné d'une série de
mouvements secondaires indispensables: fixation
de certaines articulations, contractions des
antagonistes pour la graduation et la
régularité de l'acte. Ces
associations de mouvements sont anatomiquement
et physiologiquement préformés,
tant dans la moelle sous forme d'associations
musculaires fonctionnelles que dans les centres
moteurs corticaux sous forme de. combinaisons
d'actes. Plusieurs de ces actes combinés
sont bilatéraux. La combinaison et la
dissociation des mouvements est une affaire
d'habitude, d'éducation, où
l'excitation se joint à l'inhibition, et
qui suppose l'intégrité parfaite
de toutes les voies motrices. Quand certaines
voies motrices corticales sont
lésées. le mécanisme des
actes sera troublé Certains mouvements
exigeront des efforts de volonté beaucoup
plus énergiques, d'où la diffusion
facile de l'excitation sur des centres non
préposés au mouvement, surtout que
les voies inhibitrices sont à leur tour
atteintes, et la naissance de mouvements
associés aux mouvements volontaires.
-
- Quant à la diffusion anormale des
mouvements réflexes, elle peut être
interprétée par
l'exagération de l'irritabilité de
la moelle.
-
- Ziehen admet à peu de chose
près, la théorie de la diffusion
de Hitzig. Il signale, en effet, quatre
mécanismes qui peuvent contribuer
à la naissance des mouvements
associés:
-
- 1°) Il peut s'opérer le passage
d'une excitation d'intensité anormale
à la partie contro-latérale du
système nerveux par les nombreuses fibres
commissurales que celui-ci possède du
haut jusqu'au bas.
-
- 2°) L'écorce motrice est en
rapport avec les cellules radiculaires spinales
des deux côtés (voie pyramidale
croisée et directe).
-
- 3°) Toutes les sections corticales et
spinales du système moteur
possèdent des fibres d'association qui
relient les centres d'action. La coordination
repose sur ce fait et rend quelquefois difficile
l'isolement, la dissociation d'un mouvement.
Cette difficulté peut être
augmentée à l'état
pathologique.
-
- 4°) Les collatérales des
cylindraxes et les dendrites favorisent
l'irradiation de l'excitant, qui est souvent
d'autant plus fort (excitant volontaire,
exagération de l'irritabilité
réflexe) que la lésion corticale
est plus profonde.
-
- Van Wayenburg pour expliquer son cas de
synkinésie bilatérale
symétrique chez un enfant
diplégique admet le mécanisme
suivant: Il part du fait, avancé par
Woroschilow et Weiss, démontré
fonctionnellement par Pitres
et anatomiquement par Déjérine
et Thomas, que chaque moitié de la moelle
épinière reçoit des fibres
des deux hémisphères
(bilatéralité des mouvements des
yeux, de la langue, du larynx, des muscles
masticateurs, des muscles du tronc) ; durant la
première enfance les membres
supérieurs et inférieurs agissent
symétriquement. Plus tard, par
l'exercice, on acquiert l'habitude
d'exécuter isolément les
mouvements les plus compliqués Les libres
pyramidales prennent une constitution anatomique
en rapport avec cette dissociation La voie
contro-lalérale s'achève, se
perfectionne ; la voie latérale
rétrograde. Chez l'enfant né avant
terme, la myélinisation marche top vite
(Fleschig), le système nerveux est
faible, le temps d'exercice nécessaire au
perfectionnement du faisceau pyramidal, à
la dissociation des mouvements, fait
défaut au début de la vie.
L'enfant se trouve ainsi dans un état
d'infériorité marquée au
point de vue de la motilité
volontaire.
-
- Pour expliquer, par le
phénomène se l'irradiation (voyez
Ziehen) la naissance des mouvements de
substitution de Westphal, il faut rappeler le
fait anatomo-phvsiologique prouvé par
Hering, Sherrington, sur lequel Mann s'est
basé pour formuler sa théorie de
la contracture, nous voulons dire le fait de la
contiguité, dans l'écorce, des
centres d'innervation antagonistique
(fléchisseurs et extenseurs, adducteurs
et abducteurs, etc.).
-
- Voilà l'état actuel de la
question si importante des mouvements
associés.
-
- Exposons maintenant notre cas de mouvements
associés et voyons s'il est susceptible
de l'une ou l'autre des interprétations
mentionnées ci-dessus.
-
-
- Mme J. A..., de Wetteren, 40 ans,
ménagère, dentelière.
-
- Antécédents
héréditaires. - Le père est
mort d'hémorragie
cérébrale, à70 ans. Il ne
buvait pas. La mère a succombé
dans la démence sénile à 78
ans. Deux frères et trois soeurs sont en
vie et ne présentent aucune tare nerveuse
ou autre.
-
- Antécédents personnels. - La
patiente a fait un érysipèle et
une fièvre typhoïde vers l'âge
de 20 ans. Elle a eu une bonne instruction
primaire. Elle se montra toujours intelligente.
Elle était bonne mère, bonne
épouse. Le caractère était
peut-être un peu irritable. Elle a eu
quatre enfants, dont trois sont morts en bas
âge. Le dernier, qui vit, est un bon
produit. Rien ne nous autorise à
soupçonner une infection syphilitique.
Pas d'usage d'alcooliques.
-
- Le dernier accouchement eut lieu le 28
décembre 1898. Durant sa grossesse la
femme avait présenté de
l'albuminurie, de l'oedème des membres
inférieurs, mais pas d'éclampsie.
L'accouchement fut tout à fait naturel et
ne dura qu'une demi-heure environ. Les suites
furent normales durant un demi jour, puis
survint une frayeur subite; elle eut la
sensation, dit-elle, comme si quelque chose
voulait sortir de ses parties génitales.
Depuis lors elle ne se souvient plus de rien.
D'après les renseignements fournis par la
famille, elle resta plongée durant trois
semaines dans un coma accompagné de temps
en temps de convulsions
généralisées. Quand,
après trois semaines de coma, la
conscience commença à se
reproduire, on constata que tout le corps
était atteint de paralysie flasque: et
d'insensibilité, du moins à la
douleur. Aphasie totale.
-
- La parole et les mouvements ont
commencé à revenir après
deux mois et demi, mais on a constaté
dès le début que les mouvements et
la parole étaient anormaux. La femme
était très peureuse et très
émotive. Elle n'a jamais
présenté de délire ni
d'hallucinations. Elle marche depuis trois mois
environ.
-
- Il est regrettable que nous n'ayons pu nous
procurer de renseignements plus exacts, la femme
n'ayant guère eu de soins
médicaux.
-
- Etat actuel. - Femme bien constituée,
ayant toutes les apparences de la santé
physique. Mais ce qui frappe en l'examinant,
c'est son attitude. Qu'elle soit assise ou
debout, elle n'est pas dans l'attitude
habituelle du repos, les membres
supérieurs pendants ou reposant sur les
genoux. Ceux-ci se trouvent en demi-flexion
au-devant du thorax croisés l'un sur
l'autre. Le regard est baissé et la
figure exprime la mélancolie. L'attitude
a souvent une apparence cataleptique.
-
- Motilité. - Marche
légèrement fauchante et talonnante
à base large. Quand elle est
observée et qu'on fixe son attention,
elle marche moins bien que quand elle est seule
et tranquille. Pas de Romberg.
-
- La personne est incapable d'accomplir l'acte
le plus simple exigeant quelque
précision. Elle parvient à
s'asseoir, mais pas à prendre une
position indiquée sur le siège;
elle parvient à se baisser, mais ne
saurait ramasser un objet du sol; elle parvient
à lever une jambe, niais ne peut chausser
la pantouffle qu'elle a perdue; elle parvient
encore moins à la ramasser. Quand on lui
demande de lever le bras droit, elle fait des
efforts énergiques, le bras droit vient
croiser le tronc et se mettre dans l'aisselle
gauche, le bras gauche s'étend en
arrière du tronc, puis la main gauche
vient pincer avec effort les jupons. Quand on
lui demande de toucher le bout du nez avec la
main droite, celle-ci s'épuise en efforts
le long du tronc, la main gauche se rapproche du
nez et la face s'incline en avant; elle ne
parvient pas à prendre un
stéthoscope posé sur la table,
à cueillir une fleur. Quand on lui
demande de donner la main, elle fait avec les
deux mains les mouvements les plus
désordonnés, mais ne parvient avec
aucune à toucher la main qu'on lui
tend.
-
- Les actes de précision sont tout
aussi désordonnés et
associés du côté des membres
inférieurs que du côté des
membres supérieurs.
-
- Les mouvements généraux de
la-tête. flexion, extension, rotation de
la face, sont assez bien exécutés.
Mais on retrouve le même défaut rie
dissociation dans le jeu de la mimique.
-
- Elle pousse bien la langue, mais quand on
l'engage à la pousser avec force, on voit
entrer en actions divers autres muscles de la
face et des membres.
-
- Quelque soit le mouvement qu'on lui fasse
exécuter, plus on la prie de faire
attention et plus les caractères
désordonnés du mouvement
augmentent.
-
- Langage. - Il n'existe pas de surdité
verbale. La personne entend, comprend tout ce
qu'on lui dit.
-
- La parole spontanée est bien
articulée, mais il existe de la
paraphasie caractérisée par
l'allitération de lettres, de syllabes et
quelquefois de mots entiers, toutefois on
parvient à la comprendre. La paraphasie
n'existe donc qu'à un degré peu
marqué.
-
- La paraphasie se dénote d'une
façon plus marquée dans la
dénomination d''objets usuels. Citons
quelques exemples: schrijfboek = krijrnboek,
crayon =. cranion, zaakhorlogie schooneschen,
zakanus, voorschoot = struidoek, sieutel. La
répétition des mots est
également défectueuse. Exemples :
vinger =velem, brigadier = brenadier,
commissaris kerms ; sollicitée de
répéter le pater, elle bredouille
des phrases comme celle-ci : Ons toekome mv rijk
=- ons toekôme niet ons krijme.
-
- La récitation est très
imparfaite. Le même pater
récité devient : Onze rader die in
de hemelen zijt, komt in den hernel en vergeef
ons onze schulden (agitation, prétend ne
pas se rappeler) en leist ons niet in bekoring
nie van de dood onzer dood. Il y a dans cette
récitation des caractères
paraphasiques associés à de
l'amnésie. Cette amnésie se
retrouve également dans le langage
courant et la patiente la caractérise en
disant je sais bien mais je ne puis pas le dire;
elle a l'idée mais ne parvient pas
à évoquer le mot.
-
- Elle parvient cependant à
réciter en série les chiffres de 1
à 50.
-
- Il existe de la cécité
verbale; elle reconnaît tant bien que mal
les lettres isolées, mais ne lit que
quelques rares mots (par exemple son propre nom,
patriote). Elle ne parvient pas à
épeler, à dire combien de syllabes
ou de lettres il y a dans un mot écrit ou
imprimé (expérience de
Proust-Lichtheim) elle ne parvient pas à
composer les mots les plus simples (bie, Marie),
quand on met à sa disposition des lettres
isolées de très grand volume
(écriture typographique). Enfin la
lecture mentale est abolie. Nous lui demandons
par écrit: Quel âge avez-vous?
Comment s'appelle votre enfant? Voulez-vous une
pomme? Elle ne répond rien. Elle ne lit
pas plus les chiffres que les mots.
-
- Impossible d'expérimenter sur
l'écriture, le dessin; elle ne parvient
pas à tenir un porte-plume ni à
tracer une ligne sur le papier. Il ne faut pas
plus songer à un essai d'écriture
in vacuo. Il n'y a pas de cécité
psychique, elle comprend la nature des objets,
interprète les images d'animaux,
etc.
-
- Tonus musculaire. - Exagération qui
augmente avec les mouvements volontaires. Il
existe donc de la contracture intentionnelle,
qui s'étend à tout le corps.
-
- Dynamométrie. - L'évaluation
de la force musculaire au dynamomètre
Collin est impossible.
-
- Sensibilités - Les
sensibilités à la
température et à la douleur sont
relativement bien conservées. Il n'en est
pas de même de la sensibilité au
tact qui est largement affectée Le sens
musculaire et articulaire et le sens
stéréognostique sont
également très largement
affectés. Elle ne reconnaît pas la
position de ses membres, ni les objets vulgaires
qu'on lui met dans la main. Elle ne parvient pas
à évaluer des poids même
très lourds.
-
- La sensibilité osseuse
explorée au diapason semble assez bien
conservée partout.
-
- Le goût, l'odorat et l'audition sont
conservés.
-
- Vision. (Examen spécial de M Rogman.)
- Acuité visuelle avec verres correcteurs
de la myopie et en fixant des deux yeux : 5/30
de la normale.
-
- Skiascopiquement l'état de la
réfraction est OD= 3D_2 DO° OG=3D_3
DO°
-
- Myopie avec astigmatisme.
-
- L'oeil gauche est atteint d'un léger
strabisme externe.
-
- Distingue les caractères les plus
fins des optotypes Snellen, mais ne parvient pas
à lire une phrase (cécité
verbale et paraphasie).
-
- Examen ophtalmoscopique négatif.
-
- Le sens chromatique persiste.
-
- A l'examen périmétrique, il
existe donc un rétrécissement
très marqué du champ visuel. La
vision est abolie totalement dans la
moitié gauche de l'oeil droit et presque
totalement dans la moitié homonyme de
l'oeil gauche Hemianopsie latérale
homonyme.
-
- La sensibilité de l'iris à la
lumière est normale voie directe et par
voie réflexe (oeil
congénère).
-
- Réflexes. Réflexe plantaire
très faible à droite et
caractérisé par flexion des trois
doigts externes; à gauche flexion normale
des orteils, pas (le contraction du tibial
antérieur ni du tenseur du fascia-lata.
Le réflexe plantaire douloureux est
également presque nul des deux
côtés.
-
- Réflexes abdominal et
épigastrique abolis.
-
- Réflexes pharyngien, conjonctival,
cornéen, normaux.
-
- Tous les réflexes tendineux sont
exagérés des deux
côtés du corps.
-
- Psychisme. La mémoire des jours, des
dates, des lieux est relativement bien
conservée. L'orientation est assez bonne.
Elle répond, abstraction faite de la
paraphasie, assez correctement aux questions du
schéma de Sommer.
-
- Il n'y a guère que la question : Dans
quelle année sommes nous qui
reçoit une réponse fautive : 1890,
mais elle sait que nous sommes à la fin
du siècle.
-
- Le calcul mental est largement atteint; elle
parvient tout au plus à faire quelques
additions élémentaires. La
soustraction, la multiplication et la division
sont impossibles.
-
- Elle reconnaît les principales
pièces de monnaie, mais ne parvient pas
à les compter. 10 + 2 + 2 centimes=
24
-
- Elle ne reconnaît pas l'heure à
la montre. Ii existe une très grande
émotivité et de la tendance
à la tristesse.
-
- Systèmes végétatifs.
Coeur et vaisseaux normaux.
-
- Digestion excellente. Fonctions intestinales
bonnes. Urines : pas d'albumine, pas de
sucre.
-
-
- Notre patiente, sous l'influence de
l'urémie et des attaques
épileptiformes consécutives, a
été atteinte d'un processus
diplégique, probablement de nature
hémorragique. Elle présenta en
effet, au retour de la conscience, qui suivit le
coma éclamptique, une paralysie flasque
de tout le corps ainsi que des troubles de la
sensibilité et de l'aphasie totale. La
diplégie d'emblée a
été rarement signalée chez
l'adulte et caractérise surtout certains
processus cérébraux de la
première enfance.
-
- Peu à peu les symptômes
diplégiques s'amendèrent; les
mouvements et la parole revinrent, tout en
restant sérieusement troublés.
C'est dans ces troubles de la motilité et
de la parole que gît, à notre avis,
le grand intérêt du cas.
-
- Tout d'abord la parole spontanée est
paraphasique et se caractérise par des
allitérations de lettres, de syllabes et
de mots entiers. La paraphasie se retrouve
encore plus marquée dans la
dénomination d'objets usuels et dans la
récitation.
-
- La répétition des mots est
défectueuse.
-
- La vision verbale et la lecture mentale son
largement troublées.
-
- Il existe aussi de l'aphasie
amnésique; elle a souvent de la peine,
dans le langage courant, à évoquer
des mots et nous dit alors: « je sais, mais
je ne parviens pas à le dire». On
retrouve nettement le phénomène
dans la récitation du pater.
-
- L'écriture est totalement impossible
dans ses divers modes à cause des
troubles de la motilité.
-
- Il n'existe pas de cécité
psychique.
-
- Comment interpréter ces troubles de
la parole ? Le fait de la lésion du
centre visuel verbal gauche est rendu
très probable par l'existence d'une
hémianopsie homonyme du même cote.
hémiopie qui dans le cas actuel est
l'expression l'une lésion du centre
visuel cotical.
-
- Le centre auditif verbal est respecté
se même que le centre phonétique
verbal, mais la répétition
défectueuse montre que la voie
d'association sensitivo-motrice n'est pas
Intacte.
-
- Quant à la paraphasie et à
l'aphasie amnésique nous nous rangeons
à l'avis de Pitres pour faire de ces
phénomènes des syndromes
spéciaux, qui peuvent à la rigueur
exister isolément et qui sont dus
à la lésion des voies
d'association psychiques entre la sphère
d'idéation et les centres moteur et
sensoriels verbaux.
-
- Nous ne voulons pas insister ici plus
longuement sur ces intéressants
symptômes. Nous reviendrons à une
prochaine occasion sur les troubles du langage,
de la sensibilité, etc , chez notre
patiente Nous avons hâte d'aborder la
question des autres troubles de la
motilité, qui ont surtout inspiré
ce travail et qui en légitiment le titre
et la partie préliminaire relative aux
mouvements associés.
-
- Notre patiente n'est maîtresse d'aucun
de ses mouvements. Il n'y a guère que les
actes qui sont passés dans le domaine de
l'automatisme qui s'opèrent avec une
certaine harmonie. Tous les actes où
intervient la volonté, qui sont le fruit
d'une éducation coordinatrice et
associatrice et qui partent des centres moteurs
corticaux, ont perdu toute
régularité, toute harmonie, et
sont devenus franchement inexécutables.
Une des premières causes de ce fait
réside dans la contracture
intentionnelle. Tout mouvement volontaire
s'accompagne en effet de rigidité dans le
membre utilisé. Cette contracture semble
ici se confondre avec des mouvements de
substitution, car quand la malade devrait ponter
un membre dans une direction donnée, on
voit la contracture surgir dans les muscles
antagonistes et contrarier jusqu'à un
certain degré, l'exécution du
mouvement voulu.
-
- La disharmonie des actes tient ensuite
à la perte du sens musculaire et il n'y a
pas à contester que dans le trouble
moteur intervient un certain degré
d'ataxie cérébrale.
-
- Mais outre la contracture et l'ataxie il
faut tenir un compte très large des
mouvements associés (Mitbeweguugen) et
des mouvements de substitution
(Ersatzbewegungen) qui accompagnent le mouvement
voulu ou s'y substituent. Jamais une simple
ataxie ne pourrait expliquer un tel
désordre musculaire qui rend impossible
l'acte le moins complique de la vie. Les
mouvements associés portent sur les
segments du corps d'un même coté et
du opposé (bilatéralité).
IIs ne présentent pas de symétrie.
Plus est grand l'effort déployé
par la personne pour exécuter un acte
quelconque et plus énergiques, plus
étendus sont les mouvements
associés Quand on lui fait pousser la
langue avec effort ses bras se lèvent ou
s'abaissent de même que les membres
inférieurs et toute la mimique faciale
entre à son tour en jeu. Presque tous les
muscles du corps participent à l'acte de
pousser fortement le langue.
-
- Jusqu'ici tous les phénomènes
synkinésiques, qui sont très
intéressants par leur étendue et
leur bilatéralité, ne laissent
cependant pas de pouvoir être
interprétés par le
phénomène de l'irradiation de
l'effort volontaire, tel que nous l'avons
exposé d'après les vues de Hitzig,
Ziéhen, etc .....
-
- Mais où l'interprétation du
phénomène commence à
devenir plus difficile, c'est quand on voit
l'influence exercée sur ces
synkinésies par l'émotivité
et par l'attention. Quand la femme ne se sait
pas observée, qu'elle est
abandonnée à elle dans la
solitude, on lui voit exécuter avec une
aisance relative des mouvements assez
compliqués, comme celui de se gratter la
figure, les cheveux, etc. Lui ordonne-t-on peu
après d'exécuter le même
mouvement, elle en est totalement incapable par
suite de la naissance d'une série de
mouvements associés, substitutifs.
-
- Ce phénomène nous a
donné à réfléchir et
nous avons cherché d'en donner une
interprétation anatomo-physiologique.
Nous nous sommes rappelé que Pitres avait
observé la même influence
défavorable de l'attention sur la
paraphasie et nous avons pensé qu'il
existe des parakinésies, dont la
paraphasie, la paragraphie, la paramimie ne sont
que des variantes, se rapportant aux troubles
correspondants de centres moteurs
spécialisés.
-
- La parakinésie différerait
de la synkinésie par ce fait que dans la
dernière le rapport entre l'idée
et l'acte est parfaitement conservé et
qu'il ne s'agit que d'une simple diffusion de
l'influx nerveux, au niveau des centres moteurs,
provenant de ce que celui-ci doit être
beaucoup plus énergique pour obtenir un
effet utile, tandis que dans la première
le rapport entre l'idée et le mouvement
serait troublé et que tout en ayant
très bien l'idée de l'acte
à exécuter, le patient ne
disposerait plus librement de la coordination et
de la dissociation (dynamogénie et
inhibition), mais celles ci seraient
mêlées, altérées
comme le sont les sons articulés dans la
paraphasie, les mouvements graphiques dans la
paragraphie et les mouvements mimiques clans la
paramimie. Notre cas d'aiIIeurs serait un
exemple de ces quatre variétés de
parakinésies. On comprend parfaitement
ainsi que plus l'attention intervient, plus
l'irradiation de l'influx idée-moteur
augmente et avec elle le désordre, la
disharmonie des mouvements.
-
- A côté donc des
synkinésies par altération des
centres de projection et des
éléments moteurs sous-corticaux,
nous distinguons les parakinésies par
lésion des fibres d'association reliant
les centres idéogènes et les
centres de projection.
-
- Si nous recourons maintenant à notre
schéma, Ie siège des
lésions déterminant les
parakinésies serait sur le trajet des
lignes Ni, Nu, NI, taudis que les
synkinésies seraient dues à des
lésions des centres j, h. f et des
éléments nerveux moteurs
sous-jacents.
-
- Notre patiente a l'idée de ses actes,
mais ne parvient pas à évoquer
l'image kinétique correspondante ; tout
comme le paraphasique ne parvient pas à
évoquer le mouvement d'articulation
approprié à l'expression
phonétique de son idée et le
parigraphique le mouvement
spécialisé du bras
nécessaire pour tracer le signe graphique
correspondant à l'idée.
-
- Il est évident que le trouble
parakinésique, dans notre cas, n'est pas
pur. Il se complique de la contracture
intentionnelle, de l'ataxie et d'un certain
degré de synkinésie dans I'effort,
par irradiation de l'influx volontaire dans les
centres de projection, mais la personne indique
nettement le phénomène de
parakinésie ou de défaut
d'évocation de l'image kinétique
en disant, quand on lui commande un mouvement:
"Je comprends bien ce que vous voulez, mais je
ne parviens pas à le faire", et quand on
insiste sur le fait de savoir si c'est
peut-être la contracture ou la
synkinésie qui l'empêchent
d'exécuter l'acte, elle répond
non, c'est que je ne sais comment faire, la
même chose que pour la paraphasie, la
paragraphie.
-
- Quand nous parlons de rupture entre les
centres des images kinétiques et la
sphère d'idéation, nous admettons
avec Pitres que les centres
idéogènes ne désignent pas
un point limité de l'encéphale,
mais nous différons d'avis avec lui quand
il admet que ces soi-disant centres ne sont pas
anatomiquement et fonctionnellement
différenciés au point qu'on puisse
les considérer comme l'organe propre et
exclusif des opérations mentales. Pour
nous il existe entre les neurones de projection
des neurones d'association sensitivo-moteurs,
qui relient entre elles les diverses images
sensorielles et kinétiques qui nous
mettent en rapport avec le monde
extérieur; mais au-dessus de cet
étage nous mettons un autre ordre de
neurones d'association, qui soit les neurones
psychiques, les neurones évocateurs des
images sensori-motrices, le véritable
organe différencié des
facultés purement psychiques. Ces
neurones rie se localisent pas dans un centre
limité, mais existent sur toute la
surface du cerveau où ils forment la
sphère psychique ou les sphères
psychiques, en opposition avec les
sphères sensorio-motrices.
-
- C'est donc dans la transmission de la
sphère mentale à la sphère
de images de motilité que se produit la
perturbation qui donne jeu à la
parakinésie. -
-
- Les mouvements associés tels qu'on
les a décrits jusqu'ici dans la
période post-hémiplégique,
dans les diplégies, la paralysie
générale et l'idiotie, les
paralysies médullaires surtout
unilatérales, les névrites
périphériques et même le
tabès, doivent être
subdivisé en synkinésies et para
kinésies.
-
- Dans la première catégorie
entrent tous les mouvements associés et
substitutifs, tant homolatéraux,
qu'hétérolatéraux et
bilatéraux, qui ne reposent que sur la
diffusion de l'influx nerveux à des
centres plus ou moins éloignés de
ceux appelés naturellement à
entrer action, parce que l'effort
nécessaire à cette dernière
est plus énergique qu'à
l'état normal par suite des
lésions qui augmentent la
difficulté de la conduction ou
l'irriadiation réflexe.
-
- La seconde catégorie renferme les
mouvements associés par trouble de
l'association idéo-motrice ;dans cette
catégorie rentrent la paraphasie, la
paragraphie, la paramimie.
-
- La nature organique des lésions dans
notre cas est incontestable. L'hystérie
ne complique pas le tableau, car il n'existe ni
antécédents, ni stigmates actuels.
Quant à la localisation du processus, il
nous semble qu'il faut la placer dans les
circonvolutions occipitales et
pariétales.
-
- Nous ne croyons pas à une
lésion sous corticale du faisceau
pyramidal, parce que la contracture n'est pas
durable, mais seulement intentionnelle (nous
reviendrons plus tard sur ce
phénomène), et parce que le
réflexe plantaire n'est pas paradoxal
(Babinski).
-
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