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mise à jour du
23 novembre 2008
 
 
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Histoire des connaissances sur le bâillement
Olivier Walusinski
 
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Le bâillement est un phénomène intriguant, fascinant tout autant que le sommeil. La compréhension de ses causes et de ses conséquences défie l'esprit humain depuis des siècles. Hippocrate, Sennert, Boerhaave, de Gorter proposeront, chacun à son époque, une théorie. De l'exhalaison d'humeur viciée, à l'activation des esprits animaux, à l'amélioration de l'hématose cérébrale, toutes ces métaphores sont caratérisées par le succès publique qu'elles rencontreront, perdurant peu ou prou jusqu'à JM.Charcot et à nos jours. Pourtant dès le début du XIXè siècle, la physiologie expérimentale de Broussais et Flourens propose une théorie neuro-musculaire que Dumpert, en Allemagne, après la première guerre mondiale explicite de façon précise. L'éthologie et la pharmacologie expérimentale du XXè siècle ont permis de connaitre les neuromédiateurs et les structures sous corticales mises en jeu au cours du bâillement et de la pandiculation. Comportements moteurs, phylogénétiquement archaïques, ontogénétiquement précoces, remarquablement conservés au cours de l'Evolution, quasi-universel chez les vertébrés, ils sont plus proches d'une stéréotypie émotionnelle que d'un réflexe. D'origine diencéphalique, ils semblent extérioriser des processus d'homéostasie des systèmes d'éveil, de la satiété et de la sexualité.
 
La Vie, sous tous ses traits, a toujours donné lieu à réflexions et questionnements. De tous temps une explication aux phénomènes physiologiques a apporté un réconfort aux hommes. Comme le dit HL. Mencken: "Des explications existent; elles ont existé de tous temps, parce qu'il y a toujours une solution simple à chaque problème humain, une solution nette plausible et fausse". L'histoire des connaissances sur le bâillement illustre à merveille ce précept. Phénomène intriguant, fascinant tout autant que le sommeil, ses causes et conséquences ont défié l'esprit humain au cours des siècles. Cette revue débouchera, inévitablement, sur les incertitudes encore nombreuses qui subsistent au XXIè siècle.
 
La médecine est née dans l'antiquité, entre mythes et philosophie, en s'extrayant peu à peu des incertitudes attachées aux concepts magiques et religieux pour tenter un accès au rationnel. Ce parcours de quelques siècles illustre ce constat.
 
Nous n'avons pas trouvé trace d'écrits évoquant le bâillement dans les tablettes, actuellement déchiffrées, de la médecine babylonienne. L'ethno-médecine, qu'elle se soit tournée vers l'Asie ou l'Afrique, ne s'y est pas intéressée non plus.
 
L'antiquité, le Moyen-Age
La philosophie grecque nous a laissé une combinaison des quatre éléments afin d'expliquer Le Monde (Eau, Feu, Air, Terre) aux quatre qualités physiques (Froid, Chaud, Sec, Humide) influant sur les "humeurs" (Sang, Bile, Pituite, Atrabile). Les premiers écrits médicaux consacrés au bâillement sont ceux d'Hippocrate dans "De Flatibus", Les Vents, conçu 400 ans avant JC qui applique ces théories. Il observe: "Des bâillements se produisent avant les fièvres parce que de l'air, qui s'était amassé en grande quantité, remontant en masse, soulève à la manière d'un levier et ouvre la bouche; car par cette voie, l'air peut sortir facilement. En effet, de même que de la vapeur s'élève des chaudrons en grande quantité quand l'eau bout, de même aussi, quand le corps s'échauffe, l'air qui s'était rassemblé et qui est violemment expulsé s'élance par la bouche". Cette conception perdurera jusqu'au XVIIè siècle, comme nous allons le constater.
 
Loin de sa physique appliquée à l'homme, Hippocrate traite avec précision des luxations de la mâchoire favorisées par les bâillements dans "Des Articulations", les assimilant aux autres dérangements articulaires traumatiques et conçoit la réduction avec une manœuvre qui ne date donc pas de Nélaton au XIXè siècle: "Si la mâchoire se luxe rarement, toutefois elle éprouve, dans les bâillements, de fréquentes déviations, telles que celles que produisent beaucoup d'autres déplacements de muscles et de tendons. Voici les signes principaux qui manifestent la luxation: la mâchoire inférieure prédomine en avant; elle est déviée vers le côté opposé à la luxation, l'apophyse coronoïde fait saillie à la mâchoire supérieure, et le blessé rapproche difficilement les mâchoires. Le mode de réduction qui convient dans ce cas est manifeste: Un aide maintiendra la tête la tête du blessé, un autre, embrassant avec les doigts la mâchoire inférieure en dedans et en dehors vers le menton, tandis que le patient ouvre la bouche autant qu'il peut sans se forcer, commencera par remuer la mâchoire inférieure pendant quelque temps, la portant avec la main en dedans et en dehors, et recommandant au blessé de la tenir relâchée, de la remuer simultanément, et de se prêter le plus possible à ces mouvements; puis soudainement, il la déplacera en faisant attention à trois positions à la fois: d'abord il faut la ramener de sa position vicieuse à sa position naturelle, secondement, il faut la repousser en arrière; troisièmement, obéissant à ces deux mouvements, le blessé doit rapprocher les mâchoires et ne pas ouvrir la bouche : telle est la réduction et on ne réussira pas par d'autres positions". Rien à ajouter.
 
Emile Littré qui a traduit Hippocrate au milieu du XIXè siècle donne cette version du passage consacré aux causes de l'apoplexie: "Les bâillements continuels des apoplectiques prouvent que l'air est la cause des apoplexies". Jacques Jouanna, dans sa traduction contemporaine réfute cette interprétation: "on ne voit pas pourquoi les paralysés seraient pris de bâillements continuels. On peut y voir un autre sens et signifier avoir constamment la bouche ouverte, ce qui correspond à une observation dans certains cas de paralysie. L'auteur, Hippocrate, a inséré tant bien que mal cette observation dans son système d'explication: la bouche est maintenue ouverte par la présence continuelle d'une quantité excessive d'air dans le corps". Et pourtant, les observations médicales contemporaines indique combien Littré semble avoir raison !
 
Pline l'Ancien note, 40 ans avant JC, que les bâillements répétés, contemporains d'hémorragies importantes, signent la mort à cours terme. Ce sujet sera l'objet d'une thèse en latin: "De oscitatione in enixu" soutenue par Johannes Lapehn, en 1758, sous la direction de Johannes Roederer à Göttingen. Les hémorragies de la délivrance ont tué des milliers de femmes. La baisse tensionnelle et le collapsus déclenchés par l'hémorragie stimule le système nerveux végétatifs dont les bâillements extériorisent la mise en jeu, comme au cours du malaise vagal, et précédent la perte de connaissance.
 
Dans sa lettre à Lucilius, Sénèque écrit, environ 50 après JC: "De même que chez les sujets faibles, la maladie s'annonce par des signes avant-coureurs: soit un relâchement des nerfs, soit de la lassitude sans travail qui l'ait provoquée, soit des bâillements, soit enfin un frisson qui parcourt les membres; ainsi une âme faible, longtemps avant d'être attaquée par le mal, en reçoit le choc; elle souffre par anticipation, et succombe avant le temps". Parle-t-il d'incubation, de début d'un état fébrile, de somnolence, d'état dépressif ?
 
Galien et Celse commenteront les propos d'Hippocrate en transposant aux muscles l'effet producteur des vents du bâillement. Oribase, 450 après JC, dans la même lignée de commentaires d'Hippocrate, rédige un chapitre intitulé "des causes, des symptômes". Il y fait un amalgame entre convulsions, palpitations, hoquet, trismus, extensions des membres et bâillements: "Ils se rapportent tous à un genre commun qui consiste en la perversion du mouvement des muscles." [...] "Bâillements et extensions des membres sont des actes de la nature, forcée par quelque cause morbide, à se mouvoir avec violence."
 
A partir du XVè siècle, l'enseignement médical change. A la récitation de commentaires d'Hippocrate et de Galien se substitue la description de cas cliniques assortis d'idées sémiologiques, diffusées grâce à l'apparition de l'imprimerie. L'Universa Medicina de Jean Fernel (1497-1558) en est l'illustration. Il est le premier à citer le bâillement comme prodrome d'états fébriles qu'il distingue en "fièvre éphémère". Toujours influencé par la théorie des humeurs, il prête aux bâillements un rôle favorable "dans l'évacuation des vapeurs nuisibles". Dans la même lignée, en 1560, Jodocus Lommius publie un recueil d'observations: Medicinalium observationum libri tres, imprimé à Anvers chez Plantin. Traduit dans toutes les langues d'Europe, ce livre connaîtra plus de 30 éditions pendant 250 ans; on peut le comparer au Manuel Merck contemporain. Le bâillement y est décrit comme prodrome des fièvres. Semiotice, sive de signis medicis tractatus Feyens T 1663.
 
En 1624, dans la même veine, Philippe Hechstetteri propose un recueil d'observations médicales commentées: "Rararum Observationum Medicinalium": "Une jeune fille de quatorze ans n'avait pas encore été réglée, et, tous les jours, à quatre heures de l'après-midi, elle éprouvait des bâillements très fréquents, très pénibles, et suivis de divers accidents morbifiques". Il semble être le premier à considérer, en lointain prédécesseur de JM. Charcot, les bâillements répétés comme un signe d'hystérie.
 
Scipion Dupleix, philosophe et historiographe de Henri IV puis de Louis XIII, publia, en 1626, un merveilleux recueil: "La curiosité naturelle rédigée en questions selon l'ordre alphabétique". Non sans rappeler Les Propos d'Alain, au mot bâiller, il soumet à son lecteur curieux cette réflexion si bien contée et proche de nos réflexions contemporaines: "D'où vient cela que nous baaillons voiant baailler les autres? C'est à cause de la commune disposition des esprits ou air intérieur, lesquels ont entre nous tous une grande sympathie, consentement & affinité, qui les fait esmouvoir & affecter de mesmes par la seule souvenance. Et pour cette mesme raison oyant chanter les autres, nous chantons quelquefois à part nous mesmes sans en prendre garde, estant attentifs ailleurs".
 
Le XVIIè siècle: naissance de la recherche
La première moitié du XVIIè siècle voit la naissance de la physique mathématique ouvrant à une nouvelle vision du Monde. Un nouvel esprit scientifique nait avec Descartes dont découle le paradigme du mécanisme en physiologie. Après Galilée et Newton, les découvertes en mécanique et en dynamique conduisent au concept de "l'Homme Machine". Jusqu'à cette époque, le dogmatisme médical conduisit au défaut majeur d'une indifférence à la recherche, comme si les connaissances médicales étaient fixées et confinées. Après que Harvey ait établie la circulation sanguine, l'esprit expérimental introduit l'analyse quantitative des phénomènes vitaux, en particulier grâce à Santorio.
 
Santorio Santorio (1561-1636), se faisant appelé Sanctorius de Padoue, médecin installé à Venise, élève et ami de Galilée, peut être considéré comme un des fondateurs de la physiologie expérimentale. Il tenta de quantifier des phénomènes physiologiques et pathologiques à l'aide d'appareils de mesure tels que la balance, le thermomètre et le métronome. Avec une balance de son invention, il mesura et compara les apports et les pertes de poids chez l'homme, notamment par la transpiration. Il bâtit toute une théorie médicale basée sur les différences de poids liées à l'alimentation, aux pertes des émonctoires et à la transpiration: la médecine statique. Le bâillement fut l'objet de ses aphorismes: "Les bâillements & l'extension des membres après le sommeil, montrent que le corps transpire beaucoup comme on le dit à l'égard du coq qui bat des aîles avant de chanter. Les envies de bâiller & d'étendre les membres lorsqu'on s'éveille, viennent de l'abondance de la matère transpirable, parfaitement disposée à la transpiration. Dans les bâillements & l'extension des membres, on transpire plus en une demi-heure qu'en trois heure d'un autre temps."
 
Dans le Traité de L'Homme, René Descartes (1596-1650), en 1664, expose sa théorie des nerfs: "les esprits qui sont dans le cerveau se présentent pour entrer dans quelques nerfs, ils ont la force de mouvoir au même instant quelque membre. Puis, ayant touché un mot de la respiration, et de tels autres mouvements simples et ordinaires, je dirai comment les objets extérieurs agissent contre les organes des sens". Plus loin il explique la respiration par l'activité musculaire du diaphragme et s'intéresse "Pour entendre aussi comment cette machine avale les viandes qui se trouvent au fond de sa bouche...". Il termine son explication complexe du fonctionnement du carrefour aérodigestif en précisant: "A l'exemple de quoi, vous pouvez aussi entendre comment cette machine peut éternuer, bâiller, tousser, et faire les mouvements nécessaires à rejeter divers autres excréments". Comme quoi, près de mille ans après Hippocrate, l'évacuation d'humeurs reste toujours un effet primordial du bâillement.
 
Danieli Sennerti (1572-1637) continue lui aussi à assimiler éternuements et bâillements comme mécanisme "d'exhalaisons morbifiques" tout en notant la coïncidence d'apparition avec la fatigue et la somnolence, jamais notée antérieurement.
 
Jean Baptiste Van Helmont (1577-1644) traitant "Des principes de médecine et de physique pour la guérison des maladies" en 1671, remet en cause, pour la première fois, les conceptions hippocratiques. "Galien en dit que la cause du bâillement qui accompagne d'ordinaire le commencement des accez des intermittentes, est excité par la quantité des vapeurs fulgineuses qui enflent & font distention des muscles de la machoire, desquelles ils tâchent de se défaire: mais comme ces matières fuligineuses ne pourroient étre que des excréments insensibles de la dernière digestion: pourquoy ces parties là seroient-elles plûtot excitées à leur expulsion que les autres ? Et pourquoy se rencontrent-elles plûtôt aux fièvres qu'à la goutte, à l'apoplexie, &c. Pourquoy celuy qui bâille nous fait-il bâiller malgré nous? Cela fait bien voir que le bâillement ne procède pas des vapeurs fuligineuses: mais ce cette faculté qui suit l'imagination. L'Ecole de Médecine ne contreuient pas que la bouche de l'estomac ne soit facilement émeuë, & excitée à nausée par le dédain de quelque chose de sale aperceuë ou imaginée: & qu'il y a des personnes qui en voyant manger des pommes aigres & austères, ont d'abord la bouche toute pleine de salive. Donc l'orifice supérieur de l'estomac s'émeut aisément par l'imagination: Et le sommeil, le Coma, le Catoche, la catalepsie, l'assoupissement, le vertige, & d'autres accidens de ce genre, viennent de la bouche de l'estomac. Le bâillement qui suit le sommeil, ou qui est son avant-courier, est par conséquent attribué à la même partie, puisque c'est là qu'habite la phantaisie & ce n'est pas en vain qu'on le surnomme coeur. Aussi lors qu'on est sensiblement affligé on pousse quantité de soupirs qui semblent soulager cet orifice supérieur de son oppression, de même lorsque l'estomac paresseux & non-chalant nous rend assoupis, l'ennui de bâiller ne donne point de relâche aux muscles de la bouche & de la trachée artère qu'elle appelle aussi à son secours, de la même manière que l'os ethmoide, ennuiron l'organe de l'odorat, appelle aussi en aide les muscles de la poîtrine pour la sternutation. Et il ne faut pas pour cela chercher la cause du bâillement dans les muscles qui se sont, non plus qu'à ceux qui s'émouvent quand on éternuë la cause de l'éternuement".
 
Remise en cause des théories hippocratiques
Herman Boerhaave (1668-1738) est considéré comme le fondateur de la médecine clinique et de l'hôpital académique moderne. En 1680, dans "Praelectiones academicae", il donne pour le première fois une explication originale au bâillement: "le bâillement et les pandiculations favorisent la répartition équitable du spiritus dans tous les muscles et désobstruent les vaisseaux dont le sommeil avait ralenti la fonction. C'est encore pour favoriser le cours du sang et rétablir l'influx nerveux qu'ont lieu dans certains cas le bâillement et les pandiculations; leur action va lutter contre la prédominance trop marqués des fléchisseurs et remttre chaque chose en place".[...] "Le bâillement se fait en étendant presqu'en même temps la plupart des muscles qui obéissent à la volonté, en donnant aux poumons une très grande expansion, en inspirant beaucoup d'air lentement & peu à peu. Ensuite après l'avoir retenu quelque temps, & qu'il a été raréfié, on le rend insensiblement par l'expiration & enfin les muscles reprennent leur état naturel. Son effet est donc de mouvoir toutes les humeurs du corps par tous les vaisseaux, d'en accélérer le cours, de les distribuer également, & par conséquent de donner aux organes des sens & aux muscles du corps la facilité d'exercer leurs fonctions". Les thèses de Johann Beutler (1685) et Gottlob Hermann (1720) reprendront ces théories en ajoutant un rôle pronostic aux bâillements, témoin de la gravité des fièvres.
 
Pierre Brisseau associe pour la première fois bâillement et épilepsie dans son "Traité des mouvements simpatiques" en 1692: "Les signes d'un paroxysme prochain d'épilepsie sont, un trouble de l'âme & des sens, une pesanteur & une douleur de tête, le vertige, une insomnie facheuse, une lassitude dans les articles, un tremblement des membres, un tintement d'oreille, bâillement, palpitation du coeur, difficulté de respirer, nausée, cardialgie, &c. & tous ces signes paroissent tantôt plus, tantôt moins dans les Epileptiques. [...); De ce que le Sang circule difficillement par les poumons, l'on peut déduire facilement le bâillement de ceux, qui sont sur le point d'être attaqués d'un paroxisme d'Epilepsie".
 
George Cheyne (1671-1743) rédige, en 1733, "The English Malady or a treatise of nervous diseaes of all kinds" dans lequel il expose: "le bâillement & la pandiculation semblent être produits par des concrétions dures, par des particules salines, par quelques vapeurs nuisibles, âcres ou acrimonieuses; par la matière de la transpiration, par des vents, &c. qui sont ou arrêtent dans les petits vaisseaux, ou portés à quelque partie qui a beaucoup de nerfs, comme au canal alimentaire, dans les cavités du cerveau, sur l'épine, dans les interstices des muscles. Les nerfs de ces parties ou leurs membranes, étant irrités, il se forme dans toutes les fibres nerveuses ou sensibles un dérangement général, qui en produit bientôt un semblable dans tout le sytème musculaire". [...] "Sous le nom de vapeurs, ou de mal de rate, on entend communément l'abattement, le découragement, le gonflement de l'estomac, les rapports fréquents, le bruit dans le bas-ventre, le bourdonnement ou tintements d'oreilles, les bâillements, le manque d'appétit, l'agitation, l'état inquiet, les anxiétés ou angoisses, la mauvaise humeur, la mélancolie, la tristesse, l'inconstance, l'insomnie, l'assoupissement, portées à l'excès, ou en un mot, tous les symptômes qui ne forment pas une maladie particulière; mais les vapeurs sont très souvent symptomatiques, & dépendent d'un autre mal." Les prémices de l'hystéro-épilepsie de Jean-Martin Charcot sont exposés ici et ce n'est qu'au XXè siècle que seront séparées épilepsie, pathologie corticale et hystérie, souffrance psychologique.
 
Le XVIIIè siècle, le bâillement "améliore l'oxygènation du cerveau".
Johannes de Gorter (1689-1762), auteur hollandais prolifique dans tous les domaines de la médecine du début du XVIIIè siècle, a une place essentielle dans l'histoire des connaissances sur le bâillement. C'est en effet dans son livre "De Perspiratione insensibili" qu'en 1755, il attribue les bâillements à "un besoin de circulation plus rapide du sang et une anémie de l'encéphale". Nait ainsi un concept qui va perdurer pendant deux siècles, répétés par presque tous les auteurs: le bâillement améliore l'oxygénation du cerveau.
 
Albrecht von Haller (1708-1777), médecin et poète suisse, a écrit la première synthèse de la physiologie humaine (Elementa physiologiae corporis humani en 8 volumes publiés de 1757 à 1766). A la suite de Francis Glisson, il introduit la notion "d'irritabilité" propriété des tissus d'être stimulés. Il en enregistra, le premier, la preuve et distingua l'impulsion nerveuse (la sensibilité) de la contraction musculaire (l'irritabilité): "Il y a une espèce d'harmonie entre le pouls & la respiration. Dans l'état naturel on compte ordinairement trois ou quatre pulsations pendant une respiration. S'il arrive plus de sang au coeur, le nombre des pulsations & des respirations augmente. C'est là d'où vient la difficulté de respirer qu'ont ceux qui sont en mouvement, parce qu'alors le sang veineux est fouetté & accéléré. S'il y a une plus grande distance dans les poumons, & que le sang ait de la peine à passer du ventricule droit dans le gauche, le nombre et l'étendue des respirations seront plus grands pour franchir le chemin. C'est là la cause des soupirs et du bâillement". Il décrit plus loin le sommeil: "Aux approches de la nuit, on sent peu à peu un engourdissement dans les muscles longs & dans leurs tendons, une inaptitude aux pensées sérieuses & un amour pour le repos. Alors les forces qui soutenoient le corps, s'abbatent, les yeux se ferment, la machoire inférieure reste pendante, on est nécessairement forcé à bâiller". Dans la lignée de de Gorter, il propose: " Pourquoi bâille-t-on, lorsqu'on a envie de dormir ? C'est pour débarrasser le poumon par lequel le sang passe plus lentement".
 
David Hartley (1705-1757) médecin anglais, influencé par les découvertes de Isaac Newton va tenter d'expliquer la physiologie humaine par des lois de physiques adaptées de celles de la gravitation. Comme Hippocrate avait transposé les connaissances des éléments de la Nature d'Aristote, en quatre humeurs, Hartley va proposer que les sensations perçues et les actes volontaires dépendent de vibrations de particules composant les tissus humains, invisibles à l'oeil, parcourant les nerfs et donnant ainsi matérialité "aux esprits animaux" de Descartes. Il apparaît ainsi comme un précurseur du concept moléculaire: "Les actions de bâiller, de s'étendre peuvent peut-être, en les considérant selon les circonstances, se trouver dans les cinq classes des mouvements vibratoires. Quand ils arrivent dans les attaques de fièvre & autres maladies, la première semble devoir s'attribuer à des contractions subites et fortes dans les membranes de la bouche, du gosier, de la trachée artère & de l'oesophage, la seconde aux contractions de la peau".
 
Très étonnamment, fort peu d'auteurs anciens ont évoqué le bâillement des animaux ou celui des enfants. Charles Porée (1685-1770), au cours d'une séance publique de l'Académie des Belles-Lettres de Caen,en 1756, disserta sur la bâillement et nota "Les Oiseaux bâillent ainsi que les hommes & plusieurs autres animaux, mais leur bâillement diffère du notre. La partie inférieure du bec des oiseaux est stable, la supérieure est mobile par le moyen d'une charnière, qui unit les os de la tête de l'Oiseau à son bec. Notre mâchoire supérieure est fixe, l'inférieur est mobile & s'articule avec les os des tempes. Dans le bâillement de l'homme c'est la partie inférieure de a bouche qui s'abaisse: le méchanisme diffère, l'intention de la nature est la même & arrive au même but. Au reste cette remarque n'est que de simple curiosité. Nous bâillons en naissant: le premier enfant qui vint au monde en donna l'exemple. Ce n'est pas à l'ennui que ce mouvement peut être attribué, la société dans laquelle entre un enfant lui est connue. La faim & le sommeil n'en sont pas la cause immédiate; la nourriture va être administrée par un nouveau canal; il faut donc le rapporter d'abord au changement que produit en lui le jeu de la respiration qui commence; ensuite au conduit nouveau qui se fraye le sang. On peut le regarder encore comme une marque de lassitude causée par les fatigues de la naissance & par la nouvelle oscillation des humeurs. Tous ces changement sont admirables & démontrent une providence digne de nos plus profondes adorations. Quelqu'un néanmoins pourra se plaindre qu'il y ait de la peine à naître comme il y en a à mourir, & souvent est-il moins pénible de vivre".
 
Joseph Raulin (1708-1784) tente, lui, de classifier les désordres nerveux des dames de la cour de Louis XV qu'il a à soigner. Dans son Traité des affections vaporeuses du sexe, il compare les spasmes, les convulsions et décrit sous le terme de l'époque, les vapeurs, ce qui deviendra l'hystérie décrite par Paul Briquet et Jean Baptiste Louyer-Villermay au début du XIXè siècle: "Une femme a-t-elle des inquiétudes, des bâillemens, des hoquets, des spasmes, des mouvements irréguliers dans les nerfs, elle s'en plaint amérement; ses parents , ses amies, ses voisines lui répondent avec indifférence, ce sont les vapeurs. Ces légères vapeurs font insensiblement des progrès, la malade devient triste, elle verse des larmes, ou bien elle paroît enjouée, elle articule des termes qu'on entend pas, ou elle dit de jolies choses, elle rit, elle chante, ou elle pleure & rit alternativement, toujours sans se connoître; on rit comme elle, en disant que ce sont des vapeurs".
 
L'histoire n'a pas retenu le nom de Jean-Férapie Dufieu. Pourtant, il rédigea un Traité de Physiologie, publié à Lyon en 1763, à l'attention des étudiants et y colligea le savoir de son temps dans un style littéraire, bien oublié de nos manuels contemporains: "Quand on s'éveille on bâille, on étend les bras, on est plus agile, on a plus de vivacité d'esprit. Comme le suc nerveux n'a pas coulé dans les muscles durant le sommeil, toutes les fibres sont languissantes. Il faut donc les contracter tous, pour ouvrir le passage au suc nerveux qui s'est filtré dans le cerveau, ou pour l'appeler dans ces parties. De plus, le mouvement du sang étoit languissant dans les muscles, il faut donc hâter son cours; or cela se fait par la contraction où ils entrent quand on étend les membres. Le bâillement vient de la même cause. Ce suc nerveux qui entre dans les muscles, & qui s'est ramassé en grande quantité, fait qu'on est plus agile; car l'âme peut en envoyer beaucoup dans les nerfs pour mouvoir les parties". Cette description imagée se rapproche de bien des concepts de ce début du XXIè siècle!
 
Achille Le Vacher de la Feutrie compose, en 1767, un dictionnaire de chirurgie où il revient aux concepts hérités de Sanctorius et de Gorter: "On rend insensiblement une grande quantité de matières perspirables lorsque la nature occasionne des bâillements et des extensions des membres, pour s'en débarrasser. On est plus sujet à bâiller immédiatemment après le sommeil, qu'en tout autre tems, parce qu'alors il s'échappe par les pores de la peau, une plus grande quantité de cette matiere, qu'en tout autre tems; l'accroissement de contraction, auquel cette affluence donne lieu, produit en même tems la rétention de la matiere perspirable dans les passages de la peau; & c'est de là que proviennent les irritations que suivent le bâillement & l'expansion des membres. Dans ces mouvements les membranes de tout le corps sont secoués leurs fibres sont écartées, & la matière retenue peut s'échapper".
 
Suivant Sydenham en Angleterre, François Boissier de Sauvages (1706-1767), célèbre praticien de l'Université de Montpellier, s'essaya à une classification des maladies en empruntant une méthodologie inspirée de Linné en sciences naturelles, lequel incita l'époque à une véritable manie taxonomique. Boissier publia beaucoup sur tous les sujets mais sa "Nosologie Méthodique ou distribution des maladies en classes, en genres et en espèces" reste son ouvrage le plus célèbre: "Au moyen de l'inspiration ample & profonde qui accompagne le bâillement, toutes les vésicules pulmonaires se dilatent, la circulation du sang dans les poumons s'accélère, les viscères du bas ventre sont comprimés, les yeux larmoient, la salive coule en abondance, l'ouie s'émousse, on sent une espèce de bourdonnement dans la tête, le conduit d'Eustache se dilate, la parole se perd, la perspiration augmente, l'âme éprouve une espèce de volupté, & l'homme devient plus dispos & plus alerte". Boissier passe ensuite en revue les différents bâillements pathologiques: lors des hémorragies, comme lors des fièvres, ils annoncent une funeste évolution alors que les "bâillements stomachiques" témoignent d'indigestion et de dégoût. Il n'oublie pas de décrire les vapeurs accompagnées de bâillements qu'ils qualifient d'hystériques.
 
Samuel Tissot (1728-1797 revint exercer à Lausanne après avoir étudié à Montpellier. Médecin des grands de ce monde entre 1750 et 1797, on le consultait de l'Europe entière, souvent par correspondance. Ses archives contiennent toute la correspondance médicale, ordonnances comprises, qu'il a entretenue avec ses patients. L' "Avis au peuple sur sa santé" fut un véritable bestseller avant l'heure, traduit en douze langues et réédité dix sept fois. C'est le premier ouvrage de vulgarisation médicale destiné au grand public en langue vernaculaire. Mais il reste surtout comme l'auteur du premier traité de neurologie "Traité des nerfs et de leurs maladies" (1728-1777) dont le dernier tome porte le titre de "Traité de l'épilepsie". Il attribue la transmission d'une information d'une partie du corps à une autre à un fluide circulant dans les nerfs qu'il nomme "sympathies": [...] "Telle est l'admirable constitution de l'homme et de l'animal, que ces parties dont les fonctions paroissent différentes sont cependant enchainées de façon qu'elles influent toutes du plus au moins les unes sur les autres [...] Mais outre cette harmonie générale, il y a différentes parties qui ont entre elles une liaison plus étroite, qui sont unies par différents moyens, de façon que l'état de l'une influe d'une façon très marquée sur l'autre, ou au moins est altérée par les changements qu'elle éprouve; c'est la force du sympathia des Grecs & du consensus des Latins; & elle en souffre quelques fois au point que l'effet est beaucoup plus marqué sur la partie en sympathie que sur celle qui est primitivement affectée". [...] "Les sympathies particulières dépendant des nerfs qui ont des connexions plus étroites, de légères causes peuvent les mettre en mouvement; il en faut de plus puissantes pour décider des effets bien marqués de la sympathie générale. Tous les hommes ne sont pas également sujets aux sympathies, parce que le genre nerveux n'est pas également sensible chez tous; ainsi la même cause qui occasionnera les sympathies les plus marquées chez une personne, n'en produira aucune chez une autre, son action sera bornée à son siège, parce que ses nerfs sont moins sensibles. N'est ce point au consensus général qu'il faut attribuer cette force imitative qui obligeoit Monro à répéter tout ce qu'il voyait faire. M. Whytt lui attribue le bâillement & le vomissement involontaires; mais je ne sais cependant si le simple consensus physique ne peut pas opérer seul ces phénomènes".
 
Robert Whytt (1714-1766) professeur de médecine à Edinburgh est connu pour avoir décrit la meningite tuberculeuse. Son explication "des sensations" (la sensibilité) dans les mouvements involontaires en fait le précuseur de la notion de réflexe, comme son intérêt pour l'effet des émotions dans le cours des maladies en fait le père de la pathologie psychosomatique: "Les différentes parties de notre corps reçoivent des nerfs, non seulement la faculté de sentir & celle de se mouvoir, mais encore une sympathie très déterminée, qui est ou générale, & s'étendant à tout le système de l'économie animale, ou particulière, c'est à dire s'exerçant entre certaines parties principalement ... Nous fermons nos deux paupières, soit que nous le voulions, soit que nous ne le voulions pas, toutes les fois que quelque chose menace d'offenser un de nos yeux. Une lumière éclatante qui frappe subitement nos yeux, occasionne quelquesfois l'aveuglement. Hippocrate a remarqué que la vue inattendue d'un serpent rend le visage pâle. Lorsque qu'un personne qui a faim voit un aliment qu'elle aime, elle a une excrétion de salive plus abondaate qu'elle n'était avant d'avoir vu cet objet. Le bâillement & le vomissement se font souvent par cela seul qu'on voit ou qu'on entend quelqu'un bâiller ou vomir ... Dans cet ouvrage sur les maladies nerveuses, je traiterai principalement de celles de ces maladies qui ont en grande partie l'effet de la constitution foible, délicate, & extaordinaire des nerfs; & je regarde comme étant dans cette classe, la plûpart de ces symptômes que les médecins ont communément distingués par les noms de symptômes venteux, spasmodiques, hypochondriaques, hystériques, vaporeux. .... Des ceux qui se font sentir subitement dans tout le corps ou qui le parcourent; des frissonements; un sentiment de froid dans certaines parties sur lequelles il semble qu'on verse de l'eau; d'autres fois, un feu extraordinaire; ... Des palpitations de coeur; Le pouls très changeant, le plus souvent naturel, quelquefois extraordinairement lent, & , d'autres fois prompt ou fréquent, plus souvent petit que plein, &, dans certains cas, irrégulier ou intermittent; ... Une toux sèche avec de la difficulté à respirer, ou bien une convulsion ou un resserement des bronches: accident qui revient quelquefois périodiquement, le bâillement, le hoquet, les soupirs fréquents, un sentiment de suffocation ou d'étranglement qui semble causé par une boule ou un corps fort gros engagé dans la gorge, des cris & des ris convulsifs qui prennent par accès....."
 
Erasmus Darwin (1731-1802) est célèbre pour être le grand père de Charles et l'auteur de "Zoonomia ou les lois de la vie organique" (1794). Il est le premier à y décrire le mouvement du bras paralysé quand un hémiplégique bâille: " Yawning and pandiculation of the limbs is produced either by a long inactivity of the muscles now brought into action.... These involuntary motions are often seen in paralytic limbs, which are at the same time completely disobedient to the will".
"L'art de connaître les hommes par la physionomie" (1775-1778) de Gaspard Lavater (1741-1800) est l'aboutissement d'un courant philosophique né dans l'antiquité consistant à décrypter la personnalité d'un individu en fonction des traits de son visage. Le chapitre qu'il consacre au bâillement est particulièrement original: "Dans les instans les plus vifs des passions, la machoire a souvent un mouvement involontaire, ainsi que dans les momens où l'ame n'est affectée de rien; la douleur, le plaisir, l'ennui font également bâiller, mais il est vrai qu'on bâille vivement et que cette espèce de convulsion est très prompte dans la douleur et le plaisir, au lieu que le bâillement de l'ennui en porte le caractère, par la lenteur avec lequel il se fait".
 
Le XIXè siècle, le bâillement et l'hystérie.
François Magendie (1783-1855) démontra les découvertes de Charles Bell distinguant les racines antérieures de la moelle comme motrices et postérieures comme sensitives. Il soutint sa thèse le 27 mars 1808: "Essai sur l'usage du voile du palais" dans laquelle il consacre un chapitre original au bâillement: "Le bâillement, placé par les physiologistes au nombre des phénomènes inspiratoires, ne me paraît pas avoir été suffisamment étudié. On le considère généralement comme une longue inspiration nécessitée par le ralentissement de la circulation au moment du réveil, aux approches du sommeil et dans les passions tristes, comme l'ennui, etc. Mais, si l'on examine avec attention le bâillement, on reconnaîtra que souvent il se compose de plusieurs inspirations et expirations; que d'autres fois il arrive après l'inspiration, par conséquent lors de l'expiration; qu'enfin, dans certains cas plus rares, on bâille sans inspirer ni expirer; ce qui ma fait fortement présumer que la bâillement consiste principalement dans la pandiculation des muscles masséters temporaux ptérygoïdiens, et dans la contraction prolongée des muscles sous-maxillaires. Je ne prétends point exclure entièrement le but donné au bâillement par les physiologistes; mais je pense qu'il doit être regardé comme accessoire. Une autre raison me fait persister dans cette idée: c'est que le bâillement est presque toujours accompagné de la pandiculation des autres muscles du corps, et que des muscles aussi importants que les masséters et les ptérryoïdiens doivent nécessairement participer au bien-être résultant de cet état d'allongement. N'observe-t-on pas d'ailleurs pour les muscles de la mâchoire les deux espèces de pandiculation des muscles du tronc et des membres? Dans l'une, et c'est la plus fréquente, on étend les membres, on renverse le tronc en arrière, les fléchisseurs sont allongés, les extenseurs contractés; dans l'autre, le contraire arrive, c'est à dire, que le tronc et les membres sont dans la plus grand degré de flexion possible: alors les extenseurs sont allongés, les fléchisseurs fortement contractés. On retrouve ces deux espèces de pandiculation dans les muscles de la mâchoire inférieure, quand le bâillement ordinaire a lieu: les élévateurs sont allongés, les abaisseurs en contraction; dans un état particulier, et qui n'a pas encore été décrit, les muscles élévateurs, ainsi que tous les muscles de la face, entrent dans une violente contraction, et l'on éprouve alors une sensation parfaitement analogue à celle ressentie dans le bâillement".
 
Auguste Landre-Beauvais (1772-1840) inaugure un nouveau genre en proposant un des premiers livres de sémiologie médicale: "Traité des signes des maladies" (1815). Il décrit le bâillement associé à divers états pathologiques: " Le bâillement survient ordinairement avant le frisson fébrile ; il se rencontre quelquefois dans les fièvres ataxiques; il précède fréquemment les éruptions et les hémorrhagies. Les attaques de goutte, d'hystérie, d'hypochondrie s'annoncent, assez souvent par un bâillement continuel. Des bâillemens fréquens se remarquent quelquefois chez les femmes nouvellement enceintes. Le bâillement est un des phénomènes qui se manifestent après de grandes blessures, des évacuations excessives, des inflammations internes: s'il est accompagné de mauvais symptômes, il devient un signe très fâcheux. Dans les fièvres ataxiques, le bâillement fréquent devient un signe très dangereux, particulièrement s'il est joint à d'autres phénomènes qui annoncent la foiblesse. Il en est de même dans la fièvre jaune, dans la peste, dans les phlegmasies compliquées de fièvre ataxique. Des bâillements fréquens surviennent quelquefois chez les femmes qui sont dans le travail de l'enfantement : ils indiquent que l'accouchement sera difficile et que les forces sont opprimées ou affoiblies. Un sentiment de lassitude et de pesanteur dans les membres, et des sensations moins vives, précèdent immédiatement le bâillement ; il est suivi de plus de gaieté et de vivacité; le pouls acquiert de la fréquence, et souvent la chaleur augmente; la sécrétion des larmes et de la salive est plus abondante. Si on rapproche ces phénomènes de ce qui a eu lieu avant le bâillement, la fatigue, l'ennui, un froid extérieur, il paroît que le but de cet effort est de favoriser la circulation dans le poumon, où elle éprouve quelques obstacles produits soit par un état de spasme, soit par la pléthore".
 
Le premier dictionnaire médical encyclopédique du XIXe siècle, en 60 volumes paru de 1812 à 1822, est l'œuvre de Charles-Louis-Fleury Panckoucke (1780-1844) pour lequel il fit appel aux plus grandes signatures de l'époque, comme les Alibert, Pinel, Esquirol, Laënnec, Desgenettes ou Larrey. En plus de 4.000 notices et un peu plus de 200 illustrations, ce dictionnaire tente de faire la synthèse du savoir médical de l'époque, à la naissance de la clinique et de l'anatomo-pathologie. Il rencontra un grand succès commercial qui arrondit la fortune de son promoteur et assura une large promotion de la pensée médicale française. La rubrique "Bâillement" est novatrice car elle évoque le bâillement des animaux et décrit le bâillement fœtal jamais signalé précédemment: "Bâillement, s.f. oscitatio, action de bâiller : on fait dériver ce mot de balare, bêler. Le bâillement consiste dans une grande inspiration qui se fait lentement et ordinairement avec écartement considérable des mâchoires, et qui est suivie d'une expiration prolongée, souvent accompagnée d'un bruit sourd. On croit généralement qu'il est occasionné par un embaras de la circulation pulmonaire: cette opinion, qui n'est appuyée sur aucun fait positif, ne manque cependant pas de vraisemblance: en effet, presque toutes les causes qui déterminent le bâillement coïncident avec une certaine débilité de tout le système, qui paraît très propre à produire l'embaras dont nous parlons; ces causes sont l'ennui, l'envie de dormir, la fatigue, la faim, le malaise qui précède l'invasion de certaines fièvres intermittentes, etc. Les animaux que l'ont met sous le récipient de la machine pneumatique, ceux qu'on place dans un air non respirable, bâillent à plusieurs reprises avant de perdre la vie: les fœtus qu'on tire vivans du sein de leur mère par opération césarienne, bâillent également : enfin il paraît qu'une altération quelconque dans le tissu pulmonaire peut donner lieu à fréquens bâillemens. Dans beaucoup de cas, ce phénomène semble plutôt lié à l'état de l'esomac qu'à celui des poumons qui ne sont affectés, en quelque sorte, que d'un manière sympathique; c'est ainsi qu'une digestion laborieuse ou une simple douleur d'estomac, quelle qu'en soit la cause, est accompagnée de bâillemens répétés : cet accident peut aussi être purement spasmodique, comme on l'observe chez les femmes affectées d'hystérie, ou chez les individus qui sont sujets aux maladies convulsives. Le bâillement est, jusqu'à un certain point, un acte involontaire : on peut bien surmonter l'action des muscles qui tendent à abaisser la mâchoire, en contractant leurs antagonistes; on peut modérer l'expiration qui le temine et prévenir le bruit dont elle est accompagnée; mais la longue inspiration qui, à proprement parler, constitue le bâillement, ne peut être réprimée, sans doute parce que le diaphragme, qui en est l'agent, reçoit en partie ses nerfs du système des ganglions, ainsi que M. Roux l'a fort bien remarqué. Bichat soupçonnait que l'objet de cet acte involontaire était de renouveler plus complètement l'air contenu dans les poumons qu'il ne l'est dans une inspiration ordinaire, et de donner lieu, par là, à une une plus grande absortion d'oxygène."
 
François-Joseph Double (1776-1842), célèbre à son époque et membre fondateur de l'Académie de Médecine, publie, lui aussi, un traité de "Séméiologie générale ou traité des signes et de leur valeur dans les maladies" en 1817. Il y récapitule les mêmes données que Landre-Beauvais: "Des considérations rapides sur le mécanisme du bâillement, laissent facilement entrevoir le degré d'influence qu'il doit avoir sur l'économie. Quelle idée ne prendra-t-on pas de son importance, si l'on réfléchit à l'état général de l'économie qui le précède et qui le termine, et par exemple à l'espèce de stupeur et d'engourdissement qui le prépare, au sentiment de lassitude et de faiblesse qui le devance, et au contraire à la sensation agréable qui le suit, au délassement et au bien-être qu'il procure. C'est dans la méditation ce ces divers objets, que l'on retrouve l'indication de la plupart des signes que l'expérience a attaché au bâillement [...] Une distenion successive de tous les muscles avec une sensation agréable assez ordinairement suivie de bâillement, constituent les pandiculations. [...] Aux approches des convalescences, les pandiculations sont un signe très-avantageux; mais si elles se prolongent et si elles persistent avec trop d'opiniatreté, on doit craindre une rechute. Dans le cours des maladies, les pandiculations sont toujours salutaires; elles constatent l'état favorable des forces vitales et la résistance que la nature oppose à l'action de la maladie".
 
A la même époque, Anthelme Richerand (1779-1840), connu pour ses querelles avec Dupuytren, publia, à 22 ans, "Nouveaux éléments de physiologie", large compilation des écrits de l'époque et sans originalité mais dans un style à l'origine d'un réel succès pédagogique comme ce témoignage l'atteste: "Nos années dites scolaires ont été comme embellies et charmées par la lecture de cet ouvrage. C'était pour nous comme une séduisante introduction à l'étude austère de la Médecine; lecture un peu légère si l'on veut, mais qui semblait parsemer de fleurs ses premiers sentiers". L'article sur le bâillement en fait foi: "On bâille également quand on s'éveille, afin de monter les muscles du thorax au degré convenable à la respiration, toujours plus lente, plus rare et plus profonde durant le sommeil que pendant la veille. C'est par un besoin analogue que l'instant du réveil est marqué chez tous les animaux par des pandiculations, action musculaire dans laquelle les muscles semblent se disposer aux contractions que les mouvemens exigent. C'est à la même utilité que l'on doit rapporter le chant du coq et l'agitation de ses ailes; enfin c'est pour obéir à la même nécessité, qu'au lever du soleil, les nombreuses tribus des oiseaux qui peuplent nos bocages gazouillent à l'envi et font retentir les airs de chants harmonieux. Le poète croit entendre alors l'hymne joyeux par lequel le peuple ailé célèbre le retour du dieu de la lumière" !
 
Nicolas Adelon (1782-1862) est l'auteur du long article consacré au bâillement dans le Dictionnaire de Médecine paru en 1821. Il développe largement la théorie ventilatoire du bâillement, lui assurant plus de 150 ans de succès: "Ainsi, dans l'état de santé, le bâillement éclate par le séjour dans le vide, par la situation dans un air non renouvelé, parce que dans ces cas l'air manque ou est peu riche en oxygène, et qu'on cherche à suppléer en en introduisant beaucoup, a ce qui manque à si qualité. C'est par la même raison que le bâillement est un phénomène précurseur de toutes les asphyxies graduelles. On bâille aux approches du sommeil, parce que la paralysie momentanée, qui va saisir tous les muscles du corps semble vouloir saisir aussi ceux de la respiration, d'où résulte une diminution passagère dans les inspirations; et comme cependant la circulation a continué de même, et par conséquent a amené dans le poumon la même quantité de sang veineux à changer en artériel, on conçoit qu'il n'y a plus eu assez d'air pour effectuer cette conversion, et qu'un peu de sang veineux restant dans le poumon, il s'est fait un léger embarras dans la circulation pulmonaire: alors des bâillements surviennent automatiquement pour introduire une plus grande masse d'air, toute la quantité nécessaire pour artérialiser le sang veineux restant, et rétablir l'équilibre. C'est parce que le bâillement éclate dans toutes les circonstances où existe cette accumulation de sang veineux dans le poumon, cet embarras dans la circulation pulmonaire, qu'on a considéré ce phénomène comme un remède physiologique destiné à dissiper cet engorgement; et il est sûr en effet que son entier accomplissement est suivi d'un sentiment de bien-être. A juger par ce sentiment, on croirait que l'air extérieur que le bâillement introduit dans le poumon a vaincu dans cet organe l'obstacle qui y entravait la circulation. On bâille aussi premiers instants du réveil, parce que, pendant le sommeil, l'inspiration s'est faite dans un mode autre que pendant la veille et que, lors du passage d'un de ces modes à l'autre, il a y eu momentanément diminution dans les inspirations, défaut d'équilibre entre la quantité d'air introduite et la quantité de sang veineux à charger en sang artériel, d'où est résulté un léger engorgement pulmonaire qui a appelé à sa suite le phénomène propre à le dissiper".
 
A la même époque, en Angleterre, John M. Good (1764-1827) détaille bâillements et pandiculations dans The Study of Medicine with a Physiological System of Nosology. De façon très différente des explications ayant cours sur le continent, il n'évoque jamais le mécanisme ventilatoire mais n'y voit qu'un travail musculaire nécessaire à l'équilibre entre extenseurs et fléchisseurs. Ces notions s'approchent des constats physiologiques contemporains.
 
En 1861, dans les Annales de Sciences Naturelles, Adolphe Dureau de la Malle (1777-1851) propose un mémoire sur le développement des facultés intellectuelles des animaux sauvages et domestiqués. Il assure avoir créé un lien si proche avec son chien, que celui-ci bâille en le voyant bâiller! Un auteur contemporain A. Senju a publié en 2008 une recherche aboutissant à des conclusions comparables.
 
François Broussais (1772-1838) se démarque complètement de ses prédécesseurs et contemporains, dans son Traité de physiologie appliqué à la pathologie, paru en 1834: "Si l'on veut rechercher le mécanisme des bâillemens, que l'on peut considérer comme le premier signe et le principal phénomène de l'ennui, soit moral, soit physique, on rencontrera de grandes difficultés. On l'a considéré comme produit par le besoin de respirer, ou comme destiné à renouveler l'air stagnant dans les poumons, lorsque la respiration a été quelque temps ralentie. C'est une erreur - il suffit d'être praticien pour avoir la certitude que jamais la dyspnée ne produit seule le bâillement." [...] "Les poumons me paraissent beaucoup moins influencés que l'estomac par l'acte du bâillement" [...] "si le besoin d'air n'est pas l'objet principal de cette grande aspiration, à quoi peut-elle servir? Serait-ce pour obtenir une déglutition d'air, et faire par là cesser un malaise de l'estomac ?" Cette réflexion originale n'eut pas d'écho et la théorie ventilatoire perdura.
 
John Abercrombie (1780-1844), médecin écossais, publie en 1828, Pathological and practical researches on the diseases of the brain and spinal cord, traduit en français en 1832. Il décrit avec une grande précision ce curieux phénomène rencontré chez certains hémiplégiques qui voient leur bras paralysé venir vers la bouche pendant qu'ils bâillent; il signale la simultanéité et précise sa disparition lors de la récupération de la paralysie.
 
En 1842, Pierre-Marie Flourens (1794-1867) donne une explication claire des automatismes moteurs et de leur coordination (Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux dans les animaux vertébrés): "Quant à la moelle épinière, elle se borne à lier les contractions musculaires, premiers éléments de tout mouvement, en mouvements d'ensemble; et, bien que d'elle partent presque tous les nerfs qui déterminent et ces contractions et ces mouvements, ce n'est pourtant point en elle que réside l'admirable faculté de coordonner et ces contractions et ces mouvements en mouvements déterminés, saut, vol, marche, coure, station, etc.; ou inspiration, cri, bâillement, etc.: cette faculté réside dans le cervelet, pour les premiers; dans la moelle allongée, pour les seconds. Il reste une dernière considération à rappeler. Communément, les mouvements de la respiration, du cri, du bâillement, etc., sont appelés involontaires, par opposition aux mouvements de locomotion, qu'on appelle alors volontaires".
 
Louis Delasiauve (1804-1893) et Théodore Herpin (1799-1865) ont leurs noms associés aux descriptions précises de différents types d'épilepsie, distinguant les crises généralisées des crises partielles. Ils décrivent des prodromes avertissant le malade de la survenue d'une crise, notamment des bâillements réitérés. Ces symptômes sont actuellement attribués à des crises partielles temporales.
 
Fin du XIXè siècle, le bâillement est-il un réflexe?
Jean-Louis Brachet (1789-1858), éminent physiologiste lyonnais, conteste, le premier, le rôle respiratoire du bâillement: "On fait, en général, consister le bâillement dans une grande et profonde inspiration qui se fait lentement et avec abaissement considérable de la mâchoire inférieure, de l'os hyoïde et du larynx, et à laquelle succède une expiration prolongée et accompagnée d'un bruit sourd particulier; on l'attribue soit au besoin de renouveler l'air des poumons, soit au besoin d'en introduire une plus grande quantité pour fournir plus d'oxygène au sang, dont le cours était gêné, et qui, par conséquent, en a besoin, soit enfin à un sentiment de malaise qui se manifeste dans le fond de la gorge, à la partie supérieure du cou. Telle n'est pas notre manière de voir. Ce n'est pas seulement à cette contraction convulsive des muscles de la face et du cou, ce n'est pas à cette colonne d'air plus large qu'elle promène dans les voies aériennes, que nous restreignons l'action de ce phénomène. Le bâillement n'est pas un phénomène purement local appartenant exclusivement, à la respiration : c'est un phénomène général appartenant à l'économie tout entière" [...] "Ainsi, nous pensons que le bâillement a lieu, de même que les pandiculations, lorsque le cerveau, averti de l'engourdissement dans lequel tombe l'économie, cherche à en prévenir les suites en sollicitant des actes d'excitation et de réveil; alors tous les muscles de l'économie se contractent, aussi bien ceux de la locomotion que ceux de la respiration. Cette contraction générale est déjà un moyen de stimulation".
 
Almire Lepelletier de la Sarthe (1790-1880) adepte de la physiognomonie, développée par Johann-Casper Lavater en 1775, dépasse largement son maître en des propos attristants qui nous répugnent: "Lors que le bâillement est habituel, on peut supposer chez le sujet: intelligence bornée, sans initiative, esprit lent paresseux, inactif; caractère mou, faible indolent, craintif, indifférent, mélancolique, ennuyeux, incapable d'une résolution énergique, d'une entreprise longue, difficile ou périlleuse; quelque fois astucieux, rusé, méditant le vol et la fraude, au cours des affaires".
 
Jules-Bernard Luys (1828-1897) publie en 1865 "Ses recherches sur le système nerveux cérébro-spinal, sa structure, ses fonctions et ses maladies". Il y décrit les noyaux gris centraux donnant son nom à l'un d'eux et envisage leur rôle physologique complètement ignoré avant lui. Il développe des idées novatrices également concernant le bâillement: "Pour peu qu'on y réfléchisse en effet, il est d'observation vulgaire qu'au moment où les cellules cérébrales commencent à passer à l'état d'inactivité, les régions bulbaires de l'axe spinal qui tiennent sous leur dépendance immédiate le jeu des appareils respiratoires, sont modifiés dans leur mode de fonctionnement. Toute le monde sait en effet que le bâillement est le signe prémonitoire qui indique que les conditions de l'activité fonctionnelle diurne du système nerveux ont cessé d'être ce qu'elles étaient précédemment. Qu'est-ce, en effet, que le bâillement, si ce n'est une inspiration involontaire indiquant par elle même que l'innervation de la sphère de l'activité automatique acquiert à la région bulbaire une influence prépondérante, par la suite de la rétrocession de l'influx cérébral, et qu'il se passe en ce point limité de l'axe spinal, une sorte d'interrègne et de perturbation du stimulus incitateur? D'autre part, le rhythme si particulier que prennent les mouvements inspiratoires pendant la période de collapsus du cerveau, leur succession si mesurée, leurs caractères si franchement automatiques, nous portent pareillement à penser qu'ils ont cessé d'être régis par les mêmes foyers d'innervation que ceux qui les suscitent pendant l'état de veille".
 
La fin du XIXè siècle que nous abordons maintenant est dominée par les travaux de Jean-Martin Charcot (1825-1893) et de ses élèves Charles Féré (1852-1907) et Georges Gilles de la Tourette (1857-1904). La plus célèbre observation de bâillements pathologiques a été présentée par JM. Charcot le mardi 23 octobre 1888. Sa jeune patiente de 17 ans bâille 8 fois par minute soit 480 fois par heure sans s'arrêter sauf pendant le sommeil; elle a des crises épileptiques généralisées, une anosmie complète, une amputation bitemporale des champs visuels. Gilles de la Tourette, reprenant cette observation dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, en 1890, précise qu'elle a une aménorrhée depuis près d'un an, sans indiquer si une galactorrhée avait été recherchée. Et pourtant, JM. Charcot poursuit: « Vous avez sans doute prévu, après ce que je viens de vous dire, que nous sommes ici dans le domaine de l'hystérie ». S'il est permis, 120 ans plus tard, de critiquer le maître, JM. Charcot avait très probablement devant lui une jeune fille porteuse d'une adénome hypophysaire à prolactine comprimant son chiasma optique et son hypothalamus. Etonnament, JM. Charcot reprend sans aucune critique: "Physiologiquement, on assure que c'est un acte automatique nécessite par un certain degré d'anoxémie, un besoin d'hématose des centres nerveux". Dans le tome 3 de La Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière (1890), Gilles de la Tourette ajoute à ce cas quatre autres observations où se mêlent mouvements anormaux et convulsions rapportés à l'hystérie. Il est bien délicat de porter un diagnostic précis mais une pathologie organique est probable au niveau thalamique ou hypothalamique comme une tumeur avec hypertension intra-crânienne ou une maladie de tics chroniques. Gilles de la Tourette reprendra ces cas et les commentera à nouveau dans son Traité de l'hystérie en trois volumes de 1895 justifiant, à ses yeux, leur origine hystérique. Enfin en 1905, Ch. Féré publie une note sur le bâillement à la Société de Biologie rendant compte de ses efforts pour mesurer la force musculaire, notant sa diminution après les bâillements (?).
 
Paolo Mantegazza (1831-1910) est un psychologue italien auteur de "La physionomie et l'expression des sentiments". Il est le premier à rapporter: "Le bâillement exprime les choses les plus variées telles que la faim, la soif, et, surtout chez la femme, le besoin de l'amour physique; mais dans la mimique de la douleur, c'est un élément caractéristique de l'ennui".
 
En 1891, l'américaine Henrietta Russell, de New York, décrit, dans son livre "Yawning", la gymnastique naturelle, comparable à la relaxation conempraine, montrant tout l'intérêt du bâillement induit par la relaxation source d'une sensation de détente et de bien-être. Elle a largement fait école depuis et une thèse a été consacrée à ce thème en 2006 en France.
 
Le XXè siècle
1901 est une année capitale dans l'étude du bâillement. En effet, René Trautmann (1875-1956) soutient sa thèse de doctorat à Bordeaux présidée par Paul Vergely: Le Bâillement. C'est la première thèse sur les trois soutenues en France au XXè siècle sur ce thème, et de loin la plus intéressante. Trautmann, formé à l'école de santé militaire, deviendra médecin en Afrique pour toute sa carrière militaire, rédigeant quelques nouvelles de ses séjours et des études éthnologiques marquées par l'esprit colonisateur de l'époque. Cette thèse brosse un historique très riche et encore bien utile. Trautman décrit en détail, plus loin, comme aucun de ses prédécesseurs, l'activation des muscles de la face et des voies respiratoires et en conclue au rôle d'amélioration de l'oxygènation du sang grâce au bâillement. Il passe en revue les différentes théories expliquant la contagiosité du bâillement et propose: "le bâillement rentre dans la catégorie des faits que l'habitude renforce, que la dépression morale favorise. Lorsque l'esprit est tendu, lorsqu'on prête une grande attention à un récit, on ne bâille pas., même si une ou plusieurs personnes accomplissent cet acte. Le bâillement est un phénomène purement imitatif, au même titre que les gestes et les mouvements involontaires de la face exécutés par beaucoup d'individus assistant à un discours ou une séance de déclamation.... La plus grande fréquence du bâillement provoqué, selon les sujets, résulte d'une plus grande tendance à l'imitation instinctive chez eux". Trautmann accepte l'idée que bâiller est involontaire mais s'oppoe aux écrits historiques qu'il cite en proposant une méthode pour le déclencher à volonté: "nous avions remarqué depuis longtemps qu'il nous était possible, par un mécanisme particulier, de déterminer à volonté un bâillement complet; plusieurs de nos camarades, étudiants en médecine, sont arrivés au même résultat. Il suffit de tendre énergiquement les muscles sus-hyoïdiens en inspirant lentement et profondément; le maxillaire inférieur est abaissé et projeté en avant, un bourdonnement se produit dans l'oreille: le bâillement a lieu." Trautmann passe longuement en revue toutes les formes de bâillements pathologiques en y apportant quelques observations personnelles de salves de bâillements à la phase des frissons lors du début d'une fièvre. Un long chapitre décrit les bâillements des femmes enceintes notamment lors d'accouchements hémorragiques ou de fièvres puerpérales, avec ses propres observations. En sa conclusion, Trautmann écrit: "le bâillement, s'il se manifeste toujours de la même façon, en tant qu'acte musculaire, peut être considéré comme un réflexe d'ordre différent suivant les cas où il se produit: a) on peut l'envisager d'abord dans quelques circonstances comme un réflex uniquement médullaire; b) dans d'autres, comme un réflexe mésencéphalique; c) enfin, il nous paraît évident que souvent il est constitué par un réflexe cérébral et cortical, fort probablement". Il remet en cause ainsi, à la fin de sa thèse, la théorie ventilatoire qui n'explique pas tous les cas cliniques qu'il a présentés et suggère de découvrir les mécanismes neurologiques qui déclenchent le bâillement. Trautmann apparait ainsi comme le "premier des modernes".
 
André Vigouroux et Paul Juquelier consacre en 1905 un livre à "La contagion mentale". Ils conçoivent le bâillement comme un réflexe ce qui le rendrait contagieux par nature. Ils émettent surtout l'hypothèse, qui fera succès sous le nom de théorie de l'esprit, qu'en mimant involontairement les gestes, actions, émotions d'autrui nous en acquérons la capacité de décoder le ressenti de celui que nous observons. Cette théorie se renouvelera à la fin du XXè siècle avec la découverte des neurones miroirs: "la vue d'actions coordonnées, rythmiques et devenues réflexes chez ceux qui les exécutent, provoquent chez les spectateurs des réactions motrices, parfaitement inconscientes, mais également rythmiques, qui sont pour ainsi dire une ébauche de la reproduction, des actes perçus".
 
FH. Pike, de l'Université Colombia, à New York, propose en 1916 dans "Journal of Heredity" une revue exhaustive où sont pris en compte le monde animal et la vie fœtale et renouvèle les concepts sur l'origine du bâillement, que ce soit sous l'emprise de la faim ou par la nécessité de combattre un ennemi.
 
John Hughlings Jackson décrit dans le numéro du 21 janvier 1905 du "Lancet" une observation faite personnellement: alors qu'il réalise un fond d'oeil à un patient, il constate subitement une pâleur rétinienne attribuée à un spasme artériollaire, aussitôt suivie d'un bâillement qui rétablit l'aspect antérieur de la rétine.
 
La période qui suit la première guerre mondiale a été marquée par l'importante épidémie d'encéphalite léthargique dite de von Economo. A côté des formes léthargiques souvent fatales ou guérissant au prix d'un syndrome parkinsonnien et de mouvements anormaux (crises occulogyres), une forme plus rare, à l'inverse, se manifestait pas une insomnie rebelle et mortelle, très souvent accompagnée de salves de bâillements répétés. Jean Sicard et André Paraff ont publié en 1921 un cas, associé à des accès de rires, comparable à une épilepsie gélastique. Gabrielle Lévy, élève de Pierre Marie et Jean Lhermitte y consacra sa thèse en France en 1922, alors qu'aux USA, MacDonald Critchley, Smith E. Jelliffe, et en Suisse, Raymond de Saussure, Georges Guillain et Pierre Mollaret à Paris, collectaient des observations où les bâillements peuvent s'interpréter comme des mouvements anormaux, proches de tics et de comportements de relaxation au décours d'épisodes d'hyperventilation involontaire.
 
Edouard Claparède (1873-1940) médecin et psychologue genevois se consacra, entre autres, à la psychologie de l'enfant. Dans une revue destinée aux enseignants, L'Educateur, en 1924, il s'inspire de travaux allemands de Valentin Dumpert (1921) précisant que l'inspiration du bâillement est la conséquence d'une contraction massive du diaphragme, part de la pandiculation et non d'une origine ventilatoire propre. Il est le premier à renverser le paradigme du bâillement ventilatoire et inaugure la théorie actuelle d'un phénomène neuromusculaire d'origine diencéphalique: "Le bâillement n'est incompréhensible que lorsqu'on le considère isolément. Tout s'éclaire au contraire si on le regarde comme n'étant qu'une portion d'un réflexe plus général, le réflexe d'étirement. Nous savons tous en effet que le bâillement ne va guère sans un étirement général du corps; le fait est frappant chez certains animaux, comme le chien ou le chat. Il est manifeste aussi chez les petits bébés, et bien souvent chez l'adulte lui-même. Dumpert a constaté chez lui que le fait de s'étirer volontairement déclenche involontairement le bâillement. (Cette observation est facile à répéter.) Il a noté aussi que, chez les hémiplégiques, le bâillement suscite des mouvements associés: chez eux, les membres paralysés présentent des mouvements d'extension qui persistent pendant toute la durée du bâillement. Il n'y a pas de doute, pense-t-il, que ces mouvements associés n'appartiennent au réflexe total d'étirement". [...] " Lorsqu'un de nos auditeurs bâille, pouvons-nous vraiment croire non pas qu'il désire ne plus nous entendre, mais au contraire qu'il s'efforce de nous écouter ?" Le bâillement devient un stimulant de la vigilance, une vraie révolution !
 
Paul Delmas-Marsallet présente, en 1937, dans la revue Oto-Neuro-Ophtalmologie un article titré « Le signe du bâillement dans les lésions du cerveau frontal ». Il y décrit cinq observations de bâillements incoercibles révélant soit des hématomes frontaux soit des tumeurs frontales. Il propose de retenir le bâillement incoercible comme signe clinique d'hypertension intra-crânienne, ce qui reste vrai.
 
Paul Heusner établit en 1946 dans Physiological Review, la première synthèse en anglais. Les notions de phylogenèse émergent pour la première fois. Une description précise des différents temps du bâillement et les horaires quotidiens sont scientiÞquement mesurés. Le tronc cérébral et les noyaux gris centraux apparaissent comme à l'origine du bâillement, après des observations de bâillements chez des nouveau-nés anencéphales, où lors de parakinésie brachiale chez l'hémiplégique.
 
Jean Barbizet publi en 1958, en français et en anglais, une vaste compilation des données et concepts historiques, enrichie par les premières mesures, réalisées par l'auteur en radioscopie, de l'expansion pharyngo-laryngée au cours des bâillements. Il montra ainsi qu'à l'acmé d'un bâillement le diamètre pharyngo-laryngé est multiplié par quatre. Il décrit les premiers travaux de P. Passouant qui, par électrostimulation de l'hypothalamus, déclenche des bâillements expérimentaux chez le chat. Alors que la parakinésie involontaire du bras paralysé d'un hémiplégique est rappelée, il signale l'observation insolite de D. Furtado : le mouvement passif du bras paralysé d'un malade atteint de poliomyélite déclenche des bâillements, cas jamais retrouvé depuis.
 
A. Montagu écrit, en 1962, un article dans le JAMA, fréquemment cité depuis , où il propose pour la première fois le concept du bâillement stimulant la vigilance, tout en attribuant la baisse de celle-ci à un déÞcit d'oxygènation cérébrale.
 
J. Boudouresque essaie, en 1965, une synthèse des connaissances pour l'Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Reprenant le concept ancien de bâillement équivalent d'un acte respiratoire modiÞé, il indique clairement le diencéphale et le tronc cérébral comme lieu d'origine. Après un catalogue complet des causes d'excès de bâillements, il conclut par « Le bâillement représente le signe le plus évocateur d'une souffrance méso-diencéphalique ; sa valeur pronostique est considérable : il est un synonyme de gravité ».
 
S'ouvre alors, en 1963, l'ère des pharmacologues qui publient les premiers travaux de déclenchement expérimental du bâillement qui se révèle constamment associé à l'érection et souvent des étirements des membres chez le rat, le chat, le singe Mongabé. W Ferrari et GL.Gessa et al. publient dans Les Annales de l'Académie des Sciences de New York les résultats de l'injection intra-cérébrale d'ACTH, hormone hypophysaire stimulant la sécrétion de cortisol et d'autres stéroïdes du cortex surrénalien. L'ACTH, peptide de 41 acides aminés, est produite à partir d'un précurseur (pro-opiomélanocortine ou POMC) et agit au niveau du noyau paraventriculaire de l'hypothalamus. Or la POMC est également précurseur d'autres protéines hormonales comme l'alpha MSH, hormone stimulant la mélanogénèse, qui se révèleront inductrices de bâillements après injections corticales.
 
Le rôle central du noyau paraventriculaire de l'hypothalamus est précisé, en 1980, par les travaux de W. Ferrari, A. Argiolas, et MR. Melis en Italie, R. Urba-Holmgren et B. Holmgren au Mexique, renouvelant l'approche des systèmes dopaminergiques et cholinergiques cérébraux.
 
Dans les années 80-90, les psychologues américains R. Provine, et R. Baenninger publient les premiers travaux scientiÞques d'étude comportementale du bâillement en prenant leurs étudiants comme population d'observation. Sans qu'il semble y avoir lien ou concertation, l'éthologie avec BL. Deputte en France et F. Troisi aux Pays-Bas, décrit les différents type de bâillements observés chez les primates non humains, notamment l'existence de bâillements testostérone dépendants chez les mâles dominants d'un groupe.
 
En ce début du XXIè siècle, les mécanismes neuro-hormonaux semblent établis, faisant du bâillement un marqueur de l'activité des récepteurs D3 à la dopamine. L'étude de "la contagion" du bâillement offre un exemple de langage non verbal s'intégrant dans la théorie de l'esprit. Sa déficience chez les enfants autistes, son imagerie cérébrale renouvèlent la manière de concevoir les mécanismes neuropsychologiques du décodage involontaire des émotions, rapprochant le bâillement de l'empathie.
 
Après avoir été un phénomène assimilé à une ventilation forcée pendant des siècles, le bâillement est devenu une stéréotypie émotionnelle extériorisant des phénomènes d'homéostasie des systèmes d'éveil, de la satiété et de la sexualité.
 
 
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